Les radios Combat
Les magazines
Combat
Rechercher
Accédez à l’intégralité des Inrockuptibles
Vous êtes déjà abonné ?
13 min
par Jean-Baptiste Morain
Publié le 16 décembre 2022 à 15h25
Mis à jour le 16 décembre 2022 à 15h32
Sandrine Kiberlain dans “Le Parfum vert” de Nicolas Pariser (© Diaphana Distribution)
Sandrine Kiberlain revient sur son année 2022, riche de cinq films dont un premier en tant que réalisatrice. La sortie du “Parfum vert” de Nicolas Pariser est l’occasion d’un entretien au long cours pour discuter de cinéma, mais pas seulement.
2022 aura été une année riche en cinéma pour Sandrine Kiberlain. Cinq films où l’on retrouve son nom à l’affiche sont sortis : son premier film en tant que réalisatrice, le beau Une jeune fille qui va bien (dans lequel elle ne joue pas), En guerre de Stéphane Brizé, Chronique d’une liaison passagère d’Emmanuel Mouret, Novembre de Cédric Jimenez et Le Parfum vert de Nicolas Pariser, en salles ce 21 décembre.
Cinq bonnes raisons de prendre rendez-vous avec avec l’actrice et désormais réalisatrice pour discuter de ses rôles, de son film, du cinéma, des rôles courts ou longs, de judéité, d’Alain Resnais et André Téchiné, des acteurs en général et donc aussi, en filigrane, de politique. Rencontre dans le bar très confortable d’un hôtel de la rive gauche d’une actrice intelligente et infiniment touchante.
Une jeune fille qui va bien, votre premier film en tant que metteuse en scène, a ceci de remarquable que vous avez un parti pris de mise en scène très radical : par exemple, le film se déroule sous l’Occupation à Paris, et on ne voit jamais un seul Allemand.
Sandrine Kiberlain – C’est parce que j’ai eu cette façon d’envisager les choses (l’histoire d’une jeune fille juive, Irène, interprétée par Rebecca Marder, qui veut devenir comédienne et rêve du grand amour, ndlr.), que j’ai osé faire le film. Je ne me suis pas dit : “Je vais faire un film sur ce sujet” mais “Ah, je vais pouvoir raconter l’histoire comme ça, donc je vais pouvoir faire le film.”
Je voulais qu’il y ait très peu d’indications de temporalité. Il y en a peut-être trois : le moment où l’on comprend que la famille est juive, celui où ils doivent aller se déclarer comme tels à la mairie et le moment où elle porte l’étoile jaune. Le reste du temps, c’est une jeune fille comme toutes les autres, dans une famille comme toutes les autres, qui évolue au quotidien. Je suis avec eux en me mettant à leur place : que ressent-on quand on ne sait pas ce qu’on va devenir ? Alors que nous, spectateurs, nous savons, donc nous avons peur pour eux.
Oui, vous jouez avec l’intelligence et la connaissance historique du spectateur : quand le personnage de Jo (joué par Ben Attal), lui-même juif, disparaît soudainement sans laisser de trace, nous devinons pourquoi…
Oui, et je ne donne aucune explication parce que je crois que tout le monde comprend… Je ne prends pas les spectateurs pour des idiots. Dans la dernière scène du film, un simple pan de manteau en cuir suffit à faire comprendre ce qui se passe, alors que l’héroïne se trouve dans un moment d’espoir fou et de vie intense. Cela suffit à ce que les gens soient choqués.
Le film fuit le spectaculaire.
Ce n’était pas évident de convaincre les futurs financiers. Soit ils adhéraient tout de suite, soit ils ne comprenaient pas et c’était compliqué d’argumenter. Je voyais le film, et c’est un film de mise en scène, même si je ne m’en rendais pas compte.
Je considère que le spectateur a 80 ans d’avance sur ce que les personnages vivent au présent. Je voulais réaliser un film au présent. Je voulais que la famille soit française. Dans ma famille, ils étaient polonais. Je trouvais préférable de prendre de la distance par rapport à l’histoire de ma famille, qui m’est intime. Je ne voulais pas les trahir. Et puis je me disais que dans les familles françaises, les Juifs se sont sentis si épargnés pendant longtemps… La France a joué un rôle tellement hypocrite. Le film traite aussi de cela. Cela ne cesse de me choquer, et ne m’a pas donné de réponses non plus, d’ailleurs. Cela m’a permis de raconter cette folie.
Rien n’est plus tragique que de parler de l’innocence, de l’élan de quelqu’un pour parler du pire. Cet élan, ce désir d’entrer au conservatoire, d’avoir un amoureux, de continuer à vivre dans sa famille aimante, rien n’aurait dû l’arrêter… La jeunesse soudainement fauchée par l’incompréhensible… Ce qui m’a le plus touchée, c’est quand les jeunes spectateurs me disaient : “On se sent hyper concernés parce qu’aucune époque n’est précisée dans le film, donc on a l’impression que ça parle de nous maintenant. Parce qu’on sent que ça bascule encore maintenant, qu’il y a encore des choses tellement violentes qui se passent dans le monde entier. Si ça trouve, nous, on est en train de vivre la même chose qu’Irène sans le savoir. On sent bien que ce que vit Irène n’est pas tout à fait normal, mais jusqu’où va aller ce “pas normal” ?
On se dit que ça pourrait nous arriver à nous.
À une autre échelle, évidemment, on a un peu vécu ça au début de la pandémie de Covid-19, même si cela n’a rien à voir. On est guetté en permanence par des choses qu’on ne voit pas venir et qu’on ne veut pas croire. On n’a pas de prise, c’est tellement injuste et fou. Et tellement fou qu’on en parle encore, que ce soit un tel sujet. Parce que l’antisémitisme existe encore.
Ce qui m’a aussi frappé – mais vous ne pouviez pas le savoir parce qu’il est sorti en janvier et que vous l’avez écrit et réalisé bien avant –, c’est combien votre film est sans le vouloir une réponse cinglante aux propos tenus par Éric Zemmour quelques mois plus tard, quand il a prétendu, contre l’avis éclairé des historiens les plus sérieux, que Pétain avait essayé de sauver les Juifs de France.
Oui, j’avoue que j’ai eu l’impression, à ma grande surprise et sans vanité de ma part, d’avoir pressenti quelque chose à ce moment-là…
Vous avez pensé à Resnais (avec lequel vous avez tourné dans son dernier film, Aimer, boire et chanter), quand vous réalisiez le film ?
Tout le temps. Quand j’ai trouvé le titre, dans le choix de Rebecca Marder, dans l’idée de filmer des personnages d’acteurs, dans les gros plans du début. Dans l’écriture : épurer, épurer, épurer, ne jamais démontrer, redire expliquer. Il est hyper important, Resnais. Nicole Garcia dit qu’elle a eu envie de devenir cinéaste après avoir travaillé comme actrice avec Resnais.
Il était tellement inventif. Il demandait à tous ses acteurs de décrire par écrit leur personnage avant de tourner le film. Je lui avais dit : “Je ne sais pas faire ça, je vais te faire un dessin.” Et il était fou de joie, parce qu’on ne le lui avait jamais fait. J’ai fait le dessin de mon personnage de dos, avec une très longue natte, comme une anglaise. Alain avait été bouleversé en le voyant. Sabine Azéma a toujours ce dessin. Quand j’ai fait mon film, quand je faisais des plans de dos ou de trois-quarts dos, je pensais à Resnais. Dans ses films, il n’explique pas, on découvre les choses avec lui, et ça m’a toujours bluffée. Et on reconnaît ses films alors que ce n’est jamais le même film.
Il y a eu aussi En guerre de Stéphane Brizé, cette année, où vous aviez un rôle court.
Oui, court, mais je m’en fiche. Il a changé sa manière de filmer et cela m’intéressait. Sur Mademoiselle Chambon, Stéphane tournait de façon très classique, ce qui me convenait très bien d’ailleurs. Mais depuis La Loi du marché, il mêle des acteurs professionnels et des acteurs qui ne sont pas du tout acteurs. Ils nous a mis, Vincent Lindon et moi, avec des avocats qui sont de vrais avocats et formidables dans le film. Et puis il y avait des scènes très fortes. Je n’avais jamais joué de femme totalement abattue. Je trouvais que mon personnage pleurait trop et Stéphane Brizé m’a dit gentiment : “Il y a des gens qui pleurent tout le temps de ce qui leur arrive.
Vous jouez effectivement souvent des rôles dits “secondaires”, comme celui de l’épouse du personnage joué par Bruno Podalydès dans son film Comme un avion. On voit peu ce personnage à l’écran, mais il est très important.
Je ne me dis pas du tout : “Elle n’est pas beaucoup là.” Mes choix sont instinctifs, en fait. Je me dis : “Elle est géniale et je n’ai jamais joué ce rôle. J’adore comme elle se situe par rapport à son mari.” Il faut que j’arrive à me projeter dans un personnage. J’adore, comme dans Polisse de Maïwenn, que la femme que je joue soit socialement la seule bourgeoise du film, qui a un mari qui abuse de sa fille. Je me dis alors, soit ça marche et Maïwenn gardera la scène au montage, soit elle peut s’en passer. Si on réussit la scène, c’est très bien parce que c’est important de parler de cette classe sociale. Ce n’est pas du tout quantitatif. Mais cela peut être lié au réalisateur. Dans le cas de Comme un avion, c’est aussi parce que j’avais envie d’entrer dans la “famille” de Bruno. J’étais ravie d’avoir un rôle, d’ailleurs bien plus long, dans Les 2 Alfred.
Le grand exemple, c’est celui que citent toujours les fans de cinéma : Anthony Hopkins qui n’apparaît en tout et pour tout qu’une vingtaine de minutes dans Le Silence des agneaux, alors qu’on n’oubliera jamais Hannibal Lecter (même si l’on se souvient aussi de Jodie Foster, bien sûr).
Oui, voilà. Toutes proportions gardées, bien sûr, je ne me compare pas à Anthony Hopkins ! Dans Novembre de Cédric Jimenez, j’ai un rôle court, mais ça m’amusait beauocup de jouer une cheffe de la police avec des talons et une autorité naturelle, qui prend des décisions en deux secondes alors que la situation est bien sûr épouvantable. C’est un film choral.
Vous continuez aussi à alterner comédies et drames.
Ce n’est pas du tout calculé, c’est de la chance. Mais je ne veux pas faire de la fausse modestie, parce que j’y suis aussi pour quelque chose. Dès mes débuts, j’ai voulu ne pas me cantonner à un genre. Dans mon premier long métrage, Les Patriotes d’Éric Rochant, je joue le rôle d’une femme très sexy, mystérieuse, jouant sur la séduction, ce que je ne maîtrisais pas du tout. Ensuite j’ai joué une poissonnière de Boulogne-sur-Mer dans En avoir (ou pas), le premier film de Laetitia Masson ! Aucun rapport entre les deux personnages.
J’aurais pu craindre que les spectateurs ne comprennent pas comment je pouvais jouer deux rôles aussi opposés. D’abord, je ne pense jamais à ce que les autres vont penser ; ensuite, pour moi, c’est du pain bénit, c’est génial ! Il faut vraiment faire que ce que l’on sent, sinon, c’est foutu. Ensuite, j’ai un peu enchaîné les rôles graves et j’attendais avec impatience de renouer avec la comédie, parce que j’avais découvert au conservatoire que j’adorais ça. C’est Pascal Bonitzer, avec Rien sur Robert, qui m’a mis le pied à l’étrier et ouvert des horizons. Les choix qu’on fait donnent des idées aux metteurs en scène. Mais cela prend du temps !
On vous cantonnait à un type de personnage ?
C’est l’inconvénient de l’avantage et l’avantage de l’inconvénient. Quand on marque dans un type de personnage, on a tendance après à recevoir des propositions qui correspondent à ce personnage. On est à la fois heureux de ça, et j’ai aussi l’instinct de ne pas refaire quelque chose dans la même veine. Ensuite, ce sont de chances. Je pense souvent à Polisse, parce que la scène de l’interrogatoire, où je suis en larmes, est courte dans le film, mais elle a beaucoup marqué les gens. Il y a quelque chose qui a basculé à ce moment-là.
Nous, spectateur·ices, aimons retrouver les grand·es acteur·rices que nous aimons parce que nous les aimons dans un type de rôle et que nous avons l’impression de les connaître (ce qui n’est évidemment qu’une illusion, mais très agréable). Et en même temps, nous aimons qu’iels nous surprennent.
Parce que nous-mêmes, acteurs, sommes contents d’être surpris. Quand c’est le cas, il y a de grandes chances que vous le soyez aussi. J’adore être surprise quand je me dis en lisant un scénario : “Ah, ce sera toujours moi, mais avec quelque chose de décalé.
Dans Le Parfum vert, on retrouve ce côté cash et direct que vous avez dans beaucoup de films, mais ce n’est pas la même femme non plus.
Oui. Elle est autrement frondeuse, autrement tête pensante, autrement droite. Ce n’est pas pareil.
Le Parfum vert aborde le sujet de la judéité.
J’étais intriguée que Nicolas Pariser parle de cela dans le film. Je crois qu’il voulait montrer des personnages juifs (joués Vincent Lacoste et moi) ancrés dans la contemporanéité pour parler du retour de l’antisémitisme. Ce n’est pas qu’un pastiche hitchcockien-tintinesque. Il décrit des personnes de notre époque, Martin et Claire. C’est pour ça que je ne me suis pas posé très longtemps la question de faire le film ou pas. Ces deux personnages ont vraiment des problèmes de l’Europe d’aujourd’hui, sa position par rapport à Israël, la religion, ce que ça implique aujourd’hui d’avoir des origines juives. J’aime aussi beaucoup le côté “woody-allenien” de mon personnage, qui a des problèmes avec sa mère, sa sœur, qui en rit comme on rit des blagues juives. J’ai été élevée dans cet humour-là et j’ai aimé que Nicolas arrive à décrire cela, parce que nous sommes les mieux placés pour parler de la judéité, avec recul et humour.
Ce qui est intéressant, c’est l’attitude totalement opposée que le personnage de Lacoste et vous avez par rapport à vos origines. Lui s’en fiche, tandis que votre personnage a quand même vécu dix ans en Israël, mais en est revenu parce que l’Europe lui manquait.
Oui, ce sont deux visions différentes. On a l’impression qu’il est complètement athée et que ce n’est pas un problème pour lui. On sait juste qu’il l’est parce qu’il a fait partie enfant de la même branche juive du scoutisme que mon personnage. Elle aussi s’en fiche un peu, mais elle est ancrée dans une tradition familiale qui lui pèse un peu.
Vous seriez plutôt Martin ou Claire, dans la vie ? Ou vous vous en fichez ?
Je ne m’en fiche pas du tout. Ça fait complètement partie de moi et le film que j’ai réalisé parle de cela. Mais j’ai du mal à en parler comme quelque chose de spécial, cela fait partie de moi, c’est tout. Dans mon film, l’espèce de shabbat qui ne ressemble à rien raconte que l’on n’est pas obligé de fêter la religion, d’être pratiquant ou croyant. Mais se souvenir de ses origines, d’où l’on vient, ça, oui. Mais je suis plus simple, comme Lacoste. Je me souviens de qui je suis et d’où je viens, mais je vis comme tout le monde et j’espère que tout le monde vit ce que je vis comme tout le monde. Parfois, il m’arrive d’avoir besoin de me recueillir ou de participer à des fêtes de famille. Je peux entrer dans une synagogue et je m’y sens bien, je ne sais pas trop pourquoi. Il y a une tradition qui rassure dans l’idée de savoir d’où l’on vient. C’est très important, comme une colonne vertébrale qui fait qu’on se tient plus droit.
Il y a eu aussi Chronique d’une liaison passagère, cette année.
J’aime beaucoup Emmanuel Mouret. On s’est beaucoup apporté l’un à l’autre, je crois. Quand j’ai lu le scénario, je l’ai adoré, mais je ne savais pas du tout comment on allait s’entendre. J’ai découvert quelqu’un de très différent de ce que j’imaginais. Pour moi, c’était quelqu’un de très classique, très bien élevé, sans dinguerie, un peu distant avec ses films. En réalité, j’ai découvert un homme complètement atypique, singulier, qui peut tout à coup danser le flamenco.
Il est comme ça, comme dans le film : drôle, totalement habité, présent, très simple et sain. C’est le chef d’orchestre, à fond, de son film. Il sait très bien pourquoi il écrit cette histoire à ce moment de sa vie, pourquoi il nous a choisis Vincent Macaigne et moi, ce qu’il souhaite de nous dans toutes les séquences. Je trouve que c’est un grand film virtuose de mise en scène, il fait comprendre ce que ressentent les deux personnages en les filmant uniquement de dos… L’interaction avec le spectateur est très belle.
Il m’a beaucoup impressionné. Le cinéma, c’est sa vie, il n’arrête pas. J’espère le retrouver. Il m’a fait un peu penser à Resnais, à Téchiné, à ces metteurs qui semblent rajeunir dès qu’ils tournent ! Tous les deux peuvent porter des câbles, aider les machinos, alors que dans la vie ils sont souvent “éteints”. Quand on tournait Quand on a 17 ans avec Téchiné, un jour il y a eu une tempête de neige. On était coincés, il fallait se réfugier et André portait des trucs, alors que dans la vie, il est angoissé par tout. Sur un plateau, il n’y a plus d’angoisse, il n’y a que de la jeunesse, et c’est très émouvant.
Rencontrer un personnage, c’est rencontrer quelqu’un qui vous apprend quelque chose sur vous
2022 a été une année un peu “lourde” pour tout le monde, entre la guerre en Ukraine, la pandémie de Covid-19 qui n’en finit pas, le climat qui se dérègle sous nos yeux, la montée de l’extrême droite, l’inflation… Tout le monde est fatigué, vous ne trouvez pas ?
Oui. On a l’impression que tout part à vau-l’eau. Mais il va falloir se battre. On ne sait pas quoi faire. On dit toujours : “Je quitterai la France si untel est élu”, mais ce n’est pas vrai, on restera…
Un petit détail m’a frappé : je me suis souvenu que vous aviez passé le concours d’entrée au conservatoire avec Yvan Attal comme partenaire, et dans Une jeune fille qui va bien, votre héroïne prépare son concours d’entrée au même conservatoire en répétant une scène de Ruy Blas avec Ben Attal, donc le fils d’Yvan. C’est un clin d’œil ?
J’ai choisi Ben Attal parce que je le trouvais le meilleur, le plus différent des autres acteurs que j’avais déjà choisis pour le film, qui viennent souvent du théâtre. Mais je n’ai réalisé qu’après que c’était le fils d’Yvan, et qu’Yvan allait venir voir le film avec son fils dans mon film. Je n’y avais pas pensé avant. Il y a des choses dans les films qu’on fait… Encore aujourd’hui, je découvre des choses que je n’ai pas voulu dire consciemment et que j’ai dites. Cette histoire raconte aussi autre chose que je ne soupçonnais pas. C’est incroyable. Les films nous racontent totalement.
Dans un livre passionnant intitulé Demain est écrit, le professeur de littérature et psychanalyste Pierre Bayard explique qu’on a toujours tendance à expliquer les œuvres des grands auteurs par la psychanalyse, en tenant d’y trouver des traces de leur enfance, alors que le plus souvent, si l’on se penche sur la vie des écrivains, leurs livres annoncent souvent ce qui va arriver à leurs auteurs…
C’est fou, parce que je le vis déjà en tant qu’actrice. Si vous me montriez ma filmographie, je verrais toutes les périodes de ma vie défiler : chaque film correspondait tellement à ce que je vivais. Dans Le Septième Ciel de Benoît Jacquot, le personnage que je joue ne tient pas debout, et pendant le tournage, comme je jouais aussi au théâtre le soir, j’étais épuisée et à la fin je ne tenais plus debout. C’est comme si Jacquot avait vu en moi ce qui allait m’arriver. Les films vous apprennent beaucoup de choses sur vous.
Déjà comme actrice, quand vous le réalisez, vous ne pouvez pas imaginer. C’est un long travail et à la fin, quand vous voyez le film terminé, vous êtes sidéré de voir ce que ça raconte de vous, ce que ça anticipe de votre propre vie. Rencontrer un personnage, c’est rencontrer quelqu’un qui vous apprend quelque chose sur vous. J’ai un tel rapport aux films… [Pause.] Je n’ai jamais voulu jouer un personnage qui meurt, jusqu’à présent. Et je vous jure que j’ai peur. Je ne veux pas que ça arrive [grand rire].
Propos recueillis par Jean-Baptiste Morain.
Recevoir l’agenda de la semaine
d’écoute et de lecture
Je veux enregistrer ce contenu pour le lire plus tard
Je n’ai pas encore de compte pour alimenter ma bibliothèque
À la une
Populaires
À propos

Normale
Supérieure
Bibliothèque

source

Catégorisé: