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La livraison de marchandises suscite de nombreuses inquiétudes : encombrements urbains et pollution dus aux véhicules utilitaires, emprise au sol des entrepôts, conditions de travail dégradées des livreurs… Comment mieux connaître ce secteur, développer des alternatives et faire évoluer les comportements ?
La pandémie a illustré le rôle essentiel joué par le secteur du transport de marchandises. Si certains produits de base sont venus à manquer temporairement, force est de constater qu’une grande majorité de citadins a été, tout au long des différentes phases de confinement, en mesure de consommer les produits de son choix illustrant ainsi la résilience des différents maillons qui composent les systèmes logistiques mais également leur efficacité.
Cependant, cette dernière ne s’obtient qu’au prix de lourdes contreparties environnementales, sociales et territoriales. En effet, comme le secteur de la mobilité des personnes, le transport de marchandises et la logistique font face à de nombreux enjeux et transitions.
La croissance du marché du e-commerce engendre des flux toujours plus importants et contribue à la très forte augmentation de l’immobilier logistique, notamment en périphérie des villes. L’augmentation de la demande mondiale de certains produits (semi-conducteurs, produits alimentaires, énergétiques, équipements sanitaires…), renforcée par la guerre russe en Ukraine a accru la pression sur les chaînes logistiques globales. Celles-ci connaissent maintenant plus de deux années continues de fortes tensions, marquées par des manques de capacité, des difficultés de recrutement, des hausses de coûts (carburants) et de prix.
Le transport des marchandises et la logistique sont également impactés par la crise climatique. La loi Climat & Résilience comporte plusieurs mesures ciblant directement les acteurs de la chaîne transport et logistique. Les entrepôts sont par ailleurs accusés de contribuer à l’artificialisation des sols, par les surfaces de plus en plus grandes qu’ils occupent, souvent sur d’anciens terrains agricoles. Des débats parlementaires, médiatiques et techniques ont abouti à une réforme du droit de l’urbanisme commercial qui choisit de renforcer (un peu) la prise en compte des entrepôts de la logistique commerciale, sans les soumettre toutefois aux procédures d’autorisation d’exploitation. Ces entrepôts ne sont donc pas assimilés en ce sens aux hypermarchés de la grande distribution et ne sont donc pas soumis au contrôle plus grand sur l’expansion des grandes surfaces commerciales. Ils sont en revanche dorénavant mieux décomptés dans les mesures de la consommation des espaces naturels.
Aux échelles territoriales plus locales, les questions sociales et environnementales posées par les activités logistiques ont pris de l’ampleur : implantation d’entrepôts et de « dark stores », automatisation des entrepôts et menaces sur l’emploi non qualifié, précarisation des emplois avec le développement de plateformes numériques de mise en relation entre clients et livreurs auto-entrepreneurs, pollution atmosphérique en ville liée aux véhicules logistiques et notamment aux livraisons du e-commerce…
Terra Nova avait exploré il y a quelques années certaines des questions sur la logistique et ses rapports aux territoires et à la politique publique*. Avaient été en particulier analysées les actions pouvant contribuer à des activités logistiques plus respectueuses des conditions de travail et de l’environnement. Remarquons à ce titre que certaines évolutions sont allées dans le bon sens :

  • L’intervention française sur le « paquet routier » européen a permis d’avancer sur les conditions de concurrence et les règles sociales du travail des entreprises de transport,
  • Des élections professionnelles pour organiser la représentation des auto-entrepreneurs de la livraison instantanée par des plateformes de mise en relation ont été organisées en mai 2022.
  • L’association France Logistique a enfin été créée et avec elle le comité interministériel sur la logistique (Cilog), qui établit une relation récurrente entre professionnels et pouvoirs publics.
  • La stratégie nationale sur le fret ferroviaire en 2021 a été globalement saluée par les acteurs de la filière.
  • Le développement de l’électrification des flottes de véhicules de la logistique (avec cependant une part encore modeste de 5,5% des immatriculations de véhicules utilitaires légers neufs en France en septembre 2022) et l’installation des bornes de recharge
  • L’apparition des vélos-cargo et des scooters électriques dans les livraisons du dernier kilomètre.
  • L’adoption au niveau européen de la directive Eurovignette qui laisse envisager des progrès sur la tarification des externalités négatives de la circulation des poids lourds.
  • La disparition des camionnettes thermiques neuves de l’espace européen à l’horizon 2035.

Mais tout n’est pas réglé, loin s’en faut.
Les questions énergétiques soulevées par les activités logistiques restent considérables. Le transport des marchandises est responsable de 15,1% des émissions de CO2 (CITEPA) dont la moitié provient de la circulation des poids lourds et l’autre moitié est générée par des véhicules utilitaires de plus faibles gabarits et évoluant majoritairement en ville. Il s’agit d’une des activités dont les émissions de gaz à effet de serre augmentent le plus, même dans des scénarios prospectifs volontaristes. La logistique consomme de plus en plus d’espace à travers la construction et l’exploitation d’entrepôts dont le nombre s’accroît rapidement.
Enfin, la question du travail dans le secteur transport/logistique demeure essentielle et mal traitée alors que la filière logistique en France représente près de 10% du PIB national, près de 200 milliards d’euros de chiffre d’affaires et emploie près de 1,8 million de personnes. Les métiers de la logistique, dans leur grande diversité, vont profondément et rapidement changer. Ils sont encore en majorité composés d’emplois ouvriers, masculins, vieillissants, peu diplômés, mais le high tech et l’emploi qualifié prennent de plus en plus leur place. Ces métiers sont en tension aujourd’hui, avec un manque d’attractivité partout reconnu dû à des conditions de travail difficiles et des faibles rémunérations. Une vision anticipatrice d’ensemble est donc nécessaire, à la façon dont l’a fait la plateforme automobile : diagnostic des métiers en croissance, en disparition, en transformation, au-delà des enquêtes de conjoncture sur les recrutements qui ont leur utilité mais n’ont rien de prospectif. Il nous faut aussi poser la question cruciale de la formation, initiale et continue, à tous les niveaux.
Le rapport ci-dessous vise à revisiter ces questions à la lumière du contexte récent et à traiter des nouvelles questions qui se posent aux territoires du fait du développement logistique. Des propositions sont formulées à la fin du rapport.
[*] https://tnova.fr/economie-social/finances-macro-economie/des-marchandises-dans-la-ville/
La logistique contribue aux transformations des sociétés contemporaines et son impact est profond et multiforme sur les territoires. Son rôle est plus visible depuis la pandémie de COVID-19 mais le secteur s’était imposé depuis longtemps comme facilitateur et facteur de la mondialisation des échanges et de la complexification des chaînes d’approvisionnement.
Depuis les années 2010, la demande logistique connaît des évolutions rapides aux effets parfois contradictoires. Des contextes de récession économique en 2009–2012 ou le durcissement des relations géopolitiques avec la Chine n’ont pas empêché l’explosion du e-commerce transfrontalier et le succès de sites marchands comme AliExpress, tout en poussant déjà certaines organisations logistiques à la diversification des sources de matières et de pièces.
Au total, la globalisation s’est stabilisée si l’on regarde le commerce mondial de biens en pourcentage du PIB mondial[1], mais certains secteurs comme les colis ou le transport maritime de conteneurs ont connu une croissance non démentie.
La pandémie a encore rebattu les cartes. Elle a modifié les habitudes de consommation et amplifié les achats en ligne, engendrant des flux de e-commerce encore plus importants et contribuant à la très forte augmentation de l’immobilier logistique, notamment en périphérie des villes. L’augmentation de la demande mondiale de certains produits (équipements sanitaires, semi-conducteurs, produits alimentaires, énergétiques…) renforcée par la guerre russe en Ukraine ont accru la pression sur les chaînes logistiques globales.
Celles-ci connaissent maintenant presque trois années continues de fortes tensions, marquées par des manques de capacité, des difficultés de recrutement, des hausses de coûts (carburants) et de prix (les prix du transport maritime de conteneurs ont été multipliés par 3 à 10 selon les cas).
Prenons le seul exemple du groupe Renault[2] : depuis le début de l’année 2020, sept crises ont bouleversé directement et fortement l’approvisionnement en pièces des usines (3000 fournisseurs et 350 000 pièces) : dans l’ordre, l’application du Brexit, la crise monétaire turque, la pandémie, le blocage du canal de Suez, la crise des composants électroniques, la guerre en Ukraine suivie du retrait de Russie ; et les confinements totaux ou partiels de Shanghai en 2022. Tout ceci sur fond de réorganisation logistique structurelle pour mettre en œuvre des engagements environnementaux se traduisant par exemple par un recours accru au transport ferroviaire.
La crise climatique est entrée, dans le même temps, dans le débat public. La Convention citoyenne sur le climat (2019–2020) n’a pas fait l’impasse sur le transport des marchandises et la logistique, objets de plusieurs propositions dont certaines se sont traduites dans la loi Climat de 2021. Une polémique s’est amplifiée, qui met en cause les entrepôts du e-commerce. La croissance d’Amazon en particulier a nourri les craintes d’une concurrence exacerbée du commerce en ligne sur les structures commerciales traditionnelles et notamment le petit commerce. Il apparaît pourtant que le petit commerce s’est vu menacé bien avant l’avènement du e-commerce, avec la multiplication des grandes surfaces dont la croissance des m2 bâtis depuis vingt ans a dépassé très largement celle de la consommation (Institut de la Ville et du Commerce). Les entrepôts sont par ailleurs accusés de contribuer à l’artificialisation des sols, par les surfaces de plus en plus grandes qu’ils occupent, souvent sur d’anciens terrains agricoles. Pour contrecarrer ces évolutions, les entrepôts du e-commerce devraient-ils être traités comme des grandes surfaces commerciales et pour cela être soumis aux mêmes réglementations ? A l’inverse, les polémiques de l’été 2022 en France relatives aux « dark stores », petits dépôts urbains de la livraison express des produits du quotidien, ont tourné autour de la nécessité de les considérer comme des entrepôts plutôt que comme des magasins pour pouvoir mieux les interdire en ville[3].
Des débats parlementaires, médiatiques et techniques ont abouti à une réforme du droit de l’urbanisme commercial qui choisit de renforcer (un peu) la prise en compte des entrepôts de la logistique commerciale, sans les soumettre toutefois aux procédures d’autorisation d’exploitation. Ces entrepôts ne sont donc pas assimilés en ce sens aux hypermarchés de la grande distribution et ne sont donc pas soumis au « moratoire » sur les grandes surfaces commerciales[4]. Ils sont en revanche dorénavant mieux décomptés dans les mesures de la consommation des espaces naturels (artificialisation des sols).
En cette fin 2022, la logistique bénéficie ainsi d’une visibilité politique et médiatique tout à fait inédite. Les questions climatiques et la crise sanitaire ont mis à l’agenda des gouvernements et des entreprises la remise en cause (dans les discours mais pas forcément dans les actions) d’une économie globale fondée sur des échanges mondiaux intenses de produits alimentaires, matières premières, pièces et produits finis du monde entier vers le monde entier. L’idée d’une régionalisation[5] des approvisionnements est ainsi promue. Ce n’est d’ailleurs pas tant le « re-shoring » (rapatriement des sources d’approvisionnement dans le pays ou les pays voisins) que le « friend-shoring » qui est d’actualité : il s’agit de diversifier ses sources d’approvisionnement pour ne pas être dépendants de pays jugés non amicaux et peu fiables. Certains secteurs stratégiques sont spécifiquement aidés afin de développer l’indépendance nationale notamment au niveau de certains composants ou de produits (santé, nouvelles technologies).
On voit même le retour à la constitution de stocks, jugés stratégiques dans cette nouvelle période d’événements de pénuries (dont on ne sait pas si elles sont conjoncturelles ou structurelles) de produits intermédiaires, à rebours de la doctrine du zéro-stock jusqu’ici gage d’une bonne pratique logistique.
Aux échelles territoriales plus locales, les questions sociales et environnementales posées par les activités logistiques ont pris de l’ampleur : implantation d’entrepôts et artificialisation des sols, automatisation des entrepôts et menaces sur l’emploi non qualifié, précarisation des emplois avec le développement de plateformes numériques de mise en relation entre clients et livreurs auto-entrepreneurs, pollution atmosphérique en ville liée aux véhicules logistiques et notamment aux livraisons du e-commerce, menaces sur le petit commerce et l’art de vivre urbain avec l’introduction de « dark stores »… Sur les questions de la logistique urbaine, on ne recense pas moins d’une vingtaine de publications de consultants, d’agences ou de missions gouvernementales depuis 2020.
Terra Nova avait exploré il y a quelques années certaines des questions sur la logistique et ses rapports aux territoires et à la politique publique[6]. Avaient été en particulier analysées les actions pouvant contribuer à des activités logistiques plus respectueuses des conditions de travail et de l’environnement. Remarquons à ce titre que certaines évolutions sont allées dans le bon sens.
L’intervention française sur le « paquet routier » européen a permis d’avancer sur les conditions de concurrence et les règles sociales du travail des entreprises de transport, avec notamment des règles plus claires sur le détachement des conducteurs étrangers et sur le « cabotage » (la possibilité pour une entreprise étrangère de faire du transport intérieur de marchandises en France). Des élections professionnelles pour organiser la représentation des auto-entrepreneurs de la livraison instantanée par des plateformes de mise en relation ont été organisées en mai 2022[7].
Quelque six ans après la conférence nationale sur la logistique de 2015, l’association France Logistique a enfin été créée et avec elle le Cilog (comité interministériel sur la logistique), qui établit une relation récurrente entre professionnels et pouvoirs publics. La stratégie nationale sur le fret ferroviaire en 2021 a été globalement saluée par les acteurs de la filière. Une stratégie nationale portuaire l’avait précédée. Les entrepôts sont devenus un objet d’urbaniste (et même d’architecte).
On a vu aussi se développer dans la période récente l’électrification des flottes de véhicules de la logistique (avec cependant une part encore modeste de 5,5% des immatriculations de véhicules utilitaires légers neufs en France en septembre 2022). L’installation des bornes de recharge progresse à travers le territoire et les entreprises prennent davantage au sérieux l’impact carbone de leurs activités logistiques. Les vélos-cargo et les scooters électriques font leur apparition dans les livraisons du dernier kilomètre. Des associations internationales comme le Smart Freight Centre[8] ont mis en place des méthodes de calcul des émissions adaptées aux activités de transport et de logistique. Au niveau européen, la directive Eurovignette a été adoptée après des années de discussion et laisse envisager des progrès sur la tarification des externalités négatives de la circulation des poids lourds. Le réseau transeuropéen de transport RET-T a été révisé pour que sa coordination et son caractère intermodal soient mieux assurés. Les camionnettes thermiques neuves devraient disparaître de l’espace européen à l’horizon 2035.
Mais tout n’est pas réglé, loin s’en faut.
Les questions énergétiques soulevées par les activités logistiques restent considérables. Le transport des marchandises est l’une des activités dont les émissions de gaz à effet de serre augmentent le plus, même dans des scénarios prospectifs volontaristes[9]. La logistique consomme toujours plus d’espace à travers la construction et l’exploitation d’entrepôts dont le nombre s’accroît rapidement.
Enfin, la question du travail dans le secteur transport/logistique demeure essentielle et mal traitée. Les métiers de la logistique, dans leur grande diversité, qu’il faut prendre en compte, vont profondément et rapidement changer. Ils sont encore en majorité composés d’emplois ouvriers, masculins, vieillissants, peu diplômés, mais le high tech et l’emploi qualifié prennent de plus en plus leur place. Ces métiers sont en tension aujourd’hui, avec un manque d’attractivité partout reconnu lié à des conditions de travail difficiles et des rémunérations faibles. Une vision anticipatrice d’ensemble est donc nécessaire, à la façon dont l’a fait la plateforme automobile : diagnostic des métiers en croissance, en disparition, en transformation, au-delà des enquêtes de conjoncture sur les recrutements qui ont leur utilité mais n’ont rien de prospectif. Il nous faut aussi poser la question cruciale de la formation, initiale et continue, à tous les niveaux.
La note ci-dessous vise à revisiter ces questions à la lumière du contexte rappelé ci-dessus et à traiter des nouvelles questions qui se posent aux territoires du fait du développement logistique.
Selon le ministère de la transition écologique, au 1er janvier 2020, 6 millions de véhicules utilitaires légers (VUL) étaient en circulation dans notre pays dont 78% de camionnettes et 95% de motorisations diesel (les motorisations alternatives de type électrique ou gaz représentaient à peine plus de 1% du parc). Un quart de ces véhicules a plus de 13 ans et la moitié moins de 8 ans. Toujours au 1er janvier 2020, 50% des VUL en circulation étaient éligibles aux vignettes Crit’Air 3[10] (23%), 4 (14%) ou 5 (13%) soit des véhicules vieux de plus de onze ans.
L’ensemble de ces données dessine les contours d’un parc de véhicules assez problématique : souvent vétustes et fortement émetteurs de particules fines, de dioxyde d’azote et de dioxyde de carbone, beaucoup de ces véhicules sont un problème pour le climat et la santé publique.
C’est pourquoi il est urgent d’accélérer la transition dans ce domaine et de trouver les leviers pour produire à grande échelle les changements dont nous avons besoin sans attendre le terme de 2035 retenu par le Parlement européen pour interdire la vente de voitures particulières et de camionnettes neuves à moteur thermique dans l’ensemble de l’Union européenne.
Si la majorité des grandes entreprises de la logistique urbaine ont les moyens de changer leur flotte de véhicules en faveur de véhicules moins émetteurs de GES et moins polluants et si beaucoup d’entre elles ont déjà engagé des plans et des actions en ce sens (c’est notamment le cas de La Poste et de ses filiales), ce n’est pas le cas des petites entreprises, des indépendants et des artisans qui utilisent encore bien souvent des véhicules vétustes (48% des utilisateurs de VUL en France – sans doute moins en zone urbaine – sont des particuliers ou des artisans, toujours selon les données du Ministère de la transition écologique).
La situation de ces derniers va se compliquer singulièrement lorsque, comme le leur demande la loi Climat et résilience d’ici fin 2024, les 33 agglomérations de plus de 150 000 habitants auront toutes mis en place une Zone à faible émission mobilité (ou ZFE-m) dans leur cœur d’agglomération et que cet espace deviendra de fait (si ces normes sont bien contrôlées, ce qui n’est en France pas généralement le cas) inaccessible aux professionnels roulant au volant d’utilitaires outrepassant les normes environnementales requises. Des zones non Diesel sont annoncées pour Paris (2024), Grenoble (2025 pour les poids lourds et VUL), Lyon (2026) et Strasbourg (2028).
Les gains attachés au changement du parc des véhicules utilitaires en faveur de solutions plus propres et moins émettrices sont évidemment très sensibles à la fois du point de vue de la décarbonation de nos économies, de la santé publique dans nos agglomérations (qualité de l’air…) et du confort pour les livreurs et les habitants (pollutions sonores…). Il reste que, du point de vue des professionnels concernés, changer de véhicule représente un coût significatif que tous ne peuvent pas assumer à court terme.
Beaucoup d’entre eux ont une activité à faible marge qui, en dépit des dispositifs de bonus écologique et de prime à la conversion, ne leur permet pas d’envisager sereinement l’investissement dans des véhicules souvent plus onéreux et dont le marché de l’occasion est encore peu développé.
Pour faire face à cette situation, la puissance publique doit à la fois créer les conditions réglementaires de la transition écologique dans nos villes et accompagner les agents économiques qu’elle met le plus en difficulté.
La première direction de l’intervention publique concerne le fonctionnement des ZFE-m et autres zones non-diesel. Si l’intervention règlementaire ne peut être l’alpha et l’oméga de la politique en la matière, elle en reste le socle. Pour que les ZFE-m soient effectives, il faut ainsi qu’elles soient, non seulement décidées et mises en place, mais efficacement contrôlées. Pour cela, il faut se donner les moyens d’en faire respecter largement les contraintes, étant entendu qu’il ne pourra être question de mettre un gendarme à chaque coin de rue. Les moyens technologiques de contrôle existent, mais leur usage butte sur des limites juridiques (certaines purement franco-françaises) qu’il faudrait réexaminer à la lumière des bénéfices collectifs tirés d’une mobilité plus décarbonée. A cette fin, il serait notamment utile de réformer l’article L2213–4–2 du Code général des collectivités territoriales concernant l’usage des caméras LAPI (lecture automatique des plaques d’immatriculation) afin de les autoriser plus largement en France. Notre pays, contrairement à d’autres en Europe, n’a en effet autorisé ces caméras que très récemment et elles ne pourront être déployées que sous des conditions très strictes. 
Les pouvoirs publics doivent également appuyer des choix de mutations technologiques. Certains de ces choix sont encore marqués par de fortes incertitudes, mais d’autres le sont beaucoup moins. Les motorisations électriques sont particulièrement adaptées aux véhicules les moins lourds et aux courtes ou moyennes distances. C’est en particulier le cas des deux roues (scooters, motos de livraison, vélos à assistance électrique…). Dans cette perspective, il semble pertinent que la puissance publique mette en place un agenda d’éviction progressive des deux roues thermiques comme c’est le cas désormais au niveau européen pour la voiture thermique (2035) mais à plus brève échéance encore. Cet agenda pourra être modulé en fonction du type de territoire concerné : plus rapide pour les villes et les zones denses, plus progressif pour les zones rurales et peu denses.
Les choix technologiques sont plus incertains et plus controversés concernant les poids lourds. Les solutions technologiques en compétition sont encore controversées : faut-il privilégier les solutions bio méthane, électriques à batterie, hydrogène… ? A défaut de pouvoir trancher cette question, deux directions peuvent être empruntées. La première consiste à évincer le gaz naturel véhicules (GNV) d’origine fossile. Le GNV fossile s’est en effet développé ces dernières années en alternative au diesel en particulier dans le domaine des utilitaires (camions, poids lourds, bus…) : +23% en 2020 par rapport à 2019. Ce nouveau mouvement devrait se faire au profit du gaz vert (bio méthane ou BioGNV) dans un premier temps. Au-delà des bénéfices écologiques, il présenterait l’avantage d’améliorer notre balance commerciale (le gaz fossile est importé) et de réduire notre dépendance à des régimes autoritaires et facteurs d’instabilité géopolitique (Russie en particulier). La seconde direction consiste à soutenir la recherche et développement dans les solutions alternatives (électrique à batterie, hydrogène…) dont l’efficacité reste à consolider.
Enfin, au-delà des mécanismes de prime à la conversion et de bonus écologique, les pouvoirs publics doivent s’efforcer d’accompagner les agents les plus impactés par les impératifs de la transition écologique et notamment ceux que les investissements dans de nouveaux véhicules risque de mettre en difficulté financièrement. Comme l’ont proposé Pascal Canfin et Thierry Pech[11] dans une note de Terra Nova, l’organisation de négociations à l’échelle nationale entre les représentants des professionnels concernés, les organismes de crédit, les constructeurs de véhicules utilitaires et les représentants des collectivités territoriales sous l’égide de l’Etat (en l’occurrence ici, soit le nouveau Secrétariat général à la planification écologique auprès du Premier ministre) pourrait conduire à dessiner un « marché de la transition » où, compte tenu des volumes envisagés sur les années qui viennent, des économies d’échelle pourraient être réalisées à la fois sur les prix de vente consentis par les constructeurs et sur les taux proposés par les organismes de crédit (moyennant, le cas échéant, la garantie de l’Etat). Ces économies d’échelle sont naturellement plus substantielles au niveau national qu’au niveau local : c’est la raison pour laquelle il vaut mieux une négociation au niveau national que trente négociations séparées au niveau local. Ces négociations pourraient déboucher sur des contrats de transition et être en outre l’occasion pour les parties de planifier le déploiement à grande échelle de nouvelles solutions comme le développement du retrofit à l’instar de ce que proposent déjà Renault et Phoenix mobility sur des véhicules utilitaires à la Re-Factory de Flins. Naturellement, ces perspectives de développement de l’électro-mobilité appellent une réflexion simultanée – mais pas propre à la logistique urbaine – sur le déploiement du réseau de bornes de recharge sur le territoire et singulièrement dans les agglomérations.
La transition écologique autant que l’efficacité économique commandent en outre de faire en sorte que les véhicules de la logistique urbaine en circulation soient à la fois mieux remplis et moins nombreux. Des VUL qui circulent à demi-remplis toute la journée représentent une perte d’efficacité à tout point de vue. Les volumes de marchandises transportées demeurant constant, le revenu global des transporteurs reste globalement stable mais un effort de mutualisation accrue permettrait de rendre le service en suscitant moins de trajets, donc en utilisant moins d’énergie et en émettant moins de GES. Pour optimiser le remplissage des véhicules logistiques, les techniques et applications de l’économie collaborative et les plateformes de partage pourraient être davantage sollicitées. Considérant qu’il s’agit là d’une infrastructure clé de la ville intelligente, les villes et intercommunalités pourraient structurer ce service, soit en délégation de service public soit en gestion directe.

Analyse du rapport de la mission d’information flash sur les mesures d’accompagnement à la mise en œuvre des zones à faibles émissions.

La commission du développement durable et de l’aménagement du  territoire  a  confié  à  deux députés, Gérard  Leseul et Bruno  Millienne, une  « mission  flash »  consacrée  aux mesures d’accompagnement à la mise en œuvre des zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m). La mission a formulé une vingtaine de recommandations pour accompagner les ménages et les professionnels dans cette transition et garantir le succès de leur mise en œuvre. Le rapport souligne les difficultés rencontrées par les professionnels de la logistique territoriale à acquérir de nouveaux véhicules (VUL et des PL) en raison notamment d’une offre industrielle encore réduite sur les véhicules poids lourds classés 0 ou 1, d’importants délais de livraisons, ou encore de coûts d’acquisitions élevés.

Parmi la vingtaine de recommandations, plusieurs sont très pertinentes, notamment :

– Le développement des aides au retrofit pour les VUL et PL

– L’harmonisation des dérogations, des critères et des calendriers de mise en place des ZFE-m

– La mise en place d’un guichet unique de demande et d’obtention des aides nationales et locales

– Le renforcement des incitations à l’acquisition de poids-lourds Crit air 2 (norme Euro 6).

En revanche l’aide pour l’acquisition de VUL Crit air 2 ne nous semble pas pertinente, il vaut mieux aider au retrofit électrique ou au développement du marché de l’occasion sur le segment électrique. Les questions de contrôle des ZFE ne sont pas évoquées alors que ce point est celui qui distingue la France des autres pays européens (voir la mission flash de 2021 sur les ZFE de l’Assemblée Nationale qui insistait sur ce point). Or un contrôle efficace permet de mieux valider les démarches vertueuses des entreprises de la logistique engagées dans le verdissement de leurs flottes. D’autres mesures comme « inciter les collectivités d’un territoire à harmoniser les horaires de livraison de manière à éviter la congestion urbaine » nous semblent  vagues. “Développer des plateformes logistiques aux abords des ZFE-m afin d’assurer le dernier kilomètre de livraison avec des véhicules propres » est bien sûr intéressant mais risque de coûter cher et la difficulté d’en trouver un financement pérenne est sans doute sous-estimée.

2. Des avancées sur le Fret ferroviaire

Analyse du rapport de la mission d’information flash sur les mesures d’accompagnement à la mise en œuvre des zones à faibles émissions.
La commission du développement durable et de l’aménagement du  territoire  a  confié  à  deux députés, Gérard  Leseul et Bruno  Millienne, une  « mission  flash »  consacrée  aux mesures d’accompagnement à la mise en œuvre des zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m). La mission a formulé une vingtaine de recommandations pour accompagner les ménages et les professionnels dans cette transition et garantir le succès de leur mise en œuvre. Le rapport souligne les difficultés rencontrées par les professionnels de la logistique territoriale à acquérir de nouveaux véhicules (VUL et des PL) en raison notamment d’une offre industrielle encore réduite sur les véhicules poids lourds classés 0 ou 1, d’importants délais de livraisons, ou encore de coûts d’acquisitions élevés.
Parmi la vingtaine de recommandations, plusieurs sont très pertinentes, notamment :
– Le développement des aides au retrofit pour les VUL et PL
– L’harmonisation des dérogations, des critères et des calendriers de mise en place des ZFE-m
– La mise en place d’un guichet unique de demande et d’obtention des aides nationales et locales
– Le renforcement des incitations à l’acquisition de poids-lourds Crit air 2 (norme Euro 6).
En revanche l’aide pour l’acquisition de VUL Crit air 2 ne nous semble pas pertinente, il vaut mieux aider au retrofit électrique ou au développement du marché de l’occasion sur le segment électrique. Les questions de contrôle des ZFE ne sont pas évoquées alors que ce point est celui qui distingue la France des autres pays européens (voir la mission flash de 2021 sur les ZFE de l’Assemblée Nationale qui insistait sur ce point). Or un contrôle efficace permet de mieux valider les démarches vertueuses des entreprises de la logistique engagées dans le verdissement de leurs flottes. D’autres mesures comme « inciter les collectivités d’un territoire à harmoniser les horaires de livraison de manière à éviter la congestion urbaine » nous semblent  vagues. “Développer des plateformes logistiques aux abords des ZFE-m afin d’assurer le dernier kilomètre de livraison avec des véhicules propres » est bien sûr intéressant mais risque de coûter cher et la difficulté d’en trouver un financement pérenne est sans doute sous-estimée.
Les alternatives à la route sont encore insuffisamment développées dans le champ de la logistique marchande. C’est notamment le cas du rail. La promotion du fret ferroviaire est une antienne des gouvernements qui se succèdent depuis une quinzaine d’années mais force est de constater que les résultats se font attendre. Après une division par deux en 30 ans, selon le Commissariat général du développement durable (CGDD), la part modale du fret ferroviaire (9%) reste en effet sensiblement inférieure à ce qu’elle est chez la plupart de nos voisins (35% en Suisse, 32% en Autriche, 20% en Allemagne, 13% en Italie) ainsi qu’à la moyenne européenne (18%)[12]. Si la substitution rail/route connaît des limites – plus de la moitié (en tonnes) du transport par poids lourd se fait à moins de 50 km et se prête mal au transfert vers le rail – elle dispose dans notre pays de larges marges de progression qui devront être exploitées dans le futur.
En lien avec les acteurs de la filière réunis au sein de l’Alliance Fret Ferroviaire Français pour le Futur (4F) et avec les conclusions de la Convention citoyenne pour le climat, l’État a pris l’engagement de la doubler d’ici 2030, c’est-à-dire de rejoindre la moyenne de l’Union européenne. Cet objectif a été inscrit dans la loi Climat et Résilience en 2021. Dans le contexte de la pandémie et de la crise économique qu’elle a engendrée, l’Etat a d’ores et déjà affecté 4,7 Mds d’euros de son plan de relance au ferroviaire (dont 4,05 Mds d’augmentation du capital de SNCF Réseau pour soutenir les investissements dans le réseau).
Cet engagement se justifie par les « co-bénéfices » associés au ferroviaire en général et au fret ferroviaire en particulier : alors que les transports représentent 30,1% des émissions françaises de CO2 en 2021 (soit 126 Mt éqCO2 selon les estimations du CITEPA), le rail est une option largement décarbonée (surtout quand, comme c’est le cas dans notre pays, la production électrique est elle-même largement décarbonée), plus sûre (les accidents sont infiniment plus rares que sur la route), très peu polluante et elle ne génère aucune forme de congestion (ce qui n’empêche certes pas le réseau ferroviaire de connaître des formes de saturation liées en particulier au nombre limité des sillons disponibles autour des grandes villes où coexistent transport de marchandises et de voyageurs longue et courte distance). Au total, si l’on tient compte de tous les facteurs (accidentalité, pollution atmosphérique, gaz à effet de serre, énergie amont, impact sur les habitats naturels, pollution sonore, congestion), un train produit 4 fois moins d’externalités négatives qu’un camion et répond en outre aux besoins logistiques des entreprises, singulièrement concernant les matières pondéreuses (sidérurgie…) ou dangereuses (chimie…).
Dans une étude de Terra Nova à paraître, Patrice Geoffron et Benoît Thirion montrent que, si l’investissement nécessaire pour développer le fret ferroviaire est très significatif – environ 10 Mds € –, il doit être rapporté au montant des « co-bénéfices » (sanitaires, écologiques…) qu’il permet de générer : le doublement de la part modale du fret ferroviaire à horizon 2030 permettrait en effet, selon eux, d’éviter jusqu’à près de 30 Mds € d’externalités négatives entre 2021 et 2040. Et ce, quels que soient les scénarios d’évolution envisagés par ailleurs (relocalisations industrielles entrainant une hausse du trafic, développement des circuits courts entrainant une baisse du trafic…).
Les difficultés et freins à lever sont cependant nombreux. Dans les nœuds ferroviaires, le fret souffre de la forte priorité accordée au transport de passagers dans l’allocation des sillons. Par ailleurs, le réseau ferré nécessite de coûteux efforts de régénération du réseau ferré et des investissements de capacité : connexions avec les infrastructures portuaires, plateformes multi-modales de transport combiné, etc.
Pour y parvenir, un triple effort est donc nécessaire :
a) Les opérateurs du fret ferroviaire doivent consentir des efforts de productivité et de qualité. SNCF Réseau devra en particulier mieux assurer la disponibilité et la qualité des sillons, ce qui implique de mieux concilier la réalisation des travaux de régénération du réseau et la circulation des trains sur les axes les plus stratégiques pour le report modal (notamment la nuit), et de désengorger les nœuds où le fret ferroviaire est aujourd’hui fortement limité par la priorité donnée au transport de passagers. Des investissements capacitaires devront également être réalisés (pour les interconnexions, les plateformes de transport combiné…). Une partie de ces efforts a déjà été conduite, notamment des opérations d’amélioration et de modernisation des infrastructures en 2021 (terminaux multimodaux rail-route ou rail-mer, installations terminales embranchées (ITE), voies de services et installations de tri, mise au gabarit sur le réseau ferré et ports, lignes capillaires fret, etc.) mais ils devront s’inscrire dans la durée pour produire pleinement leurs fruits.
b) Les pouvoirs publics doivent également mettre en place des outils permettant d’internaliser les externalités négatives des transports afin de rendre la solution ferroviaire plus attractive, qu’il s’agisse de revisiter l’option d’une écotaxe poids lourds (dont on a pu mesurer la sensibilité dans certains territoires depuis la crise des Bonnets rouges en 2013…), de subventionner davantage le fret ferroviaire en utilisant les souplesses du nouveau cadre européen, ou encore de créer un crédit d’impôt adossé aux externalités négatives évitées par le report modal, comme le proposent P. Geoffron et B. Thirion pour stimuler la demande en intéressant directement les clients aux bénéfices environnementaux du fret ferroviaire. Pour le transport combiné rail-route, un système de « miles » pourrait être mis en place : les transporteurs gagneraient des « miles-route » (sous la forme de remboursement d’une partie des frais de carburants) à proportion des distances parcourues sur le rail. Ce système, qui pourrait être intégré dans l’offre commerciale des opérateurs ferroviaires, inciterait les transporteurs à privilégier plus souvent le rail.
c) Le financement des investissements capacitaires et de régénération requis devra mobiliser des ressources publiques et privées. Publiques : elles pourraient provenir d’arbitrages inter-secteurs plus favorables au fret ferroviaire et de recettes affectées, comme dans le cas du financement de la Société du Grand Paris. Privées : la taxonomie verte, mais aussi des dispositifs tels que le label Bas-Carbone, constituent des opportunités pour lever des fonds en faveur du fret ferroviaire.
Au côté du rail, le transport fluvial et les infrastructures portuaires peuvent également être développés, notamment dans une stratégie de complémentarité. Ces modes de transport présentent des avantages proches du fret ferroviaire concernant leurs externalités. La « nouvelle stratégie nationale portuaire », adoptée le 22 janvier 2021, va dans ce sens en visant notamment la neutralité carbone en 2050 (production et la fourniture multi-énergies propres pour l’approvisionnement en carburants alternatifs des navires, innovation dans l’économie circulaire au sein des places portuaires, renforcement des mesures d’atténuation et d’adaptation au changement climatique des ports).
Si l’on en croit le New York Times du 4 mars 2021, « environ 2,4 millions de colis sont livrés chaque jour dans la ville de New York, soit près d’un demi-million de plus qu’avant la pandémie, et les données de la ville montrent que 80 % des livraisons sont destinées à des clients résidentiels, contre 40 % avant l’épidémie. » Ce qui fait un ratio de 0,23 colis par jour et par personne. Et si l’on en croit Le Monde du 21 janvier 2021, « selon le directeur de Colissimo, un milliard de colis B2C ont été livrés en France en 2020 » soit 0,04 colis par jour et par personne, c’est à dire six fois moins qu’à New York. Il se peut que les new-yorkais se fassent livrer six fois plus que les français mais il se peut aussi que les données ne soient pas suffisamment fiables, hypothèse confirmée par une revue de la littérature scientifique portant sur les données de la logistique du e-commerce[13] qui montrait une diversité trop importante du ratio ‘nombre de livraisons par jour et par habitant’ pour une vingtaine de villes dans le monde. Le ratio évoluait en effet de 0,001 à Sao Paulo à 0,310 à Shanghai, avec des différences importantes même au sein d’un même pays. Un autre exemple de bizarrerie statistique était donné par le bilan carbone de la Ville de Paris dans sa partie « transport de marchandises ». Une comparaison des deux années 2004 et 2014 avait été faite par la Ville[14], montrant une baisse de 18% des émissions de CO2 liées au transport des marchandises entre 2004 et 2014, correspondant à une baisse de 10% pour le transport routier et de 23% pour le transport aérien et une hausse de 8% pour le transport fluvial et ferroviaire (ces deux derniers étant marginaux). La Ville de Paris se félicitait de la bonne orientation de la trajectoire engagée pour atteindre l’objectif municipal de réduction de 25% des émissions logistiques en 2020 et attribuait une partie de ce succès aux actions publiques menées pour rendre la logistique parisienne plus durable. Or les résultats affichés semblent plutôt exprimer les problèmes méthodologiques liés aux évaluations des bilans carbone territorialisés du transport de marchandises[15]. Remarquons surtout, pour dédouaner la municipalité parisienne de ces limites méthodologiques, qu’elle n’est pas la seule ville à rencontrer, qu’il n’existe pas de base de données fiables ni même de méthode de collecte de données abordable sur le plan financier.
Cette mise en évidence de problèmes sur la façon dont sont produites les statistiques de la logistique et de ses impacts sur les territoires n’est pas anecdotique. De bons indicateurs permettent d’établir des diagnostics qui donnent ensuite la possibilité d’adopter des politiques adaptées. Mais précisément pourquoi les territoires et les collectivités locales devraient-ils obtenir des indicateurs sur la logistique ? En quoi cela les regarde-t-il alors qu’il s’agit d’une activité privée dont les nécessités d’optimisation font qu’ils traitent déjà et de plus en plus leurs propres données ? Acquérir une information régulièrement actualisée des phénomènes logistiques permet en fait aux territoires d’accomplir plusieurs choses : améliorer la gestion du trafic et la planification des infrastructures par la modélisation et la simulation d’impacts de nouvelles mesures, évaluer les effets d’une politique de logistique durable, faciliter la décarbonation du fret par le calcul de bilans carbone. Cela permet de faire des analyses coût-bénéfice de politiques publiques telles que la mise en place de zones à faibles émissions en en identifiant les impacts positifs et négatifs sur les entreprises ; et de fournir des informations aux professionnels du transport pour qu’ils se situent par rapport à des indicateurs moyens du secteur comme la part des véhicules propres dans les flottes de véhicules de livraison. Il est donc indispensable de mieux connaître les activités logistiques.

De nouvelles sources d’information à identifier

Il serait faux de dire que l’on ne connait rien à l’activité logistique. Il existe des bases de données et des outils dont certains sont anciens. Les enquêtes TRM (transport routier de marchandises) sont effectuées depuis plusieurs décennies en France par sondage auprès des entreprises de transport et sont maintenant codifiées au niveau européen[16]. Plus ponctuelles mais très détaillées sont les enquêtes TMV (transport de marchandises en ville) faites par le Laboratoire Aménagement, Economie, Transports à Lyon. Des observatoires de la logistique se mettent en place dans les régions[17] et devraient être complétés par un observatoire national, en cours de structuration. Du côté de l’analyse de l’immobilier des entrepôts et centres logistiques, les sources traditionnelles d’information sont relativement satisfaisantes, que ce soit à partir de la base des permis de construire et des autorisations d’urbanisme (Sitadel) ou du fichier national des établissements (SIRENE). De nouveaux types d’entrepôts comme les « dark stores » (voir chapitre IV) échappent cependant à ces bases de données, lorsqu’ils ne sont pas officiellement recensés comme entrepôts, ce qui est fréquent. Du côté de la mobilité, en revanche, les méthodes anciennes restent très insuffisantes comme l’ont montré les quelques exemples en introduction : sous-estimation des véhicules utilitaires légers, dont l’usage réel en France est mal connu (la dernière enquête remonte à 2011[18]), absence de prise en compte des deux-roues motorisés, de plus en plus importants dans les livraisons urbaines ; et, enfin, mauvaise intégration dans les enquêtes du trafic lié au e-commerce, ce qui est paradoxal pour une activité entièrement intermédiée par voie numérique.
Y a-t-il de nouvelles sources de données à explorer ? Nous proposons quelques pistes ici, notamment des méthodes prometteuses déjà utilisées dans des pays européens voisins. Elles incluent :

  • Les données des opérateurs télécoms et les traces GPS.
  • Les données des professionnels : transporteurs, e-commerçants, plateformes numériques de livraison.
  • Les données municipales, comme celles qui sont issues d’outils de contrôle du trafic et du stationnement ou de nouvelles applications publiques destinées aux livreurs, ou les informations issues de services de mobilité comme les vélos en libre-service.

Nous allons les examiner une par une mais auparavant signalons la mise en accès libre (open access) d’un certain nombre de données publiques classiques, comme celles des circulations relevées par les boucles d’induction magnétique sur la chaussée. Le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) offre dorénavant un « dataviz » permettant d’obtenir des indicateurs de trafic routier de poids-lourds. Mais cette source souffre de segments routiers manquants (littéralement, car plusieurs routes ou parties de routes et autoroutes ne sont pas instrumentées, notamment en zone urbaine).
Le faible taux de remplacement des boucles endommagées et la disparition programmée à plus ou moins long terme de ces équipements ne permettent pas par ailleurs de compter à l’avenir sur ce type de ressource. Un autre dataviz du ministère de l’Écologie propose aux villes françaises d’évaluer le nombre de véhicules utilitaires légers (les poids-lourds ne sont pas inclus) concernés par les zones à faibles émissions (http://dataviz.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/ZFEShinyAppv3/), en les présentant par classe de Crit’Air. Ils permettent aux villes qui mettent en place une ZFE d’évaluer les parts des véhicules qui seront concernés mais ce sont les véhicules immatriculés dans une zone qui sont recensés et non pas les véhicules qui y circulent de façon effective et cette différence a une grande importance pour les véhicules de la logistique, car les transporteurs livrant dans une ville sont rarement enregistrés dans cette ville. Les résultats présentés en ligne par le dataviz ne sont donc pas suffisamment représentatifs.

Données des opérateurs télécom et traces GPS

Les transporteurs, comme tout un chacun, ont un téléphone et laissent des traces de leurs passages, correspondant aux données de géolocalisation de leurs smartphones, qui peuvent être collectées régulièrement par l’intermédiaire d’applications mobiles.
Il est cependant compliqué, à partir d’une masse globale de données de géolocalisation, d’en identifier ce qui relève des véhicules de la logistique. A titre d’illustration de ces difficultés, une étude réalisée par Roland Berger et Kisio sur les origines-destinations du trafic empruntant le périphérique parisien[19] montrait un important trafic entre l’établissement public territorial Grand-Orly Seine Bièvre et le reste de la région francilienne, territoire dominé par le marché de gros de Rungis ainsi qu’un grand parc logistique (Sogaris Rungis), générateurs de trafics importants de poids-lourds. Or l’interprétation des résultats de l’étude était concentrée sur les déplacements des personnes utilisant leur véhicule particulier. La méthode avait certes inclus des tests permettant d’identifier une part d’environ 10% de poids-lourds dans l’ensemble des véhicules mais sans pouvoir les spatialiser. Il est en fait difficile d’identifier les camions parmi les données globales de trafic des véhicules. Des recherches sont en cours pour reconnaître, à travers leurs « comportements » spatiaux, les véhicules de transport de marchandises parmi tous les véhicules en mouvement, mais il n’y a pas encore de solution facile.

Données des chronotachygraphes, des On-Board Units et des passages de péages

Plusieurs sources potentielles déjà anciennes de données sur les trafics de poids-lourds existent, mais sont peu exploitées pour la connaissance, la prédiction et la modélisation, pour des raisons de protection de la vie privée ou du secret commercial. La loi impose par exemple la présence d’un chronotachygraphe dans les poids-lourds. Celui-ci enregistre différentes informations relatives au véhicule de façon numérique sur une période d’un an : identification du véhicule, des temps de conduite et de repos du conducteur, de la vitesse instantanée par seconde sur chaque 24 heures. On a vu que le registre des immatriculations est utilisé pour la présentation d’informations dans plusieurs dataviz du ministère des Transports[20] offrant des indications mais qui sont par nature statiques et potentiellement trompeuses. Les passages de péages peuvent également donner des états réguliers du trafic poids lourds, mais par nature ils ne le font que pour les portions du territoire concernées.

Données municipales

Les données des caméras permettant la lecture automatique des plaques d’immatriculation (LAPI ou Automated Number Plate Recognition, ANPR, en anglais), mises notamment en place dans beaucoup de villes européennes pour contrôler l’application des zones à faibles émissions, sont une source potentielle d’indicateurs réguliers de la circulation des poids-lourds et véhicules utilitaires légers dans les grandes villes. Elles sont loin d’être complètes : les recueils ne concernent généralement pas les véhicules étrangers non plus que la sortie des véhicules des zones réglementées. La France n’a autorisé ces caméras que récemment (article L2213–4–2/III du code des collectivités territoriales issu de la loi d’orientation des mobilités). Elles ne pourront être déployées que sous des conditions très strictes : seuls 15% des véhicules au total peuvent être contrôlés chaque jour et surtout, pour notre sujet, toutes les données devront être détruites immédiatement après vérification des plaques d’immatriculation. Les données seront donc « perdues » pour des traitements ultérieurs éventuels (analyse des flux, modélisation). Aux Pays-Bas au contraire, l’utilisation des données des caméras ANPR est effective depuis quelques années et sera accélérée dans le cadre de la mise en place de zones ZECL (Zero Emission City Logistics) dans les plus grandes villes néerlandaises à l’horizon 2025. A noter que l’usage de ces données a été restreint depuis l’introduction du Règlement européen sur la protection des données (RGPD) en 2019. Tout doit dorénavant passer par un tiers de confiance (National Data Warehouse) mais globalement ces données restent accessibles, pour des usages macro, aux chercheurs et aux municipalités. Le type du véhicule, sa norme Euro (et donc son âge et niveau de pollution), sa marque, sa taille sont ainsi récupérés, permettant de suivre l’évolution des parcs.
Les données en open access comme celles des services publics de vélos en libre-service dans les villes, très utilisés par les livreurs en France, peuvent aussi constituer des sources d’information potentielles. Pour le moment, cependant, la plupart des services de VLS ne proposent en accès public que des données consolidées sur les stations (nombre de vélos entrants et sortants), sans les détailler au niveau de chaque vélo ni a fortiori de chaque utilisateur, interdisant donc la possibilité d’identifier des « comportements de livreurs » (utilisation intensive et successive de vélos au cours d’une journée).
A Barcelone, l’application municipale AreaDUM rendue obligatoire depuis 2015 impose aux livreurs de s’identifier dès lors qu’ils commencent une opération de chargement ou déchargement sur la voie publique. Ils ont alors 30 minutes pour effectuer l’opération. Cette réglementation permet à la municipalité de récupérer des informations en temps réel sur le nombre et le lieu des opérations de livraison. Les données disponibles en accès libre, bien sûr anonymisées, sont les suivantes : zone de livraison, type de véhicule, type d’activité, jour et heure. Barcelone est ainsi l’une des rares villes en Europe qui, au moment du premier confinement lié à la pandémie de COVID-19, avaient des informations précises sur l’impact en temps réel des événements sanitaires sur le système logistique.

Données des opérateurs de transport et de e-commerce

Le partage de leurs données par les opérateurs logistiques, les e-commerçants ou les applications numériques de livraison est souvent identifié comme une voie prometteuse de connaissance au niveau de la recherche ou de la stratégie de logistique urbaine des collectivités territoriales. Il suscite d’ailleurs des demandes multiples et considérées comme beaucoup trop fragmentées et intrusives par les entreprises auxquelles elles s’adressent. Pour l’instant, des partenariats individuels se montent, couverts par des conventions organisant au cas par cas l’usage et la diffusion des informations. Ces efforts, au total, ne représentent pas un échantillon suffisamment représentatif de l’ensemble des flux : ils permettent par exemple de bien connaître un secteur (la messagerie des colis par exemple), pour une période de temps donnée et un territoire particulier. Mais ils ne permettent pas d’avoir une vue d’ensemble des flux et de leur évolution. Les entreprises restent de toute façon fortement réticentes à fournir leurs données, clés de leurs modèles économiques aujourd’hui.
Dans les villes néerlandaises, ces partenariats ont été récemment développés et élargis à la suite de la mise en place de l’objectif national de zones logistiques à zéro émission (voir plus haut) d’ici 2025. Certaines villes ont déjà mis en place un plan de partage d’indicateurs (et non pas de données, nuance qui a son importance pour les entreprises). A Rotterdam, le système de labellisation Ecostars (attribution d’une, deux ou trois étoiles aux logisticiens en fonction de leurs performances environnementales) inclut le partage obligatoire d’une liste d’indicateurs par tous les transporteurs qui veulent être labellisés. Des chartes sont aussi signées avec les opérateurs mais un premier bilan[21] a montré que seules 5 entreprises sur 69 signataires de la charte de Rotterdam avaient commencé à organiser le transfert d’informations quantitatives auprès de la municipalité.

Conclusion et propositions pour avancer

Les données à collecte « automatique » et bon marché comme les traces GPS ou les normes Euro issues des plaques d’immatriculation ne seront certes jamais suffisantes pour bien connaître le secteur de la logistique. Elles permettent de connaître les types de véhicules mais pas les types de marchandises transportées, par exemple. De leur côté, les données des entreprises, même si elles sont plus riches, resteront difficiles à collecter. Et même si des entreprises du numérique comme UberEats fournissaient toutes les informations relatives aux livreurs qui travaillent pour elles, comme l’âge, le lieu du domicile, les qualifications…, permettant d’analyser la sociologie de ces nouveaux livreurs (voir chapitre V), il manquerait des éléments importants correspondant à leur statut de travail : les livreurs des plateformes sont nombreux à louer des comptes, lorsqu’ils sont mineurs par exemple ou n’ont pas de papiers. Des enquêtes sur le terrain resteront donc toujours nécessaires pour caractériser des métiers, des trajectoires sociales, des conditions de travail.
En revanche, de nouvelles méthodes de collecte ont un rôle à jouer pour l’établissement d’indicateurs globaux de l’activité logistique dans les territoires, qui restent indispensables pour identifier des politiques, les orienter et les évaluer. C’est tout particulièrement important pour le calcul d’indicateurs de bilan carbone, la logistique étant une source importante et croissante d’émissions. Or plusieurs obstacles aujourd’hui, certains spécifiques à la France, freinent la mise en place de méthodes simples et peu coûteuses permettant de suivre les flux et de construire des scénarios d’évolution. Pour promouvoir ces nouvelles méthodes, nous proposons de nous aligner sur certaines pratiques européennes et de procéder à quelques réaménagements du cadre législatif et réglementaire.
Il faudrait en premier lieu lever les obstacles franco-français à l’utilisation potentielle de données publiques existantes. Cela mènerait notamment à supprimer le troisième paragraphe de l’article L2213–4–2/III du code des collectivités territoriales pour permettre à la recherche et aux villes d’utiliser les données des futures caméras LAPI. Il faudra garantir des garde-fous techniques sur la protection des données personnelles, mais les exemples étrangers (Pays Bas, Espagne, Suède) montrent que des tiers de confiance (National Data Warehouse aux Pays-Bas) peuvent jouer un rôle tout à fait satisfaisant à cet égard.
Des guides techniques permettant de mettre en place des accords avec les logisticiens et e-commerçants sur la question des données et des indicateurs doivent ensuite être mis à disposition des territoires, recensant et évaluant notamment les expériences étrangères et les quelques expériences françaises. Ils devront être élaborés avec les organisations professionnelles concernées. Les territoires, des régions aux municipalités, seront plus crédibles et plus forts s’ils demandent d’une même voix un certain nombre d’indicateurs aux professionnels au lieu de multiplier les initiatives isolées auprès d’entreprises qui ont le sentiment d’être submergées de requêtes locales.
Une dernière proposition concerne l’observatoire de la logistique en cours de constitution au niveau national : à cet observatoire s’ajoutent un certain nombre d’autres initiatives relatives à des observatoires régionaux, à l’observatoire de la logistique urbaine, à l’observatoire de la logistique portuaire…. Ces efforts devraient converger vers un outil mieux coordonné, voire centralisé, mieux doté en responsables et en expertise de suivi et de traitement, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. La mise en œuvre d’un tel outil doit enfin mieux prendre en compte l’ensemble des acteurs territoriaux et leurs associations, à tous les niveaux territoriaux (Régions de France, France Urbaine, GART).
Le transport représente entre 20 % et 30 % du total des émissions de gaz à effet de serre selon les pays européens, sans compter les émissions liées à la construction et à l’entretien des infrastructures, des véhicules et des batteries, la production et fourniture d’énergie, etc. À l’échelle de l’Union européenne à 27, le transport est désormais la première source d’émission de gaz à effet de serre, devant la production d’énergie et l’industrie. Il doit donc occuper une place importante dans les politiques de décarbonation de l’économie et de la société.
Émissions de gaz à effet de serre en Europe (UE 27) par activité, 1990 – 2020
Source : AEE (transport tous modes : intérieur + aérien international + maritime international)
De fait, les questions se posent en des termes assez différents pour le transport de personnes et pour le transport de marchandises, qui représentent aujourd’hui respectivement les deux tiers et un tiers des émissions du transport. Ces proportions devraient évoluer à l’avenir, en ce que d’une part les possibilités de changement de comportement et d’alternative à l’automobile traditionnelle sont plus larges pour les voyageurs (transports collectifs, modes actifs, covoiturage, etc.) que pour les alternatives au camion pour les marchandises, et que d’autre part les solutions techniques pour réduire l’empreinte carbone sont plus mûres à ce jour pour les automobiles que pour les poids lourds. Les émissions des poids lourds et camionnettes (VUL) sont appelées à dépasser celles des automobiles. En outre, avec l’abandon progressif des carburants fossiles et selon une analyse du cycle de vie (ACV), l’empreinte de la fabrication des véhicules et des batteries devrait à terme dépasser celle de la circulation proprement dite.
Dans une récente réflexion prospective de l’administration française[22], une appréciation a été faite des marges de progrès offertes par le changement technique d’une part, la sobriété d’autre part. Selon ces estimations, les apports de la sobriété pour les déplacements de personnes sont de l’ordre de 25 % des réductions visées (38 millions de tonnes de CO2 par an sur 150), plus que pour les marchandises où elles ne seraient que de 7 % (9 millions de tonnes par an sur 124).
Réduction en ACV des émissions de GES des transports terrestres de voyageurs
Source : Prospective 2040 – 2060 des transports et des mobilités, 2022.
Réduction en ACV des émissions de GES des transports terrestres de marchandises
Source : Prospective 2040 – 2060 des transports et des mobilités, 2022.
Décarboner le transport comme tel c’est d’abord décarboner le transport routier qui, en matière d’émissions de gaz à effet de serre, représente la quasi-totalité des émissions, soit 93 % du total en France.
Répartition des émissions de GES du transport par modes, France 2020
Source : Bilan annuel des transports en 2020, ministère de la Transition écologique, 2021.

Découpler transport de marchandises et nuisances environnementales

Pour découpler transport de fret et nuisances environnementales, il convient de combiner sobriété (gestion logistique dans l’optimisation des circuits des marchandises et de l’utilisation des moyens) et technologie (amélioration de l’efficacité énergétique des véhicules thermiques, transition vers l’utilisation d’énergie décarbonée). On peut en effet :

  • Diminuer certaines quantités transportées (alléger les produits et les emballages, boire l’eau de la ville plutôt que l’eau en bouteille), soit agir sur les tonnages ;
  • Limiter les distances de transport en choisissant des fournisseurs et consommateurs plus proches, soit agir sur les tonnes-kilomètres ;
  • Utiliser des véhicules de plus grande capacité, mieux les remplir et limiter les parcours à vide, soit agir sur les véhicules-kilomètres ;
  • Améliorer l’efficacité énergétique des moyens de transport, y compris par un transfert vers les modes plus sobres tels que la voie d’eau et le chemin de fer, sans oublier le vélo-cargo pour la logistique urbaine, et agir ainsi sur les tonnes de CO2 et de polluants locaux par tonne-kilomètre transportée ;
  • Enfin, changer radicalement la nature de l’énergie consommée et ne plus utiliser de carburants fossiles : électricité, hydrogène, biocarburants…

Si la décarbonation du transport routier de personnes est aujourd’hui principalement organisée à travers la substitution de l’énergie électrique aux énergies fossiles (à condition que cette électricité soit « verte », disponible partout et en tout temps et à coût modéré), la situation est moins claire pour le transport routier de marchandises. Les véhicules légers (VUL) sont déjà engagés dans l’électrification, mais pour les véhicules plus lourds le choix n’est pas encore fait entre l’électricité sur batterie, l’électricité fournie par l’infrastructure (caténaire), les biocarburants, l’hydrogène (vert), etc. Pour soutenir cette transition, un ensemble de mesures complémentaires sera mis en œuvre : contraintes réglementaires (normes techniques), subventions à l’achat de véhicules propres, tarification différenciée de l’usage des infrastructures, etc. L’histoire sociale récente (bonnets rouges et gilets jaunes) montre, malgré les efforts pédagogiques de divers économistes, une large réticence de l’opinion à l’usage du signal-prix comme instrument efficace d’incitation aux changements de comportement pour intégrer au mieux le coût social du carbone. S’il semble difficile de ne pas agir sur les prix des énergies, de l’achat et de l’utilisation des véhicules et de l’usage des infrastructures, un fléchage clair de l’affectation des fonds ainsi collectés au soutien à la transition vers une mobilité durable (à l’inverse des principes d’unicité et d’annualité du budget public) est une condition de leur acceptabilité sociale et politique.
Les activités logistiques exercées au moyen de plateformes numériques se sont développées à partir des années 2015–2016, notamment en ville où elles se sont définitivement installées dans le paysage avec la pandémie de COVID-19. Le nombre de commandes de repas en ligne en 2021 en France était le double de celui de 2019. Le terme d’ubérisation est souvent utilisé, en référence au modèle Uber (et maintenant UberEats, qui a désormais un chiffre d’affaires supérieur à Uber) : les chauffeurs de VTC et livreurs travaillant pour les plateformes numériques de mise en relation ne sont généralement pas des employés mais des indépendants payés à la tâche (d’où le nom anglais de « gig » – une tâche, un job – worker). En France, près de 9000 nouvelles inscriptions d’auto-entrepreneurs de la livraison express ont été recensées chaque mois en 2021, contre 4000 en 2019. La livraison au moyen des plateformes numériques est devenue banale dans le monde entier, dans les grandes villes au nord comme au sud. Les groupes qui l’organisent sont de plus en plus importants et se restructurent en permanence : l’américain Postmates a été acheté par Uber, Just Eat Takeaway a acheté GrubHub (et cherche maintenant à s’en départir). Depuis 2021, le nouveau secteur de la livraison instantanée de produits d’épicerie, également nommé le quick commerce, a attiré beaucoup d’investissements du capital-risque, qui se sont ralentis depuis le deuxième trimestre 2022 mais restent conséquents. Son taux de pénétration reste encore faible (1,5 % des ménages français, même s’il touche déjà 3 % des ménages en Ile-de-France et 11,5 % à Paris). Le turc Getir et l’allemand Gorillas en sont les acteurs les plus puissants en France et leurs concurrents français sont progressivement rachetés (Frichti par Gorillas, Cajoo par Flink). Gorillas, à la mi-octobre 2022 était en discussions avancées avec Getir pour un rachat alors que l’acteur américain Gopuff fait son entrée en Europe, fort de ses succès américains : nous pourrions continuer la liste de ces évolutions et retournements… Les entrepôts urbains exploités par ces plateformes, les dark stores, suscitent des polémiques importantes et multiformes dans des villes comme Paris, Lyon, Amsterdam, New York ou Barcelone (voir chapitre VI).
Les opérateurs de livraison urbaine organisée par des plateformes numériques sont dorénavant des acteurs majeurs. DoorDash a été introduit en bourse avec une valorisation initiale de 72 milliards de dollars, Meituan est encore valorisé 120 milliards de dollars en juin 2022 (malgré les tours de vis du gouvernement chinois depuis 2021). Les rapprochements avec la grande distribution française ont également commencé. En résumé, le secteur de la livraison par plateforme numérique est en transformation permanente et son avenir difficile à prévoir mais il semble probable que sa croissance va se poursuivre, sans menacer cependant les autres modes de consommation. Il consolidera sa place dans la palette des nouveaux modes de consommation, mais une place qui restera modeste. Nous ne traiterons pas ici du modèle économique de ces secteurs, le sujet de l’économie numérique et de la croissance – et souvent la mort- de ses start-ups étant très bien analysé par ailleurs. Mais deux sujets nous paraissent en revanche urgents à traiter, celui du marché du travail et du statut des livreurs d’une part et celui des véhicules utilisés pour les livraisons et leur impact sur la sécurité routière et sur l’environnement d’autre part. Sur ces questions, le législateur et les administrations y compris locales doivent se positionner.
En ce qui concerne le marché du travail, les plateformes numériques de la livraison créent beaucoup d’emplois. Ces activités représentent des portes d’entrée sur le marché du travail des grandes villes : migrants ruraux en Chine, réfugiés vénézuéliens en Colombie ou au Pérou, sans-papiers en Europe… Meituan en Chine fait travailler plusieurs millions de livreurs free-lance par jour. Mais les livreurs sont de plus en plus précaires, mal rémunérés et les conditions de travail restent mauvaises.
Les livreurs ne sont pas tous les mêmes et ont des vues multiples sur leur métier, même si des traits de leur situation de travail convergent : au cœur de l’activité de livraison par plateforme, on trouve des jeunes hommes (très peu de femmes) payés à la tâche en free-lance, circulant avec un deux-roues. A Paris[23], 41% des livreurs pour des plateformes comme Deliveroo et Uber Eats se déclarent auto-entrepreneurs, dont des étudiants et des actifs mais avec une majorité de livreurs à plein temps. Les autres se déclarent « sans statut » (souvent des personnes qui louent des comptes à des auto-entrepreneurs), salariés ou intérimaires, ou – catégorie récemment apparue dans les réponses aux enquêtes -, coopérateurs (7%). La part des livreurs qui exercent en louant le compte d’un autre, sur le modèle d’une économie informelle, reste difficile à évaluer car les livreurs sont réticents à répondre à cette question. Les livreurs sont dans l’ensemble peu diplômés et 31% d’entre eux ne possèdent aucun diplôme, mais 27% sont diplômés Bac+2 ou plus. Leur vision du métier s’est dégradée en 2022 par rapport à 2021, notamment les relations avec les plateformes : 40% les jugeaient difficiles en 2021 pour 59% en 2022. La pandémie de Covid a accru le nombre de commandes mais encore davantage le nombre de livreurs, ce qui a réduit les revenus par livreur. Les livreurs sont rarement membres d’un collectif de défense de leurs droits mais le taux augmente (13% en 2022 contre 7% en 2021).
Un rattachement systématique au salariat, choix qu’ont fait l’Espagne en 2021 et la Californie en 2020 à travers des législations, avec des fortunes diverses, se justifierait-il dans ces conditions ? Il nous semble que non. Les auto-entrepreneurs livreurs à Paris se déclarent attachés à 70% d’entre eux à leur autonomie et au choix des horaires. Ce qui paraît urgent en revanche c’est améliorer leurs revenus d’une part et leur permettre d’utiliser leur passage dans la livraison comme un tremplin d’autre part. Depuis 2016, des avancées législatives au niveau français comme européen ont théoriquement amélioré les statuts et les conditions de travail. Mais dans le même temps, la rémunération des livreurs, ultra flexible et déterminée quasiment au jour le jour par algorithme, a eu tendance à baisser, accentuant la précarisation des travailleurs et l’appel de facto à des travailleurs sans papier, qui acceptent des rémunérations basses. L’article L1326–3 du code des transports et un décret d’application du 22 avril 2021 vont plutôt dans le bon sens, car ils imposent aux plateformes de publier sur leur site internet « de manière loyale, claire et transparente » des indicateurs de durée d’activité et de revenu des travailleurs au cours de l’année précédente.
Des élections professionnelles dans le secteur du travail indépendant pour les plateformes de mise en relation ont été organisées en France entre le 9 et le 16 mai 2022 mais ont très peu mobilisé les livreurs, avec moins de 2% de participation. Elles représentent une avancée pour le dialogue social et la légitimation des organisations syndicales et des collectifs ad hoc apparus dans ce secteur. Mais le pouvoir de négociation de ces nouveaux représentants des livreurs risque de rester trop limité face aux plateformes numériques. Un projet de directive européenne de décembre 2021 a posé des principes intéressants permettant de dessiner une voie d’organisation du secteur. Si au moins deux des critères suivants sont remplis par une plateforme, la relation qu’elle a avec un livreur doit être celle d’employeur à employé : la plateforme détermine les niveaux de rémunération, impose le port d’uniforme ou l’usage de certains équipements, supervise l’exécution du travail par des moyens électroniques, interdit de travailler pour d’autres entreprises, ou restreint le choix des horaires ou le choix de sous-traitants. Trois de ces situations ont déjà disparu de facto en France (port d’uniforme, horaires imposés, pas de travail pour d’autres plateformes). En revanche, les rémunérations restent très majoritairement imposées et l’exécution du travail est encore très largement supervisée par des algorithmes. Si à chaque décision de justice les plateformes ont progressivement réagi en allégeant le contrôle, l’algorithme reste une boite noire. En 2021, l’agence de protection des données italiennes a imposé une forte pénalité financière à Foodinho (groupe Glovo) en raison de la façon dont elle utilisait l’algorithme pour surveiller le travail des livreurs. Le projet de directive européenne accroît justement les exigences de transparence sur le fonctionnement des algorithmes des applications.
Nous faisons les propositions suivantes :

  • La France accepte et propose une adoption en l’état du projet de directive sur les travailleurs des plateformes (décembre 2021), car il oblige les plateformes de mise en relation à avancer sur la question des rémunérations et de la transparence des algorithmes qui régissent le travail des livreurs. Le projet en l’état permet de concilier nécessités de requalification lors d’abus et maintien d’un statut d’auto-entrepreneur lorsque les intéressés le souhaitent.
  • Les partenaires sociaux s’emparent du résultat des élections de mai 2022 et de véritables négociations débutent, avec une participation claire des plateformes. La hausse des rémunérations effectives doit devenir un élément central de ces discussions.
  • Nous proposions en 2017 (« Des marchandises en ville », Terra Nova) la mise en place d’une licence professionnelle « allégée » pour les livreurs à deux-roues. Des discussions sont en cours à ce titre depuis le début 2022 et doivent être encouragées afin qu’elles aboutissent rapidement.
  • La formation professionnelle dans le secteur de la logistique est indispensable et les livreurs doivent être vus comme un vivier pour le secteur du transport et de la logistique, qui connaît des difficultés de recrutement et un vieillissement notable de la main d’œuvre. Toute initiative interne aux plateformes offrant des opportunités de formation professionnelle et le renforcement des qualifications des livreurs doit être encouragée (voir les initiatives de la Poste pour les livreurs de sa filiale Stuart).
  • Appliquer de façon plus vigoureuse l’article 60 de la loi El Khomry. Si les dispositions relatives au dialogue social ont été appliquées (et au-delà avec l’organisation d’élections professionnelles), d’autres restent insuffisamment connues et mises en place de façon effective. Les plateformes numériques doivent notamment prendre davantage en charge les assurances et le financement de la formation des travailleurs. Les efforts de promotion de la formation professionnelle sont restés insuffisants. Le Compte Personnel d’Activité doit être davantage abondé par les plates-formes numériques en points retraite, formation et pénibilité, renforçant la protection sociale de leurs utilisateurs. Il faut assurer une promotion particulière du CPA auprès des coursiers.
  • Promouvoir plus fortement les coopératives d’activités et d’emploi dans le secteur de la course urbaine. Une coopérative d’activités et d’emploi permet la mise en commun des obligations administratives, de la gestion, de l’animation commerciale, des lieux d’activité. Ce régime continue à se heurter à des difficultés, notamment financières.
  • Le métier de livreur de plateformes doit être vu comme un tremplin pour les travailleurs sans-papier, à travers une réforme de la « circulaire Valls » permettant la régularisation des livreurs agissant comme indépendants (pour le moment, les instructions données aux préfets n’ouvrent ces possibilités qu’aux travailleurs exerçant en tant que salariés). Il faut bien sûr en parallèle améliorer considérablement les procédures de prise de rendez-vous auprès des administrations, quasiment bloquées aujourd’hui pour toutes les demandes de régularisation. Des initiatives comme la Maison des Coursiers à Paris, permettant des contacts avec des avocats spécialisés, sont à encourager.

Un autre sujet d’actualité concerne la vulnérabilité des livreurs aux accidents de circulation ainsi que les impacts négatifs de leurs véhicules sur l’espace public. Le paiement à la tâche couplé à des rémunérations qui baissent incite les livreurs à des prises de risque. Globalement, les livreurs des plateformes passent beaucoup de temps au travail (à Paris, 54% sont sur le terrain au moins six jours sur sept, dont 59% qui travaillent plus de 8 heures par jour en moyenne) et ont un nombre très inquiétant d’accidents de la route. Près de 30% des livreurs actifs à Paris et Nantes en 2021 ont eu un accident de la route ce qui est un taux très important par rapport aux autres secteurs d’activité. A Paris, 47% des livreurs ayant déclaré en 2022 avoir eu un accident de la route ont nécessité un passage aux urgences et 33% une autre prise en charge médicale. A New York, on constate aussi des prises de risque importantes sur la voirie : dans un espace public où les usagers sont généralement respectueux des règles (traversée aux passages piétons, arrêt aux feux rouges, circulation hors du trottoir), on constate dorénavant une exception : les livreurs, avec comme corollaire une augmentation des accidents. Les livreurs circulent souvent avec un vélo de mauvaise qualité qu’il leur faut parfois transporter, non sans peine, dans les transports publics pour ceux habitant en banlieue. Ils doivent par ailleurs consulter très fréquemment leur smartphone et prennent davantage de risques de ce fait.
Par ailleurs, les livreurs utilisent de plus en plus des scooters, des voitures et des vélos partagés municipaux (par exemple à Paris les Vélib et Véligo). Alors qu’on parle souvent des « livreurs à vélo », cette logistique est en fait en majorité (53% à Paris) exercée avec des modes autres que le vélo. Théoriquement toute entreprise de transport, dont les micro-entreprises, exerçant en France doit justifier d’une licence de transport intérieure pour exercer avec un véhicule motorisé. Or 84% des livreurs auto-entrepreneurs n’ont pas cette licence. Le Vélib parisien et le Véligo francilien sont par ailleurs désormais théoriquement interdits pour effectuer des livraisons (même s’il est difficile de comprendre sur quelle base juridique).
Il y a souvent, de la part des pouvoirs publics ou des médias, la double perception d’un « bon » vélo de la logistique, celui de la cyclo-logistique des entreprises de vélo-cargo, souvent militantes de livraisons plus durables et mieux-disantes sur le plan social, face aux « mauvais » vélos de la livraison pour les plateformes. Les autorités locales ne savent pas toujours quoi faire des livreurs des plateformes, qui sont pourtant au moins dix fois plus nombreux que ceux de la cyclo-logistique. Les municipalités ont l’impression que les dysfonctionnements de ces activités (statut précaire, partages de comptes, utilisation illégale de scooters et motos) relèvent surtout d’une action nationale ou européenne et qu’ils manquent des leviers de réforme. Pourtant, la mobilité des livreurs des plateformes relève aussi d’enjeux locaux : gestion d’un trafic cycliste croissant et qui peut avoir des caractéristiques spécifiques (vitesses plus élevées) ; usage des systèmes de vélos en libre-service. Par ailleurs, les livraisons à scooters polluent et font du bruit. Alors que, dans d’autres villes non européennes, ces scooters sont tous électriques (c’est le cas dans les villes chinoises depuis longtemps et à New York depuis peu), les scooters de la livraison sont en Europe encore surtout thermiques. L’Europe a raté une transition qui aurait pu et dû être beaucoup plus rapide à cet égard, mais en Europe les scooters électriques restent trop chers. En ce qui concerne le bruit, des arrêtés municipaux à Nantes ont interdit l’usage des scooters en centre-ville mais ils sont peu respectés (39% des livreurs nantais signalaient avoir eu une amende à ce titre, signe que ces interdictions sont mal connues ou peu respectées[24]). L’article 114 de la loi Climat et résilience du 22 août 2021 dispose que les plateformes de livraison de marchandises mettant en relation des travailleurs indépendants devront en 2023 s’assurer « qu’une part minimale, croissante dans le temps, des véhicules utilisés dans le cadre de la mise en relation qu’elles assurent sont des vélos ou des véhicules à très faibles émissions ». Elles devront d’autre part indiquer aux usagers le type de véhicule utilisé et rendre public « le pourcentage de vélos et de véhicules à très faibles émissions mis en relation durant l’année précédente ». Ces dispositions ne nous paraissent pas suffisantes, elles sont vagues et risquent de ne pas être appliquées. Par ailleurs, il faut des décisions de justice depuis deux ans pour obliger l’Etat à mettre en œuvre le contrôle technique sur les deux-roues, alors qu’il faudrait au contraire que l’Etat affirme son rôle de régulateur sur cette question importante pour la sécurité, le bruit et la pollution. Enfin, il faut des mesures beaucoup plus volontaristes pour la promotion de l’usage de scooters électriques.
Nous proposons les mesures suivantes relatives aux véhicules utilisés par les livreurs des plateformes :

  • Lutte plus sévère contre les comportements à risque, nombreux dans le secteur de la livraison payée à la tâche. Il faut renforcer les contrôles et envisager l’obligation du casque pour les livreurs à vélo (comme en Espagne depuis peu).
  • Les partages de compte (illégaux) entre livreurs sont très importants. Or la réaction des pouvoirs publics reste timide et le nombre de contrôles et de verbalisations très limité. Nous proposons une action particulière et concertée de la part des ministères concernés afin d‘envoyer un signal au secteur. Cela doit aller de pair avec la possibilité de régularisation des livreurs sans papier ayant travaillé plusieurs mois pour des plateformes.
  • Confirmation du projet de licence de transport intérieur « allégée », via notamment un abaissement du montant d’immobilisation financière dans le cas d’une utilisation de scooters (par rapport aux camionnettes), afin d’inciter les auto-entrepreneurs coursiers à s’inscrire au registre des transporteurs et sortir de l’illégalité.
  • Actions plus volontaires pour favoriser le scooter électrique sous forme d’aides publiques. Les autorités publiques à cet égard ne doivent pas s’auto-censurer de crainte de subventionner des grands groupes de l’économie numérique. La question des subventions à de grandes entreprises dont le modèle économique repose par ailleurs sur des déficits d’exploitation répétés est importante mais doit être déconnectée de celle de la promotion de véhicules électriques. Les fourgonnettes électriques d’UPS, Amazon ou Chronopost et de leurs sous-traitants, de plus en plus nombreuses dans les centres urbains, sont déjà subventionnées, pourquoi pas les modes plus légers ?
  • Actions plus volontaires pour favoriser le vélo électrique. Outre les subventions à l’acquisition de tels véhicules et le soutien éventuel aux services de location de vélos électriques pour les professionnels, nous proposons de renverser la logique de l’interdiction d’usage des vélos partagés pour les livreurs : non seulement ne pas les interdire mais les favoriser, tout en en organisant l’usage, en faisant par exemple payer davantage les professionnels et tous ceux qui utiliseraient beaucoup les vélos dans la journée, avec une tarification adaptée et des services spécifiques. Par ailleurs, il ne faut pas réserver exclusivement aux vélos-cargo (la « bonne » cyclo-logistique) les avantages, les aménagements urbains ou les subventions.

Une dernière proposition porte sur la connaissance du secteur. Un socle de connaissances de base doit être constitué par des enquêtes spécifiques. Ce secteur doit être intégré aux enquêtes déjà existantes sur le secteur du transport de marchandises, notamment l’enquête nationale Marchandises en Ville. Il doit être l’objet d’une attention particulière du réseau d’observation de la logistique récemment initié (2022). Les indicateurs suivants pourraient être notamment observés, la liste n’étant bien sûr pas exhaustive :

  • Statistiques d’accidents spécifiques aux livreurs à vélo, identifiés clairement à l’intérieur du groupe des accidents impliquant des vélos en général.
  • Nombre de livraisons par plateformes (par jour, semaine…).
  • Part des auto-entrepreneurs livreurs dans ces livraisons instantanées.
  • Revenus moyens mensuels et par heure, nombre moyen d’heures effectuées par semaine.
  • Modes de transport utilisés par les livreurs.
  • Niveau de formation, actions de formation et de qualification disponibles/obtenues au cours de la carrière de coursier.

6. Immobilier logistique périurbain: réduire l’empreinte foncière et promouvoir l’innovation architecturale  

Ce chapitre a été rédigé par La Fabrique de la Cité et s’inscrit dans son cycle de travail sur l’objectif Zéro Artificialisation Net des Sols.
La loi Climat et Résilience, publiée le 22 août 2021, fixe l’objectif du zéro artificialisation nette des sols (ZAN) en 2050, avec un objectif intermédiaire de réduction de moitié du rythme de consommation d’espace d’ici à 2031. En conséquence, l’implantation de surfaces commerciales et logistiques sur des parcelles non artificialisées sera considérablement limitée. Quelques dérogations sont actuellement annoncées, au rythme de la parution de trois décrets en 2022 (deux sont déjà parus), mais force est de constater que la contrainte sur le foncier disponible est importante. De même, à l’heure où les échelles d’activité logistiques se renouvellent, après la crise du Covid-19 et la difficulté qu’ont aujourd’hui les grands projets d’entrepôts à s’implanter, souvent peu soutenus par les habitants du territoire, la concurrence sur le foncier disponible s’accentue pour les acteurs de l’immobilier logistique.
Généralement situés en périphérie des villes, par besoin de parcelles de grande taille et pour diffuser des marchandises à plusieurs réseaux urbains depuis un endroit situé au barycentre, les entrepôts logistiques ont aussi leur place en centre-ville. En effet, si l’objectif ZAN s’impose moins en cœur de ville, où les parcelles sont quasiment toutes artificialisées, la vacance commerciale et la présence de friches permettent aux activités logistiques de s’insérer dans les réseaux de centre-ville. Reste que la compétition foncière, accentuée, ne facilite pas la disponibilité puis le choix des terrains.
Cette note revient donc sur les objectifs de la loi Climat et Résilience en matière d’artificialisation des sols, et son implication directe sur l’immobilier logistique. Elle contient également plusieurs recommandations de La Fabrique de la Cité pour soutenir cet aménagement désormais contraint.

6.1. Qu’est-ce que le ZAN et l’artificialisation des sols ?

En tant que mesure systémique, l’objectif de zéro artificialisation nette des sols marque un tournant dans la série de lois visant à encourager la sobriété foncière en France. Si jusqu’à présent, le but était de limiter le rythme de l’artificialisation des sols, l’objectif ZAN est d’une portée supérieure : il vise à stopper la quantité nette de surface artificialisée. Selon l’INSEE, l’artificialisation d’un sol est la « transformation d’un sol à caractère agricole, naturel ou forestier par des actions d’aménagements, pouvant entraîner son imperméabilisation totale ou partielle ».
Ce changement de paradigme peut s’expliquer par les chiffres de l’artificialisation aujourd’hui sur le territoire. En décembre 2020, le Président Emmanuel Macron déclarait devant la Convention Citoyenne pour le Climat (CCC) : « il faut revenir sur cette catastrophe française qu’a été l’artificialisation des sols », ajoutant qu’il ne fallait pas culpabiliser les citoyens mais les projeter dans un autre modèle. Pourquoi parler de catastrophe ? Parce que le rythme de l’artificialisation en France est particulièrement important et qu’aucune législation n’a réussi à l’enrayer.
Des nombreuses études statistiques réalisées sur l’artificialisation des sols, trois sont à retenir sur l’état de l’artificialisation en France :

  1. La méthode Corine Land Cover, permettant une comparaison entre pays européens, montre que le taux d’artificialisation en France est supérieur à celui de ses voisins : en 2012, 5,5 % du territoire français était artificialisé contre 4 % en moyenne pour les autres pays.
  2. Le rythme de l’artificialisation est particulièrement élevé. Si la population a augmenté de 19 % depuis 1981, la part de terres artificialisées a augmenté de 70 % sur la même période.
  3. Enfin, rapporté au nombre d’habitants, le taux d’artificialisation en France est de loin le plus élevé en Europe avec 47km² pour 100 000 habitants.

Face à ces constats, l’objectif de zéro artificialisation nette des sols apparaît progressivement dans le débat public. En 2018, le Plan Biodiversité mentionne cet objectif, sans donner d’échéance[25]. En 2020, la Convention citoyenne pour le Climat (CCC) propose de fixer un objectif de division par deux de la consommation d’espace pour 2030. En août 2021, la loi dite Climat et Résilience reprend ces deux objectifs : (1) l’objectif de zéro artificialisation nette des sols doit être atteint pour 2050 : à compter de cette date, toute nouvelle artificialisation doit nécessairement faire l’objet d’une opération de compensation. (2) Dans les dix années suivants la promulgation de la loi, le rythme de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) doit être divisé par deux par rapport au rythme des dix années précédentes[26]. Ces objectifs sont appliqués de manière différenciée entre les territoires, selon leur spécificité et avec l’appui des documents d’urbanisme existants. Cependant, aucune différenciation n’est faite selon la nature de l’artificialisation. Que ce soit pour de l’habitat, un parc d’attraction, une infrastructure de transport ou un bâtiment logistique. Le secteur de la logistique va être, au même titre que les autres, impacté par cette nouvelle mesure.

6.2. Une incitation à la densification et une contrainte pour le périurbain

En avril 2022, deux décrets d’application ont été publiés au Journal Officiel :

  • Le premier concerne les objectifs et règles générales à mettre en œuvre dans le SRADDET[27] : il précise les modalités à prendre en compte pour décliner les objectifs de consommation foncière entre territoire et clarifie les modalités de décompte des projets d’envergure nationale ou régionale (l’identification d’un projet d’envergure supra-locale a une conséquence très pratique pour un territoire : les surfaces concernées ne sont pas comptabilisées dans le compte territorial…).
  • Le second est relatif à la nomenclature[28] et permet de préciser quelles surfaces sont considérées artificialisées ou non artificialisées. Sur ce point, le décret précise que les « surfaces à usage résidentiel, de production secondaire ou tertiaire, ou d’infrastructures notamment de transport ou de logistique, dont les sols sont couverts par une végétation herbacée, y compris si ces surfaces sont en chantier ou sont en état d’abandon » sont considérées comme artificialisées.  Ce décret pousse à la densification en considérant les zones herbacées des surfaces comme « déjà artificialisées ». Cela permet aux collectivités d’avoir une réserve de foncier indéniable (notamment dans le périurbain), leur permettant de construire sur des terrains sans empiéter sur leur quota de droit à construire.

Un troisième décret sur les rapports triennaux que les collectivités devront rédiger est toujours en attente. Une circulaire transmise en aout 2022 par Christophe Bécu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, demandait aux préfets de ne pas « anticiper le résultat du dialogue entre les collectivités » pour l’application de l’objectif ZAN. En d’autres termes, temporiser. Cela sans pour autant remettre en question les objectifs 2031 et 2050.
Les décrets le confirment : l’objectif ZAN vise en premier lieu à s’attaquer à l’étalement urbain. Il aura donc peu de conséquences notables dans les centres-villes, où il y a peu de foncier disponible. Cependant, cette mesure renforce l’intérêt de certains programmes visant à revitaliser les centres des petites et moyennes villes (Petites Ville de Demain, Action Cœur de Ville). Les impacts de l’objectif ZAN se feront surtout ressentir dans le périurbain. En limitant fortement la consommation d’espaces naturels, agricoles ou forestiers (ENAF), le ZAN incite très fortement à densifier le périurbain où il reste des réserves de foncier disponible, notamment dans les jardins individuels. A titre d’exemple, si les maisons individuelles occupent 24 % du territoire de la Métropole du Grand Paris, elles ne représentent que 12 % des logements.
Autre évolution majeure à venir : une utilisation accrue des friches. S’il n’existe pas encore de recensement à échelle nationale, on estime qu’elle recouvre environ 100 000 hectares du territoire.

  • Qu’en est-il de l’immobilier logistique ? 

En décembre 2015, la France comptait 4 432 entrepôts ou plateformes logistiques (EPL) de plus de 5 000 m², permettant une offre d’entreposage de 78 millions de m².
Tableau 1 : répartition des EPL de plus de 5000 m2 selon la surface en 2015

Surface de l’EPL

Nombre d’EPL

Surface en millions de m2
Entre 5000 m2 et 10000 m2

2020

14
Entre 10000 m2 et 20000 m2

1249

17
Entre 20000 m2 et 30000 m2

535

13
Supérieure à 30000 m2

628

34
Ensemble des EPL

4432

78

Source : La Fabrique de la Cité, 2022, données de l’enquête nationale entrepôts 2015.
Ces chiffres sont importants, mais ils représentent une part plutôt faible de l’artificialisation en France. Selon les données issues de Teruti-Lucas, l’immobilier logistique représente 0,78 % des surfaces artificialisées en France et 0,98 % de la superficie bâtie. Ces chiffres risquent de continuer à croître : selon Diana Diziain, si ces dix dernières années, 16 millions de m² d’entreposage ont été construits, les besoins des 10 années à venir seraient à peu près équivalents.
Les régions Ile-de-France, Haut de France, Rhône-Alpes et Grand Est comptabilisent plus de la moitié des surfaces logistiques. La très grande majorité (81 %) de ces plateformes logistiques se trouvent dans des « aires logistiques élargies »[29]. Ces aires sont principalement situées proches de grandes villes (notamment Lille, Paris, Lyon et Marseille, constituant la « dorsale » de l’immobilier logistique selon un terme courant chez les investisseurs de ce marché), à proximité des principaux axes de communication et des frontières.
Spatialement, cet immobilier logistique se trouve très rarement en centre-ville pour se concentrer dans des zones précises, dans le périurbains, comme nous le montrent les exemples de Paris et Lyon.
 
Carte 1 : L’immobilier logistique dans la Métropole du Grand Paris
Source : Base de données de l’Ifsttar, 2016, mise à jour par l’APUR en avril 2022.
Carte 2 : L’emplacement des entrepôts logistiques dans l’agglomération lyonnaise
Source : Région Auvergne Rhône-Alpes
Au sein de l’agglomération parisienne, l’immobilier logistique se concentre particulièrement au nord (entre Gennevilliers et Tremblay-en-France) et au sud-est, proche du marché de Rungis ainsi que des communes du Grand Paris Sud. Dans l’agglomération lyonnaise, on retrouve le même schéma : les grandes majorités des entrepôts se trouvent dans la zone périurbaine, dans la banlieue est (à Saint-Quentin-Fallavier ou Saint Priest), proche de l’autoroute A43 desservant la Suisse et l’Italie.
Ainsi, la très grande majorité des entrepôts se trouvent dans des aires logistiques situées en périphérie des grandes villes et proches des axes de communication.

6.3. Quels impacts sur la logistique et plus précisément sur l’immobilier logistique ?

  • Avant la loi Climat, une Charte pour l’Immobilier logistique durable

L’immobilier logistique ne représente pas une part très importante dans l’artificialisation du territoire national (moins de 1% comme nous venons de le voir). Cependant, les objectifs de réduction de la consommation foncière s’appliquent à toutes formes d’artificialisation quelle que soit leur nature (pas seulement l’habitat ou les infrastructures de transport). L’immobilier logistique est donc concerné, au même titre que tous les autres secteurs, par cette réglementation.
Malgré la faible proportion de la logistique et de ses entrepôts dans l’artificialisation des sols, la filière s’est récemment prononcée sur la nécessité de modifier ses pratiques. Ainsi, la Charte de l’Immobilier logistique a vu le jour en juillet 2021, signée par l’Etat et les membres de l’association AFILOG, acteurs de l’immobilier logistique, avec pour objectif une meilleure performance environnementale et économique de l’immobilier logistique français[30]. Ce document recense plusieurs engagements partagés entre le Ministère de la transition écologique et les membres de l’association AFILOG, afin de développer des entrepôts compatibles avec les objectifs climatiques et adéquats aux besoins des territoires où ils sont implantés.
Ainsi, les objectifs retenus par les signataires les engagent par exemple pour construire des bâtiments à neutralité carbone et à haute qualité environnementale à compter du 1er janvier 2022. En ce qui concerne l’artificialisation des sols, les signataires de la charte s’engagent à construire de nouveaux entrepôts sur les terrains en friche, lorsqu’ils proposent des “caractéristiques équivalentes” au terrain initialement prévu. Autre exemple, les signataires s’engagent à collaborer du “mieux possible” en contribuant aux concertations menées pour établir les documents d’aménagement artisanal, commercial et logistique (DAACL) des SCOT. D’autres engagements concernent par exemple la protection de la biodiversité, la maîtrise du ruissellement des eaux usagées ou non, etc.
Pourtant, si la charte illustre un nombre important d’enjeux concernant l’artificialisation des sols et l’emprise spatiale de la logistique, elle n’est en rien un document juridiquement contraignant. D’où son impact forcément limité et plusieurs approximations contenues dans le document. Par exemple, un constructeur d’entrepôt logistique s’engage à construire dans un terrain en friche uniquement si celui-ci présente des caractéristiques convaincantes, mais peu élaborées : “calendrier de disponibilité, desserte, caractéristiques urbanistiques de la parcelle, etc.”
Ainsi ce document montre une progressive adaptation du secteur de l’immobilier logistique pour réduire l’empreinte spatiale des entrepôts. Dans le périurbain, de nombreux entrepôts se construisent désormais davantage en hauteur, à l’instar des bâtiments Amazon aux Etats-Unis. Reste qu’en France, ce document n’a pas de valeur contraignante et son impact semble encore très limité, comme sa portée juridique.

  • Une fois l’objectif ZAN établi et décliné par région et territoires, quelle sera la marge d’action des logisticiens ?

La loi Climat et Résilience encadre règlementairement le dimensionnement, la localisation et la construction des futurs entrepôts logistiques.
L’article 219 de la loi Climat et Résilience prévoit que le document d’orientation et d’objectifs détermine les conditions d’implantation des constructions commerciales et logistiques (pour la « logistique commerciale ») et définit des « secteurs d’implantation privilégiée ». Autrement dit, l’article prévoit que le dimensionnement et la construction des entrepôts logistiques seront définis au regard des besoins des territoires. Cet article pose donc les jalons d’une planification de l’immobilier logistique, que la collectivité locale organise via deux documents principaux, les SRADDET et les SCOT.
Contenu dans le SCOT, le Document d’Aménagement Artisanal, Commercial et Logistique – terme ajouté par la loi Climat et Résilience – oriente donc les conditions d’implantation des constructions logistiques commerciales en fonction de plusieurs critères dont leur surface, leur impact sur l’artificialisation des sols et la localisation de leur établissement (utilisation prioritaire d’espaces vacants ou non).
De son côté, la filière logistique reconnaît une urgence de ne pas encourager l’artificialisation des sols, mais regrette la complexité juridique qui lui est imposée, couplée à une déconnexion des besoins réels du marché.
Selon une étude de Cushman & Wakefield, groupe spécialisé dans l’immobilier d’entreprise, l’immobilier logistique est particulièrement dépendant des espaces périurbains pour des raisons de performance. Si l’immobilier logistique existe aussi en centre-ville, peut-être plus propice à l’innovation architecturale en raison des fortes contraintes de consommation d’espace, la logistique nécessite généralement des bâtiments de grande taille mais à proximité des destinations les plus valorisées, soit les zones résidentielles et commerciales. Le périurbain est donc un emplacement parfait à cet égard, d’autant plus que le marché de l’immobilier est mis en concurrence en centre-ville face aux usages plus rentables (bureaux ou logements) et doit, de fait, se développer davantage en périphérie. Pourtant, si le périurbain concentre aussi des espaces en friches, hérités des phases de désindustrialisation successives, la filière regrette des complications « règlementaires, techniques, normatifs ou fiscaux » pour accélérer l’utilisation de ces parcelles[31]. Dès lors, selon l’étude, le cadre réglementaire fixé par la Loi Climat et Résilience risque d’accroitre les calendriers de développement des opérations, ou encore une polarisation des activités logistiques à proximité des activités existantes et une augmentation du prix de ce foncier, empêchant ainsi le développement d’un service sur tout le territoire national. Pour remédier à ces risques, la filière appelle à une simplification du cadre réglementaire pour favoriser la construction d’entrepôts sur des espaces déjà dédiés à la logistique. Dès lors, l’innovation architecturale doit être aussi soutenue.
La notion d’artificialisation contenue dans la loi Climat et Résilience est assez large : les sols stabilisés ou recouverts de matériaux minéraux sont qualifiés d’artificialisés, bien qu’ils ne soient que partiellement imperméabilisés. De même, les espaces végétalisés qualifiés comme des friches peuvent être artificialisés. Des réserves foncières sont donc disponibles pour l’immobilier logistique, même si l’objectif ZAN est une contrainte sans précédent pour la construction de nouveaux entrepôts. L’enjeu est tout autant de rationnaliser l’usage des friches disponibles en bordure de ville que d’activer à nouveaux des espaces commerciaux en centre-ville dont l’activité est en déprise.
Quel est le prétendu traitement de faveur de la loi climat pour les volumes et espaces limites des entrepôts logistiques ?
Pour certains critiques, la loi Climat et résilience a été particulièrement clémente à l’égard des entrepôts de e-commerce. La Convention citoyenne pour le climat (CCC) proposait d’interdire la création de nouvelles zones commerciales ou artisanales provoquant une artificialisation des sols. Ce moratoire, reprise à l’article 215 de la loi, a finalement exclu les entrepôts de e-commerce. Le Sénat avait déposé un amendement pour les y soumettre, dénonçant une iniquité entre commerce classique et e-commerce, refusé par l’Assemblée nationale dès la première lecture. Selon Emmanuelle Wargon, ancienne ministre chargée du logement, « la localisation des entrepôts n’empêchera pas les gens de se faire livrer : s’il n’y avait plus d’entrepôts en France, l’e-commerce continuerait de fonctionner avec des entrepôts situés en périphérie, en Belgique ou en Allemagne ».
Cependant, si la loi inclut, effectivement, une certaine flexibilité sur les zones commerciales et le e-commerce, elle impose également un objectif ambitieux de division par deux du rythme de l’artificialisation en 10 ans. Cet objectif va obliger des pans entiers d’activités à la sobriété foncière, que ce soit le secteur de l’habitat, l’industrie, le commerce ou la logistique. Il restera à évaluer si, dans la mise en pratique, cet objectif quantitatif suffit, ou si une régulation plus forte, par secteur, est nécessaire.

Le point de vue de Diana Diziain

Invitée par La Fabrique de la Cité dans le cadre d’un groupe de travail sur l’objectif ZAN, la directrice déléguée d’AFILOG était venue exposer son point de vue sur cette nouvelle réglementation.

Selon elle, malgré les polémiques autour des entrepôts, mal aimé du public et des défenseurs de l’écologie, l’artificialisation du sol due aux entrepôts logistiques et du e-commerce relève de –1% (2019) de la part de la surface artificialisée des sols. Ainsi, « si on enlève les entrepôts on n’économisera pas plus de 1%. Les entrepôts ne sont pas là pour faire joli mais pour optimiser les flux de camions. Si on supprime les entrepôts, il faudra plus de temps pour acheminer les marchandises venant de plus loin, plus de camions, plus de km, plus de CO2. » En réalité, l’entrepôt ne crée pas les flux, il les optimise. Autrement, Diana Dizian regrette que l’arbitrage foncier lors de l’utilisation de friches ne soit que rarement fait en faveur de la logistique mais en faveur de fonctions plus valorisantes sur un plan monétaire ou d’image. Selon elle, la planification écologique supposerait qu’un territoire puisse disposer d’une logistique de proximité pour une meilleure performance, ce qui supposerait plusieurs logistiques, pour soutenir son développement économique. Elle expose alors l’idée d’un dispositif à l’image du logement social, où l’immobilier logistique est assimilé au « social de l’entreprise » dans le sens où les niveaux de loyers admissibles sont faibles et n’évoluent que peu, de la même manière que les charges foncières ne pourront jamais concurrencer les autres classes d’actifs. Dès lors, la planification avec des implantations logistiques acceptées par tous éviterait aussi aux porteurs de projet de travailler en vain sur des sites auxquels ils n’accèderont jamais.  

  • L’enjeu de la vacance commerciale en centre-ville

Le point de vue de Diana Diziain
Invitée par La Fabrique de la Cité dans le cadre d’un groupe de travail sur l’objectif ZAN, la directrice déléguée d’AFILOG était venue exposer son point de vue sur cette nouvelle réglementation.
Selon elle, malgré les polémiques autour des entrepôts, mal aimé du public et des défenseurs de l’écologie, l’artificialisation du sol due aux entrepôts logistiques et du e-commerce relève de –1% (2019) de la part de la surface artificialisée des sols. Ainsi, « si on enlève les entrepôts on n’économisera pas plus de 1%. Les entrepôts ne sont pas là pour faire joli mais pour optimiser les flux de camions. Si on supprime les entrepôts, il faudra plus de temps pour acheminer les marchandises venant de plus loin, plus de camions, plus de km, plus de CO2. » En réalité, l’entrepôt ne crée pas les flux, il les optimise. Autrement, Diana Dizian regrette que l’arbitrage foncier lors de l’utilisation de friches ne soit que rarement fait en faveur de la logistique mais en faveur de fonctions plus valorisantes sur un plan monétaire ou d’image. Selon elle, la planification écologique supposerait qu’un territoire puisse disposer d’une logistique de proximité pour une meilleure performance, ce qui supposerait plusieurs logistiques, pour soutenir son développement économique. Elle expose alors l’idée d’un dispositif à l’image du logement social, où l’immobilier logistique est assimilé au « social de l’entreprise » dans le sens où les niveaux de loyers admissibles sont faibles et n’évoluent que peu, de la même manière que les charges foncières ne pourront jamais concurrencer les autres classes d’actifs. Dès lors, la planification avec des implantations logistiques acceptées par tous éviterait aussi aux porteurs de projet de travailler en vain sur des sites auxquels ils n’accèderont jamais.  
Ce sujet révèle en creux l’important thème de la vacance commerciale, au cœur des échanges entre le centre-ville et la périphérie. Pascal Madry, Directeur de l’Institut pour la Ville et le Commerce, rappelle que les surfaces commerciales sont, d’une façon globale, trop nombreuses en France par rapport aux besoins des territoires. La baisse des rendements des surfaces de vente se constate dans la plupart des secteurs d’activités, et certaines chaines ferment des surfaces si bien que, depuis les années 2010, la vacance commerciale se développe aussi bien en centre-ville qu’en zone commerciale périurbaine. La vacance commerciale repose sur trois tendances générales : la suroffre de surfaces commerciales, la digitalisation de nombreux métiers et la perte d’utilité des points de vente physique et, enfin, la croissance du e-commerce et l’avènement de nouveaux modes de consommation. Ces tendances peuvent conduire aujourd’hui à la diminution des surfaces commerciales pour épouser les tendances actuelles : ainsi, Alexandre Bompard, Pdg de Carrefour, annonçait un concept de supermarché de taille réduite et une réduction de 100 000 m2 sur tout le territoire[32]. En réponse à la conjecture imposée par la crise du Covid-19, Alexandre Bompard annonçait aussi vouloir développer des points de vente personnalisés à la zone de chalandise, et renforcer l’investissement dans la structure logistique, aujourd’hui comparable, selon lui, à Amazon ou Walmart[33].
Pourtant, malgré cette surcapacité, de nouveaux entrepôts et commerces voient le jour chaque année. En réalité, en France, 80% des points de vente sont des boutiques en rez-de-chaussée mais cela ne représente que 20% des dépenses. L’essentiel du commerce se fait dans les grandes moyennes surfaces et entrepôts en périphérie des villes. Autrement, une plateforme Amazon de 100 000 m2 réalise autant de ventes que 500 moyennes surfaces, et 5 000 boutiques.
Face aux objectifs de zéro artificialisation nette, et la conséquente difficulté de construire de nouveaux entrepôts, la vacance commerciale de centre-ville peut offrir de nouvelles opportunités. En effet, renouveler les espaces commerciaux vacants en centre-ville ou en périphérie peut répondre à l’impératif pour une nouvelle construction de se situer sur des zones déjà artificialisées. De plus, la demande d’entrepôts urbains, de petite taille (100m2 à 5 000m2) augmente rapidement, et fait déjà réagir de nombreuses collectivités qui questionnent la règlementation de ces usages logistiques en cœur de ville (droit des travailleurs, nuisances sonores, pollution ou hausse du trafic, modification des usages commerciaux, esthétique des façades).
Plusieurs obstacles existent encore pour opérer cette inversion des tendances. Il convient avant tout de s’assurer que les locaux commerciaux vacants puissent convenir aux besoins logistiques (taille, accès, connexion aux infrastructures) et, en centre-ville, s’assurer que les espaces sont propres à la logistique du dernier kilomètre. De plus, le changement d’usage (du commercial à l’entrepôt logistique) ne se fait pas facilement à cause des différences de loyer, des règlementations d’urbanisme (destinations), des potentielles nuisances que cela engendre, ou du coût de transformation.

Les dark stores

Les entrepôts urbains, ou dark stores, exploités par les plateformes de livraison ultra rapide des produits alimentaires suscitent des polémiques importantes et multiformes dans des villes comme Paris, Lyon, Amsterdam, New York ou Barcelone[34]. Ces équipements sont mal vécus par les riverains en raison des nuisances qu’ils génèrent (allers et venues et stationnement de deux-roues). Les municipalités voient ces implantations, souvent illégales (absence de déclaration d’entrepôt, façades obscurcies) comme des menaces au commerce de proximité et à la vie urbaine. Mais ces dark stores sont et devraient demeurer peu nombreux (une centaine à Paris) et le compromis trouvé entre le gouvernement et les représentants des collectivités territoriales en septembre 2022 (projet d’arrêté selon lequel les dark stores seront considérés comme des entrepôts, même s’ils offrent un service de points de collecte). On peut cependant trouver paradoxal de la part de certains élus locaux de vouloir classer les dark stores comme des entrepôts et non des commerces tout en souhaitant, pour les zones périurbaines, que les entrepôts du e-commerce soient considérés comme des grandes surfaces commerciales afin qu’ils puissent être soumis aux autorisations d’exploitation commerciale. Le tribunal administratif de Paris dans un jugement en référé du 5 octobre 2022 a d’ailleurs estimé que ces dark stores étaient des « espaces de logistique urbaine » (sans entreposage de longue durée) plutôt que des entrepôts au sens du code de l’urbanisme. Au-delà de ces querelles juridiques peut-être un peu vaines, nous proposons que les actions des villes se concentrent surtout sur les nuisances de bruit, congestion et pollution des véhicules de livraison autour des dark stores (ce qui relève d’arrêtés municipaux et non du droit de l’urbanisme) et sur les problématiques de sécurité routière et d’accidentologie des livreurs.

  • L’impact environnemental des entrepôts et plateformes logistiques

Les dark stores
Les entrepôts urbains, ou dark stores, exploités par les plateformes de livraison ultra rapide des produits alimentaires suscitent des polémiques importantes et multiformes dans des villes comme Paris, Lyon, Amsterdam, New York ou Barcelone[34]. Ces équipements sont mal vécus par les riverains en raison des nuisances qu’ils génèrent (allers et venues et stationnement de deux-roues). Les municipalités voient ces implantations, souvent illégales (absence de déclaration d’entrepôt, façades obscurcies) comme des menaces au commerce de proximité et à la vie urbaine. Mais ces dark stores sont et devraient demeurer peu nombreux (une centaine à Paris) et le compromis trouvé entre le gouvernement et les représentants des collectivités territoriales en septembre 2022 (projet d’arrêté selon lequel les dark stores seront considérés comme des entrepôts, même s’ils offrent un service de points de collecte). On peut cependant trouver paradoxal de la part de certains élus locaux de vouloir classer les dark stores comme des entrepôts et non des commerces tout en souhaitant, pour les zones périurbaines, que les entrepôts du e-commerce soient considérés comme des grandes surfaces commerciales afin qu’ils puissent être soumis aux autorisations d’exploitation commerciale. Le tribunal administratif de Paris dans un jugement en référé du 5 octobre 2022 a d’ailleurs estimé que ces dark stores étaient des « espaces de logistique urbaine » (sans entreposage de longue durée) plutôt que des entrepôts au sens du code de l’urbanisme. Au-delà de ces querelles juridiques peut-être un peu vaines, nous proposons que les actions des villes se concentrent surtout sur les nuisances de bruit, congestion et pollution des véhicules de livraison autour des dark stores (ce qui relève d’arrêtés municipaux et non du droit de l’urbanisme) et sur les problématiques de sécurité routière et d’accidentologie des livreurs.
Pour être alignés avec leurs engagements environnementaux, les acteurs de la logistique doivent drastiquement réduire les émissions carbones liés au fonctionnement de leur entrepôts, et limiter l’impact de leurs infrastructures sur les habitats naturels et la biodiversité. L’enjeu est de contenir les émissions du site logistique, et celles de son activité (flux de véhicules, salariés, livraisons).
Certaines infrastructures logistiques bénéficient déjà d’une certification Haute Qualité Environnementale (HQE), BREEAM (Building Research Establishment Environmental Assessment Method), un standard britannique de certification relatif à l’évaluation environnementale des bâtiments ou encore LEED (Leadership in Energy and Environmental Design). D’autres limitent leur empreinte écologique en utilisant des matériaux biosourcés, améliorent leur efficacité énergétique ou encore fonctionnent avec des énergies alternatives (installation d’une centrale photovoltaïque en toiture, développement des ENR sur place (éolienne, solaire, géothermie, Biomasse) ou encore installation d’un réseau de chaleur…). De tels dispositifs peuvent également être mis en place pour optimiser les sites déjà existants. Fnac Darty a par exemple signé en 2021 un accord avec le producteur de parc éolien Valeco et 14% de l’électricité du groupe est aujourd’hui d’origine renouvelable. 
Réduire l’ensemble des externalités négatives sur les zones d’implantation est en enjeu majeur car elles restent fortes, notamment les atteintes à la conservation et au développement de la biodiversité. Des efforts devront encore être faits dans ce sens. Des compensations agricoles et des aménagements spécifiques tels que la création de corridors écologiques pour la faune et la flore environnantes ou la réintroduction d’espèces sont parfois réalisés. Ainsi, Monoprix et Prologis ont inauguré en octobre 2021 la première plateforme logistique neutre en carbone au monde. Si cette neutralité divise encore les experts, reste que le bâtiment et ses mesures de compensation associées font figure d’exemple.
Enfin, l’accès en transport public ou en navettes des employés des entrepôts et parcs logistiques doit être favorisé. Si l’offre de transport public n’est pas suffisante pour accéder à la zone logistique notamment aux heures nocturnes, un plan de mobilité effectif doit être imposé, comprenant la mise en place de navettes d’entreprise de et vers les principales gares de train ou RER pour garantir ainsi l’accès du personnel non motorisé, notamment aux heures nocturnes.
L’équipement sur place de bornes de recharges, emplacement de covoiturages est nécessaire. Les zones d’implantation d’activité logistiques ne devront pas être oubliées des prochaines infrastructures de la mobilité durable.

6.4. Planifier les activités logistiques, à plusieurs niveaux territoriaux

« Planifier » la logistique n’est pas un concept intuitif pour un aménageur public, tant les activités logistiques et la gestion de leur immobilier apparaissent intrinsèquement privées ou loin des préoccupations du développement économique. Entendu récemment de la part d’un cadre d’une grande région française : « même la direction du développement économique chez nous ne pense pas à la logistique comme à une activité qui serait utile à nos politiques de réindustrialisation ». Et pourtant, cette planification peut permettre d’accompagner une politique industrielle, de rationaliser les implantations logistiques pour réduire leur consommation foncière et leur besoin en énergie, de massifier les flux de marchandises qui entrent et sortent des entrepôts[35] (et donc potentiellement de favoriser le report sur des modes autres que la route).
Cette planification peut s’envisager, à plusieurs niveaux territoriaux.

  • Au niveau local, le plan local d’urbanisme permet à une commune d’accepter ou pas des entrepôts. C’est une arme à double tranchant, certaines communes refusent ainsi toute implantation (c’est le cas de la moitié des communes franciliennes par exemple), rejetant les fonctions sur les « territoires servants » les entourant et augmentant les distances à parcourir pour les véhicules de transport des colis (le territoire du Grand Paris Seine Ouest, qui intègre notamment les villes d’Issy les Moulineaux et de Boulogne en région parisienne, n’a ainsi aucun entrepôt de traitement des colis sur son territoire, ces derniers étant tous localisés dans les établissements intercommunaux voisins). La polémique de l’été 2022 sur les dark stores touchait aussi à cette volonté des communes de pouvoir décider de la caractérisation des implantations logistiques et de leur pertinence locale[36]. Le PLU décide aussi de la forme des entrepôts à travers les règles de l’urbanisme réglementaire et peut les obliger notamment à une plus grande efficacité énergétique. Le PLU intercommunal est désormais en voie d’être généralisé[37], ce qui peut faciliter une meilleure organisation spatiale des installations logistiques dans une agglomération en évitant les décisions strictement communales sur l’implantation des entrepôts, contrecarrant les phénomènes de mitage et ‘d’étalement logistique’ : par exemple, en Seine et Marne, un département très logistique, 21 PLUi vont en théorie remplacer 507 territoires décisionnels communaux. Les établissements intercommunaux sont par ailleurs désormais en charge des zones d’activité économique (ZAE), dans lesquelles se trouvent de nombreuses implantations logistiques.
  • Au niveau des super-regroupements d’aménagement intercommunal que sont les Schémas de Cohérence Territoriale (SCoT) (pour reprendre l’exemple de la Seine-et-Marne ci-dessus, on en compte environ 12 pour 21 établissements intercommunaux), on a vu que le nouveau document d’aménagement artisanal, commercial et logistique (DAACL) ajoute aux conditions d’implantation des commerces celles de la logistique commerciale et donc des entrepôts du e-commerce (article L141–6 du code de l’urbanisme).
  • Au niveau régional, l’article L4251–1 du code général des collectivités territoriales confie à la Région l’élaboration d’un schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET), qui regroupe des schémas préexistants tels que le schéma régional climat air énergie ou le schéma régional de l’intermodalité. Depuis 2022, les SRADDET ont la responsabilité de fixer les objectifs de moyen et long termes « en matière de développement et de localisation des constructions logistiques », en tenant compte « des flux de marchandises, notamment à destination des centres-villes, de la localisation des principaux axes routiers, du développement du commerce de proximité et du commerce en ligne, de l’insertion paysagère de ces constructions et de l’utilisation économe des sols naturels, agricoles et forestiers ».

Ces évolutions ont plutôt complexifié un paysage de l’aménagement et de la planification français déjà extraordinairement byzantin. Mais elles vont dans le sens d’une action publique potentiellement plus volontariste pour traiter de la logistique et de sa planification. Disons qu’aujourd’hui si une ville, une agglomération ou une Région veulent agir sur la logistique, elles disposent d’une grande palette d’outils pour le faire. Mais encore faut-il 1. Qu’elles s’en emparent, 2. Qu’elles trouvent les données et informations suffisantes pour faire un diagnostic et des scénarios d’évolution, ce qui n’est pas encore le cas (voir le chapitre XX), et 3. Qu’elles parviennent à se coordonner et à articuler les échelles territoriales. La question de la ZAN, qui oblige à l’horizon 2024–2025 à territorialiser des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols au niveau de chacune des régions, va obliger d’une certaine façon à assurer cette coordination.
Au niveau national, en revanche, les articulations restent fragiles : des schémas modaux s’élaborent (fret ferroviaire, transport fluvial, stratégie portuaire…) mais leur coordination et leur intégration dans l’espace français et européen de la mobilité des marchandises restent très insuffisantes.
Les entrepôts logistiques en ville peuvent représenter une avancée. Ce sont des outils d’optimisation de la logistique, réduisant les émissions de CO2 et la consommation de foncier. Mais il faut transformer leur architecture et leur mode d’exploitation pour limiter leurs nuisances. 
Les entrepôts logistiques sont aujourd’hui soumis à la réglementation ICPE (Installations classées protection de l’environnement) qui impose des règles de distance particulièrement strictes afin de prévenir les risques (incendies, fuites, etc.) et les nuisances (pollution, bruit, etc.). La distance d’un bâtiment classé ICPE vis-à-vis des autres est corrélée à sa hauteur[38] et impose une distance minimum avec les bâtiments voisins. L’idée ici n’est pas de remettre en cause cette réglementation, absolument nécessaire pour garantir la sécurité des populations proches de ces installations. Cependant, cette réglementation peut amener à une surconsommation du foncier. Aussi, on pourrait imaginer, pour certaines activités, de décorréler la règle de distance à la hauteur du bâtiment afin d’inciter à la construction en hauteur. Cela pourrait s’appliquer pour les entrepôts stockant des produits non dangereux. Évidemment, il est nécessaire de développer en parallèle un contrôle administratif strict de l’activité du bâtiment.

  • Encourager la mixité des usages

Une flexibilité de la réglementation pourrait également se développer pour encourager la mixité des usages, notamment pour les entrepôts situés en zone urbaine. Un même bâtiment pourrait par exemple accueillir à la fois des surfaces logistiques et des surfaces d’activité tertiaire. Le rapport de Terra Nova sur la logistique de 2017[39] soulignait déjà l’avancée que représente le décret du 17 avril 2017[40] qui ouvre la voie à l’articulation des réglementations ICPE et ERP (établissement recevant du public), pour permettre le retrait et le dépôt de marchandises dans les entrepôts.
Si par principe de précaution il est difficile de faire évoluer la règle générale, on pourrait encourager plus amplement le développement d’une mixité programmatique, notamment pour les bâtiments situés dans les centres. Pour cela, il est nécessaire d’encourager des initiatives comme celle des Appels à projets innovants afin d’encourager à l’innovation architecturale et de permettre aux bâtiments d’accueillir ces usages différents.

  • Encourager la construction modulaire et la réversibilité du bâti logistique

Face aux besoins grandissants de l’industrie et pour éviter la création de locaux vacants en cas de changement des usages, il est nécessaire d’encourager, quand cela est possible, la construction modulaire des entrepôts logistiques. Le développement de cette filière parait important pour trois raisons : (1) Encourager l’économie circulaire et la réutilisation des matériaux, (2) laisser rapidement une parcelle de terrain disponible pour un autre usage à la fin de l’activité logistique, (3) adapter dans le temps la taille de l’entrepôt en fonction de son activité.

  • Faire en sorte que le cahier des charges prévoie, en cas de fin de l’activité logistique, la possibilité de démonter le bâtiment ou la réversibilité du bâti, soit sa transformation simple en bureaux ou en habitats.
  • Étendre le fonds friche et cartographier les espaces en friche.

Dans le cadre du plan de relance, le gouvernement déploie un fonds de 750M€ sur 2021–2022 afin de financer les opérations de recyclage des friches et de foncier artificialisé. Une friche, dans cette opération, est considérée comme un terrain nu, artificialisé qui a perdu son usage ou son affectation, ou un ilot d’activité mixte ou de logement, qui a perdu son activité. Actif depuis 2020, le fonds friche s’ouvre pour une troisième édition cette année. A ce jour, ce dispositif est un succès. La deuxième opération a retenu 503 projets, 280M€ et 1 100 hectares[41]. On estime qu’il y a au moins 7 200 sites en friche en France, mais le décompte est complexe et encore inachevé[42], et l’estimation en hectare oscille entre 90 00 et 150 000 hectares d’espaces en friche. Les lauréats du fonds friche représentent donc entre 1 et 3% du total estimé.
En septembre 2021, Emmanuel Macron annonçait la pérennisation de ce fonds. En effet, les sommes prévues ont été allouées très rapidement et principalement aux collectivités, ce qui révèle un besoin local important. C’est, de plus, un outil parfaitement cohérent avec l’objectif de la zéro artificialisation nette. Enfin, la grande majorité des appels à projets financés par ce fonds, et orchestrés par les préfets de région, s’exécute rapidement, ce qui n’était pas toujours le cas des projets portés par l’ADEME auparavant.
Cependant, plusieurs obstacles subsistent encore pour que les acteurs de l’immobilier logistique s’en saisissent. Il existe un risque que les arbitrages fonciers et l’allocation des crédits de ce fonds friche ne choisissent en priorité que les projets à plus forte valeur ajoutée que l’immobilier logistique.
Nous proposons donc un élargissement du fonds friche à davantage de terrains. De même, la fiscalité de reprise de friches doit s’aligner avec cette ambition, en exonérant par exemple les opérateurs de la taxe foncière pendant les premières années d’opération du site, afin de compenser d’éventuels coûts élevés pour sa remise en l’état.
En ce sens, il est indispensable que les SRADDET et SCOT opèrent une classification des friches et fonciers disponibles selon leurs qualités d’usage afin d’identifier les terrains prioritairement destinés aux activités logistiques : bord de quai, proximité des axes de transport, proximité d’aéroport, etc. De même, il est recommandable que ces documents de planification intègrent les espaces commerciaux développés dans les espaces périurbains parfois de façon anarchique, sans plan d’ensemble et selon les rythmes d’arrivée des enseignes. Au total, ce seraient près de 6 millions de mètres carrés à rénover ou densifier, selon Gontran Thüring, délégué général du Conseil National des Centres Commerciaux[43].
Ainsi, le document d’aménagement artisanal, commercial et logistique (DAACL) contenu dans un SCOT pourrait proposer une cartographie des espaces commerciaux périphérique vacants, en déprise ou à réaménager malgré leur bonne activité économique. Désormais identifiés, ces espaces pourraient être intégrés au fonds friche et ainsi, du fait de leur bonne intégration au tissu urbain général, favoriser l’implantation efficace des activités logistiques. Cette proposition est de plus cohérente avec la tendance générale de l’implantation commerciale, orientée davantage vers l’extension, la rénovation et la restructuration de sites existants plutôt que la construction nouvelle.

  • Réhabiliter les parkings souterrains 

Situés en centre-ville ou, plus rarement, à proximité des zones commerciales en périphérie de ville, les parkings souterrains sont des cibles idéales pour développer la logistique sans artificialiser les sols. Premièrement, le cycle d’utilisation des parkings (majorité de véhicule stationnés de nuit, départ le matin) permet une rotation des usages du parking souterrain, au moins de certains espaces. Il ne s’agit pas de remplacer l’ensemble des espaces de stationnement en espaces logistique mais rationnaliser les espaces peu utilisés : charger des véhicules utilitaires électriques, créer une zone de rupture de charge logistique d’un véhicule à l’autre (de l’utilitaire au deux-roues, ou au vélo-cargo), etc. De plus, la localisation des parkings propose un maillage dense, sur lequel la livraison du dernier kilomètre ou la livraison express peuvent reposer.
Lors d’une baisse drastique de fréquentation de parking souterrain, la réhabilitation complète du bâtiment s’envisage. Pour cela, les sites dont la hauteur et la structure permettent d’établir de systèmes automatisés sont des cibles prioritaires. Les normes de sécurité et le droit du travail en matière de travail en souterrain plaident pour une automatisation des tâches effectuées. L’ensemble de normes peuvent complexifier la réhabilitation d’un espace souterrain en zone logistique, d’autant plus que, pour le moment, la rentabilité d’un parking est encore supérieure aux loyers et aux coûts que sont prêts à supporter les opérateurs logistiques (de moins en moins dans les quartiers de centre-ville, selon Cushman&Wakefield[44]).
Reste que ce marché se développe progressivement, comme en atteste plusieurs exemples de transformation, à l’instar du centre logistique installé à Paris, Porte de Saint-Cloud, dans un parking souterrain Indigo. La réhabilitation de parking souterrains se développe surtout en centre-ville, mais il est également important de considérer les espaces situés dans les zones périurbaines. Si de nombreux stationnements sont construits en hauteur et non en souterrain, ils conservent plusieurs attraits pour la réhabilitation logistique, et n’ont pas les inconvénients de l’aménagement souterrain.

  • Élever l’exigence environnementale des entrepôts
  • Obliger à la conservation et au développement de la biodiversité au sein des parcs logistiques, obliger à une beaucoup plus grande efficacité énergétique des entrepôts.
  • Imposer un plan de mobilité effectif comprenant, si l’offre de transport public n’est pas suffisante pour accéder à la zone logistique notamment aux heures nocturnes, la mise en place de navettes d’entreprise de et vers les principales gares de train ou RER. Aucun permis de construire un entrepôt ne peut être obtenu sans garantie d’accès du personnel non motorisé, notamment aux heures nocturnes. 
Sources :
Liste des auditions
  • France Beury, Directrice des Affaires Publiques et Européennes (Union des Entreprises de Transport et de Logistique de France)
  • Ronan Bolé – Président logistique France, Amazon
  • Alexis Degouy, Délégué Général (Union des Entreprises de Transport et de Logistique de France)
  • Jean-Charles Kohlhaas, VP de la Métropole de Lyon, en charge des déplacements, l’intermodalité et la logistique urbaine.
  • Pascal Madry, Directeur de l’Institut pour la Ville et le Commerce, et enseignant à l’école d’urbanisme de Paris

[1] Le commerce mondial de biens est passé de 22% à 21% du PIB mondial entre 2010 et 2020 (de 15 à 18 000 Mds de dollars selon la CNUCED : https://unctad.org/webflyer/key-statistics-and-trends-international-trade-2021, rapportés à un PIB mondial passé de 67 à 85 000 Mds de dollars, chiffres Banque Mondiale).
[2] Présentation de Renault Group le 16 mai 2022 devant l’association des Ingénieurs et Scientifiques de France (IESF).
[3] Le tribunal administratif de Paris a jugé en référé le 5 octobre 2022 que les dark stores étaient des « espaces de logistique urbaine » et donc non soumis aux mêmes règles que l’entreposage de longue durée. Le débat juridique se poursuit.
[4] Article L752–1–1 du code du commerce : une autorisation d’exploitation commerciale ne peut être délivrée pour une implantation qui engendre une artificialisation nette des sols.
[5] La région ici entendue, dans le sens anglais, comme l’espace continental, les grands blocs géographiques (l’Europe avec l’Afrique du Nord par exemple, ou l’Amérique du Nord avec l’Amérique du Sud).
[6] https://tnova.fr/economie-social/finances-macro-economie/des-marchandises-dans-la-ville/
[7] Ces élections se sont cependant soldées par une très, très faible participation (moins de 2% des livreurs auto-entrepreneurs ont voté, un taux encore plus faible que celui habituel des élections pour les TPE).
[8] https://www.smartfreightcentre.org/en/
[9] Voir la Figure 8 du récent rapport de France Stratégie sur les transports à l’horizon 2040–2060 https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/prospective_2040–2060_des_transports_et_des_mobilites_-_rapport_de_synthese_-_fevrier_2022.pdf
[10] Basés sur les normes « Euro » de pollution des véhicules neufs, les Crit’Air sont des labels permettant d’identifier les véhicules en fonction de leur niveau de pollution (ce qui revient généralement à les identifier en fonction de leur âge).
[11] Note de Terra Nova – Gouverner la transition écologique https://tnova.fr/ecologie/transition-energetique/gouverner-la-transition-ecologique/
[12] Commissariat général au développement durable (CGDD), Chiffres clés du transport, Edition 2020, mars 2020. 18% à l’échelle européenne.
[13] Buldeo Rai, H., Dablanc, L. (2022) Hunting for treasure: A systematic literature review on urban logistics and e-commerce data. Transport Reviews. DOI: 10.1080/01441647.2022.2082580
[14] Page 4 du Bilan du Plan Climat Energie de Paris 2004–2014 (https ://www.apc-paris.com/system/files/file_fields/2016/08/02/bilan20042014.pdf).
[15] La méthode employée minimisait en fait les transports par camionnettes ; or ceux-ci-comptent pour plus de 60% des livraisons effectuées en Île-de-France et leur part dans les véhicules de marchandises ainsi que leur nombre absolu se sont accrus à Paris depuis le début des années 2000 (B. Chhun, 2019, Greenhouse Gas Reporting for Freight Transportation in Paris, Master Smart Cities and Urban Policy, Ecole Polytechnique).
[16] https://trm.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/identification.
[17] https://www.logistique-seine-normandie.com/observatoire-logistique-paris-seine-normandie.html.
[18] https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/enquete-sur-lutilisation-des-vehicules-utilitaires-legers-en-2011.
[19] https://www.rolandberger.com/fr/Insights/Publications/Mobilit%C3%A9-Donner-une-nouvelle-voix-%C3%A0-l%27Ile-de-France.html
[20] https://www.data.gouv.fr/fr/datasets/indicateurs-de-trafic-journaliers-france-et-regions-en-situation-de-covid-19/ ou https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/une-application-pour-visualiser-les-donnees-du-parc-automobile-des-zones-faibles-emissions-zfe
[21] F. Adoue, 2022, https://www.lvmt.fr/wp-content/uploads/2022/09/Collecte-de-donnees-sur-la-logistique-urbaine-a-Rotterdam-Pays-Bas-rapport-dexpertise-Francois-Adoue-pour-la-chaire-Logistics-City-.pdf .
[22] Prospective 2040 – 2060 des transports et des mobilités, Commissariat général à l’écologie et au développement durable et France Stratégie, 2022.
[23] Etude sur les livreurs des plateformes de livraison instantanée à Paris et en petite couronne (https://drive.google.com/file/d/1qVlwVDfsiTV2TY-aDf5o-QPs9fHNKis1/view).
[24] https://www.lvmt.fr/wp-content/uploads/2022/03/Livreurs-a-Nantes-des-plateformes-de-livraison-instantanee.pdf
[25] https://www.ecologie.gouv.fr/plan-biodiversite : objectif 1.3
[26] Article 191 Loi Climat et Résilience
[27] Décret n°2022–762
[28] Décret n°2022–763
[29] « On définit des aires logistiques dites « élargies », comme étant un territoire composé d’au moins trois EPL de plus de 5 000 m2 et sur lequel chaque EPL est localisé à moins de six kilomètres d’un autre EPL de la même aire logistique ».
[30] La Charte est disponible ici : https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/2021.07.28charteentrepots_0.pdf
[31] Publication de Cushman & Wakefield, juin 2022, disponible ici : https://www.cushmanwakefield.com/fr-fr/france/insights/artificialisation-des-sols-marche-logistique
[32] Logicités, 2019, disponible ici : https://www.logicites.fr/2019/10/08/friches-commerciales-la-troisieme-revolution-commerciale-est-en-marche/
[33] Interview d’Alexandre Bompard, LSA-Conso, juin 2022.
[34] https://theconversation.com/flink-getir-cajoo-les-dark-stores-et-le-quick-commerce-remodelent-les-grandes-villes-182191
[35] Voir la proposition 5 du Livre Blanc 2022 de France Logistique https://www.francelogistique.fr/wp-content/uploads/2022/02/France-Logistique-TetL-pour-France-performante-08fev22.pdf
[36] https://franceurbaine.org/actualites/france-urbaine-salue-une-clarification-bienvenue-sur-limplantation-des-dark-stores
[37] À la condition que des communes ne fassent pas valoir leur droit d’opposition : si au moins 25 % des communes représentant au moins 20 % de la population se prononcent contre le transfert de la compétence d’urbanisme à leur communauté de commune ou d’agglomération, la compétence demeure communale.
[38] La circulaire du 04/02/1987 impose pour les entrepôts supérieurs à 10 mètres, que la distance séparant l’entrepôt des immeubles habités ou occupés par des tiers, établissements recevant du public ou immeubles de grande hauteur, soit égale à au moins trois fois la hauteur de l’entrepôt. Cette distance peut être réduite à une fois sa hauteur si l’entrepôt ne contient aucun produit, objet ou matériel présentant des risques d’explosion.
[39] https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01627851/document Ou plutôt https://tnova.fr/economie-social/finances-macro-economie/des-marchandises-dans-la-ville/
[40] https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000034429274/
[41] Ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires, et Ministère de la Transition Energétique, 2022.
[42] Cerema, avril 2022
[43] « Centres commerciaux, l’heure du recyclage », Le Nouvel Économiste, décembre 2021.
[44] Etude disponible ici : https://www.cushmanwakefield.com/fr-fr/france/insights/reconversion-parking-logistique-urbaine
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