Le gaijin (étranger) qui débarque pour la première fois au Japon a parfois l’impression de pénétrer dans un monde parallèle. Car, sous le vernis uniformisant de la mondialisation, le pays du Soleil-Levant reste une éternelle terre d’étrangetés, à la fois high-tech et ancrée dans ses traditions millénaires. Entre ses inventions technologiques semblant sorties d’un univers de science-fiction, sa foule solitaire, ses cafés à animaux en tout genre, ses festivals insolites et son érotisme déroutant, l’archipel n’en finit pas de nous interpeller. Visite guidée du cabinet de curiosités.
Après le classique bar à chats, le Japon a vu fleurir ces dernières années des « cafés à lapins ». Chez MoffRell, petit salon niché dans le coeur du quartier branché d’Akihabara, à Tokyo, des enfants accompagnés de leurs parents et des célibataires caressent cet animal kawaii (mignon en japonais). Selon les participants, jouer et donner des croquettes à ces bestioles aux longues oreilles tout en sirotant un café glacé aiderait à se relaxer, surtout pour des Tokyoïtes qui résident pour la plupart dans des appartements interdits aux animaux. Cette passion pour les bêtes – une industrie qui pèse près de 9 milliards d’euros au Japon – s’observe encore plus nettement au Pet City, immense supermarché entièrement consacré à l’animal de compagnie, implanté sur l’île artificielle d’Odaiba, dans la baie de Tokyo. De l’acupuncture au massage canin en passant par l’aromathérapie, le magasin offre tous les produits et services imaginables pour compagnons à quatre pattes. L’engouement suscité par les boules de poils est généralement attribué au nombre croissant de célibataires et à la dénatalité dans le pays. En 2016, moins d’un million d’enfants y sont nés, du jamais-vu depuis 1899. Et la tendance risque bien de s’accélérer. Selon l’Institut derecherche nippon NLI, les personnes vivant seules seront la norme dans le pays d’ici à 2020. Les lapins n’ont pas fini de se faire papouiller.
Trop « kawaii » (mignon en japonais), cette boule de poils ! (Nicolas Datiche pour Le Parisien Week-End)
Goût yaourt, patate douce, wasabi et même citrouille… Au Japon, la célèbre barre chocolatée Kit Kat se décline en 200 versions, plus colorées et originales les unes que les autres. Côté gastronomie aussi, l’archipel réserve bien des surprises. Entre le shirako (du sperme de poisson à l’aspect crémeux) et les brochettes de cartilages de poulet, sa gastronomie, bien loin de se cantonner aux seuls sushis et yakitoris, révèle des saveurs insoupçonnées. Parmi les produits les plus étonnants, signalons les fraises blanches, plus grosses et plus sucrées, mais aussi plus chères : jusqu’à 10 euros pièce ! Ou encore les pastèques carrées, très appréciées pour leur valeur décorative, notamment pendant ochugen, la saison d’échanges de cadeaux qui a lieu chaque année au mois de juillet.
Créé dans les années 1990, le dakimakura (littéralement « oreiller à étreindre ») est une autre curiosité née de l’imaginaire nippon. Ces coussins de tailles diverses et vendus dans tous les bazars sont décorés d’images d’héroïnes de mangas court-vêtues ou carrément de stars du cinéma porno. Destiné aux célibataires qui n’aiment pas dormir seules, le boyfriend arm pillow est, lui, un oreiller dont la forme imite l’enlacement. Un amoureux de substitution, en somme, doté de pectoraux moelleux. Ces traversins anthropomorphiques semblent pallier la solitude, en hausse constante surtout dans l’agglomération de Tokyo, quicompte plus de 30 millions d’habitants. Pour Agnès Giard, anthropologue à l’université de Paris-Nanterre, spécialiste du Japon, les dakimakura et autres boyfriend pillows « permettent d’exprimer un sentiment d’inadéquation avec les normes de la réussite. Pour beaucoup de jeunes adultes japonais, il est en effet impossible de gagner suffisamment d’argent pour fonder un foyer. Les “coussins à étreindre” personnifient les aspirations d’une génération entière à un autre modèle de société qui permettrait de vivre en couple ».
Tomomi Ota, 31 ans, avec son compagnon Pepper, un robot très empathique. (Nicolas Datiche pour Le Parisien Week-End)
A Tokyo, Tomomi Ota coule depuis deux ans des jours heureux avec Pepper, son robot humanoïde. Voyages, shopping, matchs au stade et bien d’autres sorties… Cette rédactrice Web de 31 ans emmène partout avec elle ce concentré de technologies de 28 kilos pour 1,20 mètre, qu’elle considère désormais comme un membre de sa famille. Et pour cause, le robot développé par la société française Aldebaran, désormais propriété du groupe japonais SoftBank,a été conçu pour identifier les émotions et s’adapter à toutes les situations, notamment à partir de la voix ou de l’expression du visage. Depuis 2015, 7 000 modèles sont devenus les compagnons favoris des ménages japonais. Des « amis » qui coûtent toutefois la bagatelle de 2 000 euros, auxquels il faut ajouter près de 8 000 euros d’abonnement sur trois ans.
Si vous sentez mauvais, vos voisins de métro ou de bureau ne seront plus les seuls à s’en apercevoir. Dans un pays où ne pas dégager d’odeur corporelle est considéré comme une règle de savoir-vivre fondamentale, la société Konica Minolta propose depuis juillet dernier une application permettant de mesurer à quel point vous empestez – ou pas. Grâce à un périphérique de poche relié en Bluetooth à votre téléphone, le Kunkun, en français « sniffsniff», vous avertit si des effluves malodorants s’échappent de votre bouche, de vos pieds et bien sûr de vos aisselles. Un gadget ? Pas tant que ça. Au Japon, la notion de pureté est si intimement liée à celle de sacré que, en japonais, le mot kirei (propre) signifie aussi « beau ».
Chaque premier dimanche d’avril, plus de 20 000 habitants et touristes brandissent des phallus géants en carton-pâte et défilent à travers les rues de Kawasaki, à 30 kilomètres au sud de la capitale, pour le fameux Kanamara Matsuri. A l’occasion de cet événement qui célèbre la fertilité, de nombreux objets en forme de phallus sont vendus : des sucettes, des lunettes avec un pénis faisant office de nez et même des légumes sculptés. Pourtant, si le marché japonais de la pornographie génère des milliards d’euros, les images d’organesgénitaux sont strictement interdites au pays du Soleil-Levant. Un paradoxe qui interpelle la plasticienne Megumi Igarashi, condamnée à deux reprises par les tribunaux japonais pour « obscénité ». Son crime ? Avoir créé des oeuvres à la fois mignonnes et humoristiques autour de la représentation du sexe féminin. « Les juges japonais admettent l’exposition ou la distribution de représentations réalistes d’organes génitaux dans les sanctuaires ou dans les sex-shops, parce que ces objets permettent une purge collective. Mais ils la condamnent dans les musées et les galeries, parce que selon eux, ils servent surtout les intérêts personnels de l’artiste », analyse Agnès Giard.
Le « dakimakura» est un coussin qui permet aux célibataires des deux sexes de ne pas dormir vraiment seuls… (Nicolas Datiche pour Le Parisien Week-End)
Une pratique étrange a émergé ces dix dernières années dans l’univers sucré et kawaii des maid cafés (des établissements où les jeunes serveuses portent le plus souvent un uniforme de soubrette) du quartier d’Akihabara : le mimikaki, qui consiste à se faire nettoyer les oreilles. Illustration dans l’étroit salon Nag Omiya, où le client s’installe sur un futon et se relaxe au son d’une petite musique douce. Pour la modique somme de 24 euros, Oguma Ayame, la nettoyeuse, lui décrasse les oreilles pendant trente minutes à l’aide d’un petit pic en bois légèrement recourbé – le fameux mimikaki. Pour 8 euros de plus, la jeune femme propose de revêtir l’un des costumes d’inspiration manga proposés par le salon. Pourtant, il n’est pas question d’aller plus loin. Oguma explique que ses clients viennent principalement pour « un moment de détente ». Cependant, pour beaucoup d’hommes japonais, le simple fait de poser sa tête sur les genoux d’une femme a l’effet d’un puissant aphrodisiaque.
Pour vous complimenter, les Japonais vous diront certainement que vous avez une petite tête, la peau blanche, de grands yeux et un grand nez. Des caractéristiques que les femmes prennent au sérieux. Complexées par leurs yeux bridés, elles n’hésitent pas à se mettre de la glu sur les paupières et des faux cils afin d’arrondir la forme de l’oeil. Comme Akiko, une Tokyoïte de 26 ans à qui il arrive de suivre les nombreux tutoriels sur Internet pour « agrandir au maximum ses yeux ». Plus surprenant encore, les bâtonnets en plastique dans le nez. Vendus dans les rayons des boutiques cosmétiques, ils sont à placer dans la narine et sont conçus pour relever les nez jugés trop plats. Il faut savoir qu’au Japon, les grands nez sont des marques de distinction. Un almanach vendu à des centaines de milliers d’exemplaires affirme ainsi : « Sans un grand nez (hana), la fleur (hana !) de votre destin ne fleurira pas. C’est étrange, mais c’est vrai. Parmi tous ceux qui ont réussi dans la vie, aucun ne possède un petit nez. »
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