“En général mon problème, avec les films d’horreur, ce n’est pas tant que ça me fait trop peur, c’est plus que ça m’ennuie, parce que j’ai l’impression que pour les apprécier il faut constamment avoir vu un autre film, qui lui-même s’inspire d’un autre film, qui lui-même s’inspire de Hitchcock qui lui-même s’inspire du cinéma muet des années trente, bref, c’est un puits sans fond. Sans parler des franchises, type “Scream” ou “Halloween” (dont une des émanations vient encore de sortir au cinéma), qui n’en finissent plus de s’auto citer, s’auto parodier, se mettre en abîme.
En général je me sens donc totalement exclue, et donc, je passe à côté. C’est encore un peu le cas du film dont je vais vous parler mais moins ; disons qu’on peut le voir autrement qu’en jouant au jeu des sept erreurs.
X” n’est pas le premier film de Ti West, mais ses précédents n’étaient pas sortis au cinéma en France. Le film a fait parler de lui dans les festivals où il a été projeté, notamment Deauville il y a quelques semaines, laissant présager un objet un peu stylé, film d’horreur indé pour intellos, ce qu’il est en partie, mais sans être agaçant pour autant, probablement parce que précisément il prend son sujet et son genre au premier degré.
Nous sommes en 1979 au Texas : un groupe de jeunes gens partent tourner un film pornographique dans une maison qu’ils ont louée au fin fond de la cambrousse. Il y a trois couples : deux acteurs habitués, le réalisateur et sa petite amie la preneuse de son, et le producteur et sa copine, qui se rêve en star hollywoodienne, Maxine. Arrivés sur les lieux du tournage, ils constatent avec un peu d’inquiétude que d’une part, la maison louée est un peu flippante, et que d’autre part, le vieil homme qui les accueille n’a pas l’air très au courant de la nature de leurs activités. La nuit tombe, les acteurs tournent, la vieille épouse du propriétaire observe de loin.
Ça rappelle Massacre à la tronçonneuse, le film de Tobe Hooper qui date d’ailleurs des années soixante-dix. Beaucoup de scènes, d’objets, d’angles de prise de vue rappellent directement ce classique de l’horreur, d’autres font penser à Tarantino, à Hitchcock, bref, tout un mélange de classiques et de films de série B, mais l’intérêt excède la référence, parce que s’il fait le malin, le film n’oublie quand même pas la mise en scène.
Certes le processus de mise en abîme est au cœur e la forme, puisque le film montre un tournage, et joue de la confusion permanente entre le film pornographique dans le film, qui s’appelle “The farmer’s daughters” – les filles du fermier, et la réalité dans laquelle le film est tourné. Par exemple dans le film porno, la fille du fermier offre un verre de limonade à l’ouvrier qui vient frapper à sa porte, et cette séquence alterne avec une autre séquence dans laquelle une des jeunes femmes se voit offrir un verre de limonade aussi par la voisine. Mise en abîme donc, sauf que le film tourné dans le film n’est pas un film d’horreur, mais un film pornographique, ce qui crée une espèce de décalage, et un appel d’air heureux dans la boucle du genre. Le sexe est au cœur des enjeux, comme souvent dans les films d’horreur, mais sur un mode un peu différent, puisque le désir et le fantasme n’est pas celui, condamnant et retourné d’un homme observant des jeunes femmes, mais d’une veille femme. Ça donne notamment lieu à une scène de sexe entre deux vieillards assez impressionnante, contrepoint archaïque et effrayant à la scène pornographique typique tournée en parallèle. L’image est belle, la forme intelligente, les acteurs convaincants interprètent des personnages construits au-delà de la chair à slasher, “X” est un bon film d’auteur.” Lucile Commeaux
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