Après “Gouttes d’eau sur pierres brûlantes”, François Ozon adapte pour la seconde fois une pièce du metteur en scène Fassbinder “Les Larmes amères de Petra von Kant”, avec comme personnage principal un cinéaste dont le cœur se retrouve doublement brisé. Seul Nicolas Schaller n’a pas été conquis.
Une adaptation dans laquelle François Ozon change de focale puisque dans la version théâtrale, Petra était une créatrice de mode, alors qu’ici c’est un cinéaste célèbre incarné par Denis Ménochet. Petra martyrise son assistant Karl (Stefan Crépon) et tombe fou amoureux du jeune Amir (Khalil Gharbia) que lui a présenté son amie, la diva cocaïnée Sidonie (Isabelle Adjani). Amir, qui veut être acteur, se jette dans les bras de Petra tout en gardant la liberté d’aimer qui bon lui semble, ce qui rend fou de rage et de jalousie son Pygmalion qui carbure beaucoup à la drogue et à l’alcool. Et le dominant va devenir très vite dominé. Film très théâtral qui se déroule en huis clos, dans l’appartement seventies de Denis Ménochet qui lui est énorme, dans tous les sens du terme, avec in fine, l’apparition émouvante dans le rôle de la mère d’Hanna Schygulla, qui jouait la version féminine d’Amir dans le film de Fassbinder.
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Le critique de 7e Obsession et animateur de l’émission “Une heure en série” sur France Inter admire la symbiose artistique qu’arrive à créer François Ozon lorsqu’il adapte du théâtre au cinéma, rendant toujours plus poignant ses objets cinématographiques. À tel point que c’est d’après lui “une merveille, quelle que soit la focale, quelle que soit la manière dont on regarde le film. Soit on connaît très bien Fassbinder et on peut s’amuser à retrouver toutes les influences possibles car il n’y a pas que Petra qui vient innerver cet hommage. Il y a d’autres clins d’œil, d’autres procédés. Même si on n’est pas un spécialiste de Fassbinder, il y a un travail sur cette relation Pygmalion perverse, sensuelle, drôle et manipulatrice qui est remarquablement écrite par François Ozon qui introduit du poignant et du burlesque constamment.
Tout est extrêmement intelligent, c’est vraiment une œuvre de cinéma éblouissante en termes d’incarnation”.
C’est d’après le journaliste de Télérama un très beau film, mais aussi un bel hommage à Fassbinder comme au cinéma de Robert Aldrich dont il emprunte et magnifie avec brio le style pour imposer le sien : “Robert Aldrich connu pour intégrer cette espèce de brutalité qu’ont en eux les monstres (“Baby Jane“, “Le démon des femmes“, “Faut-il tuer Sister George ?“…) La façon dont il les filme font que ses personnages sont très emprunts des monstres hollywoodiens d’Aldrich, où la violence monte jusqu’au moment où Peter les agonise d’injures dans une scène qui est absolument magnifique et effrayante”.
Selon la critique cinéma de Vogue, François Ozon parvient à transcender l’écriture originale de Fassbinder en allant plus loin grâce à une écriture cinématographique toujours plus percutante : “Au-delà de la perversité des questions d’ego et de pouvoir qui composent la personnalité de Peter, le film est très fort quand il montre à la fois sa nécessité et son impossibilité à aimer, alors qu’il a un besoin viscéral d’aimer pour créer et, en même temps, le fait qu’il n’y arrive pas. Comme pris dans ce paradoxe très troublant”.
Elle trouve aussi très intéressante l’adaptation (masculine) de François Ozon “qui n’est absolument pas juste une vue de l’esprit puisqu’il se rapproche très sensiblement d’un autoportrait de Fassbinder qui, parlait déjà probablement de lui-même à travers ce personnage de Petra. Il est vraisemblable que François Ozon se projette lui aussi dans ce portrait de cinéaste tout en modernisant l’écriture en la rendant moins littéraire que l’originale, plus féroce, percutante et malicieuse. C’est un très beau film même si la vision sur la passion amoureuse est très noire”.
Dans cette idée de rendre à Fassbinder l’autoportrait qui était jusque-là déguisé à travers ce personnage de femme et en faisant en même temps ici un portrait dissimulé de lui-même, le journaliste de L’Obs déplore une espèce de reproduction un peu gadget qui s’écarte de ce qu’il fait de mieux : S’il admet que “c’est une idée de répétition assez belle”, cela fait partie selon lui de “la veine des films un peu fétichistes, théâtraux et très narquois de François Ozon. Comme pour “Huit femmes” ou encore “Gouttes d’eau”.
Même si c’est plutôt malignement écrit et assez malin de réadapter cette pièce en resserrant les choses, il y a toujours un petit côté gadget, superficiel dans ce qu’il fait du décor. Quand, chez Fassbinder, il y avait toujours cette source de mystère obsédante mais assez insondable. C’est un peu comme si Ozon était du côté d’Andy Warhol. Je trouve cela très artificiel et je préfère le Ozon qui met son ironie et sa malice dans des films plus chabroliens et sociaux”.
🎧 Écoutez l’ensemble des critiques échangées à propos de ce film sur le plateau du Masque et la Plume :
“Peter von Kant” de François Ozon
8 min
🎧 Chaque dimanche à 20h, retrouvez les critiques du Masque et la Plume , réunis autour de Jérôme Garcin, pour parler cinéma, littérature ou théâtre.
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