C’est quoi Neom, ce projet controversé de mégalopole futuriste dans le désert saoudien ?
Actuellement en construction, cette mégalopole inclura une smart city dont les plans viennent d’être dévoilés. Ce projet fait cependant l’objet de controverses qui, en plus d’obstacles techniques, pourraient l’empêcher d’atteindre son objectif de 2030.
Permettre à des citadins d’avoir une meilleure qualité de vie dans des villes futuristes dès 2030. C’est l’ambition de plusieurs personnes, à l’image du milliardaire Marc Lore avec Telosa ou du prince héritier d’Arabie saoudite, Mohammed ben Salmane, avec sa mégalopole baptisée Neom, située dans le nord-ouest du pays, en plein désert. Annoncé en 2017, ce projet, doté d’un budget de 500 milliards de dollars, fait partie du plan Vision 2030 du gouvernement saoudien ayant pour but de faire sortir le pays de sa dépendance au pétrole en diversifiant son économie.
Composée de plusieurs villes, dont de la cité industrielle Oxagon et de la destination mondiale de tourisme de montagne Trojena, cette mégalopole a récemment fait parler d’elle lorsque le prince héritier a dévoilé les plans de The Line, sa smart city (ville intelligente en français), qui devrait accueillir 1,5 million de personnes vers 2030 et 9 millions d’ici 2045.
Annoncée en 2021, The Line est décrite comme une « révolution civilisationnelle qui place l’humain au premier plan, offrant une expérience de vie urbaine sans précédent tout en préservant la nature environnante ». Fonctionnant avec 100 % d’énergies renouvelables, elle serait construite autour des humains, accordant la priorité à la santé et au bien-être des personnes et non aux transports et aux infrastructures. Concrètement, la ville ne produirait aucune émission en étant exempte de voitures et de routes. Et celles-ci seraient absentes de la smart city pour une bonne raison : elle a été conçue pour être pratique et accessible par la marche, les résidents devraient avoir accès à toutes les installations à moins de cinq minutes à pied. Un réseau de transports publics leur permettrait aussi de se déplacer d’un bout à l’autre de la ville en 20 minutes.
The Line a de quoi surprendre avec son design atypique. Ce sera en effet une ville linéaire mesurant seulement 200 mètres de large et 170 kilomètres de long. Le tout recouvert de deux miroirs immenses de 500 mètres de hauteur. L’idée est de superposer verticalement l’ensemble des « fonctions de la ville » tout en permettant aux habitants de se déplacer en trois dimensions (vers le haut, vers le bas ou à travers). C’est grâce à cette superposition des maisons, des écoles, des parcs publics et d’autres lieux que les habitants pourraient accéder à l’ensemble des installations en moins de cinq minutes.
The Line serait ainsi unique au monde, mais encore faut-il que l’Arabie saoudite parvienne à construire cette ville intelligente d’ici 2030. De nombreux obstacles se dressent en effet sur la route de cet objectif. Selon les informations du Wall Street Journal, une première étude d’impact réalisée début 2021 indiquait que la construction de cette ville intelligente pourrait prendre 50 ans, se faisant par étapes. Les urbanistes à l’origine de sa conception doivent également résoudre plusieurs questions comme la gestion de l’entrecroisement de The Line avec les couloirs de migration de millions d’oiseaux. À cela s’ajoute le problème de l’ombre créée par les murs de la ville, le manque de soleil pouvant être préjudiciable pour la santé, d’après des documents consultés par le quotidien américain.
Outre The Line, des problèmes sont aussi présents au niveau de la mégalopole. Neom pourrait en effet disposer d’une lune artificielle, de taxis volants ou encore de robots domestiques pour nettoyer les maisons, mais la plupart de ces technologies n’existent pas encore ou ne seront pas forcément prêtes d’ici la fin de la décennie.
Le projet est par ailleurs loin d’enchanter tous les Saoudiens, bien au contraire. La construction de Neom dans le nord-ouest de l’Arabie Saoudite oblige près de 20 000 membres de la tribu des Howeitat à quitter le territoire qu’ils occupent depuis des siècles. Ces derniers ont protesté contre leur expulsion programmée, refusant les offres de dédommagement du pouvoir. Cela a même conduit à la mort de l’un d’entre eux, Abdul Rahim al-Huwaiti, en avril 2020. Il a été tué par des policiers venus l’arrêter à son domicile à la suite d’une vidéo dans laquelle il expliquait que les forces de l’ordre ont essayé de l’expulser.
Autre problème qui pourrait ralentir le développement du projet : la culture managériale qui, selon le Wall Street Journal, rabaisse les expatriés, formule des exigences irréalistes et ferme les yeux sur la discrimination. Cela a poussé de nombreuses recrues à fuir le projet : des dizaines de cadres expatriés sur les 1 500 employés auraient démissionné ou ont été licenciés. Certains auraient même préféré perdre des contrats annuels de plus de 500 000 dollars plutôt que de travailler sous la houlette du PDG du projet.
Neom fait ainsi l’objet de controverses, ce qui lui a coûté des partenariats, à l’image de celui avec le développeur de League of Legends, Riot Games. Alors qu’elle était censée être un partenaire principal du championnat d’esport européen de League of Legends en 2020, l’entreprise américaine a mis fin à la collaboration un jour après l’avoir annoncée après des critiques liées à l’expulsion forcée des Huwaitat et aux violations des droits de l’homme en Arabie saoudite. Autant de problèmes qui font plutôt croire que la mégalopole futuriste ne sera pas prête d’ici 2030.

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