C’est quoi une “smart city” en 2022 ?
« Smart city ». Voilà un terme que vous avez pu voir passer à de nombreuses reprises au fil des ans, sans jamais avoir d’explication précise de ce qu’il voulait vraiment dire. C’est normal, il englobe une quantité astronomique de choses, mais représente surtout une idée : celle d’un urbanisme moderne.
S’il a un peu perdu de son effet de mode, le terme de smart city, ou ville intelligente, continue d’exister. Aujourd’hui, après de nombreuses évolutions, sa définition peut être plus précise. Et, autant le dire immédiatement, la smart city n’est pas – ou plus – ce fantasme fou de ville du futur ultraconnectée, où tout se dirige tout seul. Revenons sur ce terme et ce qu’il englobe aujourd’hui.
Le terme de « smart city » est apparu il y a environ une douzaine d’années avec IBM. Le géant de la tech, au sortir de la crise financière de 2008, s’est tourné vers les villes, espérant y trouver de nouveaux marchés et moderniser ses système d’information. « C’est à IBM que l’on doit en particulier le lancement initial du terme “smart” afin de désigner le nouveau type d’agilité des services urbains auxquels il s’agit de parvenir. » Peut-on lire dans l’article de 2018 Villes et systèmes d’information : de la naissance de l’urbanisme moderne à l’émergence de la smart city d’Antoine Picon. Ces années d’après crise voyaient des changements radicaux dans le monde. C’était l’avènement de la data, des smartphones et du tout connecté. De nouvelles problématiques et solutions se sont posées aux villes, transformant radicalement les façons de penser les espaces urbains.
Une ville dite intelligente aujourd’hui, selon la Cnil, c’est une ville qui tente d’améliorer la qualité de vie des citadins en la rendant plus adaptative et efficace, à l’aide de nouvelles technologies qui s’appuient sur un écosystème d’objets et de services. Dans des espaces urbains toujours plus denses et peuplés, et dans un monde confronté au changement climatique, la ville intelligente tente d’apporter un cadre plus serein à ses habitants. Les changements amenés depuis toutes ces années ne sont peut-être pas encore bien visibles, mais ils sont bien là.
Comme le dit l’expression : Rome ne s’est pas faite en un jour. La Rome de 2022 est le fruit de centaines et de centaines d’années d’évolutions diverses. La smart city ne se fera pas non plus en un jour. Vision moderne de l’urbanisme, il faut réussir à apporter de nouvelles couches (techniques et naturelles) à des villes qui en sont parfois déjà dotées de dizaines d’autres. Rendre une ville intelligente en 2022, c’est construire par petits bouts en s’adaptant à l’existant ou en le transformant. Rien ne vaut un peu de concret pour bien comprendre.
S’il est difficile de véritablement quantifier et analyser ce qu’est une ville intelligente, il existe cependant des travaux de référence qui se basent sur des points concrets. Le Smart City Index de l’Institute for Management Development (IMD) de Lausanne, en collaboration avec l’Université de technologie et du design de Singapour, est de ces classements scrutés chaque année par la presse. Il est établi à la fois sur des données et sur des questionnaires auprès de centaines d’habitant·e·s sur des sujets précis. Il classe ainsi chaque année plus de 100 villes du monde entier en fonction de leur caractère intelligent.
La ville-État de Singapour occupe la première place depuis des années. En 2021, le podium était composé également de Zurich, en Suisse, et d’Oslo, en Norvège. La Suisse est particulièrement bien représentée en termes de villes intelligentes, puisque Lausanne et Genève se trouvent également dans le top 10, aux côtés de Taipei, d’Helsinki ou encore de Bilbao. La France n’a pas à rougir. La première ville française du classement est Bordeaux, à la 32e place. La ville du sud-ouest est suivie dans le classement par Lyon (39e derrière Montréal), Lille (44e) et Paris, qui arrive 61e.
Grâce à ce classement, il est possible d’avoir accès à une vue plus concrète de ce qu’est une ville intelligente. Par exemple, Singapour a été saluée par ses habitants pour sa gestion de la crise du Covid grâce à des investissements massifs depuis plusieurs années dans un écosystème de santé annoncé comme novateur. La cité-État a déployé une flotte de véhicules autonomes pour les transports en commun dans des parties de la ville avec comme objectif d’améliorer la mobilité des citoyens en utilisant les technologies de pointe. Des lampadaires connectés ont été installés : ces équipements, dotés de caméras, aident à monitorer en temps réel le trafic routier et pédestre et à mesurer le taux d’humidité et la température. Et les exemples sont encore nombreux. C’est donc par une utilisation des dernières technologies, combinée à une transformation durable des espaces urbains, que la smart city se définit.
La métropole de Bordeaux possède un pôle dédié à la smart city, rattaché à la Direction générale de la métropole. Elle a pu mettre en place dès 2018 un projet dans le quartier proche du nouveau stade Matmut Atlantique. L’objectif était d’installer un réseau de plus de 200 capteurs IoT (l’internet des objets, auquel nous avons dédié un article) pour gérer l’éclairage public, la recharge des véhicules électriques ou encore optimiser et surveiller la consommation électrique des équipements urbains. Le projet incluait également l’installation de trois poubelles intelligentes afin d’optimiser, là encore, les tournées des services de récupération des ordures et ne les faire passer que lorsque les poubelles sont pleines. La ville a su s’illustrer à la fois sur ses structures, mais aussi sur ses technologies, selon les informations récoltées par l’IMD.
La ville intelligente en 2022 propose donc un plus grand nombre de services accessibles simplement par un smartphone grâce, par exemple, à des applications dédiées. Elle peut aussi contenir des lampadaires capables de régler leur luminosité en détectant une personne qui approche ou en fonction de la luminosité extérieure. Une ville intelligente, c’est aussi une ville plus durable et plus verte, la création de nouveaux espaces verts étant régulièrement scrutée, mais aussi les options d’économies d’énergies dans les habitations. Mais la smart city doit de plus en plus s’appuyer sur la « smart grid » ou réseau électrique intelligent. Un concept très lié, qui utilise les technologies de l’information et de la communication dans le but d’optimiser la distribution de l’électricité dans une ville.
On dit souvent que la smart city est la ville de demain. Mais le terme existe depuis plus de dix ans maintenant… Quand allons-nous réellement voir cette fameuse ville de demain ? Les technologies ayant suffisamment évolué dans ce laps de temps, la réponse pourrait être : très bientôt.
Nous ne parlerons pas de The Line, ce projet pharaonique de ville en ligne de 170 km de long en Arabie Saoudite. Si elle possèdera de nombreuses caractéristiques de la ville intelligente, son impact écologique catastrophique, pointé du doigt par de nombreux scientifiques, la sort automatiquement de ce domaine. On pensera plutôt, en exemple intéressant, à cette expérience grandeur nature qu’est la Busan Eco Delta Smart City, en Corée du Sud.
Pour le moment, il ne s’agit que d’un petit village test créé de toutes pièces à proximité de la ville de Busan, dans le sud du pays. Cinquante-quatre ménages volontaires ont été répartis dans des maisons ultraconnectées afin d’être étudiés dans leur quotidien. Le New York Times a pu rendre visite à l’une de ces familles et expliquer plus en détails ce qui s’y trouve. Miroirs connectés, utilisation de l’énergie hydraulique, robots pour nettoyer les rues, monitoring du contenu du frigo et de la consommation électrique en temps réel… Ce village n’est qu’une première phase d’expérimentation avec, en ligne de mire, la construction d’une ville entièrement basée sur la data et l’assistance technologique.
L’Eco Delta City (EDC) se veut comme LA smart city par définition. Le début de son développement devrait commencer d’ici quelques années. La ville fera 11,8 km² et devrait loger jusqu’à 76 000 personnes réparties dans 30 000 habitations. De très nombreux espaces verts, des commerces, des écoles, des services de santé et des transports doux (vélos, bus électriques…) accompagneront les habitant·e·s au quotidien. La ville entière pourra de plus tirer parti de l’énergie offerte par le fleuve qu’elle bordera et l’énergie solaire. En attendant, de nombreuses autres villes ajoutent continuellement de nouvelles couches d’objets connectés à leurs infrastructures ou chez leurs habitant·e·s pour rendre la vie urbaine plus simple.

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