Audition (Odishon, 1999) de Takashi Miike ressort en salles mercredi 13 avril avec deux autres titres essentiels de la J-Horror : Ring (1998) et Dark Water (2002) de Hideo Nakata, distribués par The Jokers – Les bookmakers.
 
Devenu rapidement célèbre pour sa prolificité et ses débordements visuels, Takaski Miike préfère dans Audition avancer subtilement dans l’horreur plutôt que de nous plonger d’emblée dans des situations épouvantables. Film froid, implacable, construit sur des effets de rétention et de retardement, Audition commence psychologique et finit catastrophique. Malgré sa redoutable héroïne, jeune beauté prédatrice qui piège un sympathique veuf, Audition se rattache moins à la catégorie des psycho-thrillers misogynes, dans lesquels le féminin est décrit comme une menace, qu’à une tradition littéraire et cinématographique nippone où la passion sexuelle dérape dans la folie et le sang, comme L’Empire des sens d’Oshima, La Bête aveugle de Masumura, ou justement le roman de Ryû Murakami dont Audition est l’adaptation.
Audition n’est donc pas tant un film sur la phobie de la femme qu’une illustration extrémiste de l’impossibilité ontologique de l’homme à comprendre le sexe opposé, dont la jouissance est un secret aussi bien gardé que les expériences tranchantes d’Asami, l’héroïne d’Audition. Le sadisme de la jeune femme apparaît comme une substitution à sa sexualité, ou du moins sa manifestation unique. On découvre peu à peu que cette frêle silhouette aux motivations opaques ne vit que par et pour la souffrance. Violentée et torturée dans son enfance, il lui manque la possibilité d’échange ou de confiance avec une autre personne susceptible de ne jamais la trahir. Sans être un film à thèse, Audition n’a pas de mal à transcender les frontières de la violence pornographique de la majeure partie des productions japonaises trash et gore pour dénoncer en filigrane les humiliations et les dégradations physiques subies par les femmes. Dans la vie et au cinéma.
Takashi Miike enrichit cette histoire somme toute classique (même si son traitement échappe à l’idée de déjà vu) d’une dimension supplémentaire. Sa manie parfois lassante de prôner la confusion des genres et des styles à l’intérieur du même film aboutit dans Audition à un travail formidable sur les métamorphoses des dispositifs scéniques et la fluidité des liens qui unissent documentaire et fiction. Le film hasarde une métaphore sur le cinéma, puisque tout son début montre une audition vidéo détournée de sa véritable fonction (la quête d’actrices débutantes pour un film imaginaire) vers une autre beaucoup moins avouable (non seulement la recherche d’une aventure amoureuse, mais aussi la création d’un couple). Il ne s’agit plus du fantasme du casting sexuel mais, plus pervers encore, du casting amoureux. Le héros du film dissimule donc son désir derrière un alibi d’auteur. L’entretien filmé envisagé comme un embrayeur de romance se transforme en leurre et en piège mortel. Le producteur cherche une vraie jeune fille (Asami est la seule qui ne joue pas un rôle lors de l’audition) et il rencontre un personnage de film d’horreur. La suite du film laisse apparaître le sentiment de culpabilité du personnage masculin, rattrapé par sa déontologie professionnelle et sa morale personnelle, honteux d’avoir berné sa jeune maîtresse sur ses véritables intentions. Tricheur, coupable et puni, la victime masculine joue le jeu de sa tortionnaire. Audition est un film autant masochiste que sadique.
C’est sans doute parce qu’il ne s’affiche pas comme un film de genre, débute aux confins de l’essai cinématographique pour s’achever dans le Grand-Guignol qu’Audition, modèle de série B intelligente, terrifie à ce point, et soulève des interrogations qui dépassent son statut de machine à faire peur.

 
 
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Film que j’ai découvert il y a quelques années grâce à Arte, une oeuvre extrêmement perturbante et marquante.
A ce propos, avez-vous prévu quelques programmations de films de genre prochainement ? ^^
Une programmation cinéma asiatique est prévue cet été, mais ce ne seront pas uniquement des films de genre.
Audition est souvent considéré comme le meilleur film de sa pléthorique filmographie .
Une réussite , un vrai film d’horreur adulte mental et physique .
Je ne connais de lui que les deux remakes de grands classiques du cinéma japonnais et La Maison des sévices de la série télévisée Les Maîtres de l’horreur.
Pour moi 13 Assassins est un remake correct mais sans plus des Treize Tueurs d’Eiichi Kudo, et Hara-Kiri : Mort d’un samouraï qui est lui aussi un remake mais très inférieur au Harakiri de Masaki Kobayashi.
Que pensez vous de ces remakes ?
Avez vous d’autres films à conseiler de T Miike ?
Ses deux remakes, de facture plus classique que ses films habituels, ne m’ont pas réellement convaincu moi non plus.
je suis loin d’avoir vu tous ses films (il en a signé plus d’une centaine) mais j’avais aimé Graine de Yakuza, la trilogie Dead or Alive, Visitor Q. Sa comédie déjantée la Mélodie du malheur est amusante et son film pour enfants La Guerre des Yokai plutôt réussi.
Merci de votre réponse et des titres conseillés .
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Directeur général d’ARTE France Cinéma et directeur de l’Unité Cinéma d’ARTE France.

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