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PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE
Serge Bouchard, en 2019
« C’est étrange d’imaginer deux livres de Serge Bouchard qui se font sans lui, dit Jean-Philippe Pleau. Il me semble l’avoir entendu dire tout le long du processus : “C’est ben mieux d’être bon.” Tu as ressenti la même chose ?
— Oui, un petit surmoi me disait : “Ne gâche pas mon livre !” », répond Mark Fortier.
Nous rions, mais nous sommes tous les trois émus de voir les couvertures des deux derniers titres de Serge Bouchard, fraîchement sortis de chez l’imprimeur et publiés plus d’un an après sa mort, le 11 mai 2021. La prière de l’épinette noire est un recueil de ses textes lus à l’émission radiophonique C’est fou…, qu’il coanimait avec Jean-Philippe Pleau, qui signe la préface. Beaucoup d’auditeurs les réclamaient, paraît-il, même de son vivant, juste après les avoir entendus à la radio.
Écouter Serge Bouchard donne envie de le posséder pas trop loin, dans sa bibliothèque, pour pouvoir y revenir.
Ils étaient l’Amérique, le troisième tome très attendu de la série De remarquables oubliés, est le dernier livre sur lequel a travaillé l’anthropologue, alors qu’il traversait la terrible épreuve du cancer de sa conjointe, Marie-Christine Lévesque, qui l’a finalement emportée. Si elle n’a pu participer à la rédaction de ce troisième tome, son nom est sur la couverture, car De remarquables oubliés était un projet commun qui, dès le départ, était annoncé comme une trilogie.
Cela a donné Elles ont fait l’Amérique, sur les héroïnes méconnues de l’histoire nord-américaine, Ils ont couru l’Amérique, sur ces coureurs des bois qui fascinaient tant Serge Bouchard, et ce Ils étaient l’Amérique, très important pour lui, consacré aux Autochtones, l’une de ses grandes passions. L’éditeur Mark Fortier a dû terminer seul ce manuscrit après la disparition de son auteur. Il n’avait pas le choix, les lecteurs n’arrêtaient pas de demander quand le dernier tome de cette trilogie très populaire allait enfin sortir.
PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE
Jean-Philippe Pleau
Jusqu’à la toute fin, il aura été habité par ce désir d’écriture. Assurément, ça maintenait le lien avec les auditeurs, mais aussi avec Marie, c’est clair.
Jean-Philippe Pleau
Car oui, malgré l’immense chagrin de la perte de son amoureuse, Serge Bouchard a continué d’écrire, c’est beaucoup ce qui le maintenait en vie, nous en sommes convaincus. Lui-même connaissait des problèmes de santé, si bien qu’il avait proposé de lire ses textes pour la radio de son lit d’hôpital, ce qu’il n’a pas eu le temps de faire.
Ces deux livres-là sont en quelque sorte un miracle, et un cadeau pour ses lecteurs, qui peuvent ainsi prolonger un peu le dialogue et entendre cette voix rassurante dans leur tête. Mais son regard sur le monde nous manque, cela reviendra sans cesse tout au long de notre conversation. Ce n’est pas de sitôt qu’on pourra combler le vide qu’il a laissé, ce don qu’il avait de nous faire réfléchir au milieu du tumulte des opinions.
« Je pense que pour lui, l’aisance de la pensée simpliste n’était jamais requise, note Jean-Philippe Pleau. Tout était toujours plus complexe que ce qu’on présentait comme portrait. J’ai l’impression qu’il voulait mettre le spot sur les angles morts de la pensée, de la vie. Et ça, c’est une place qui reste à occuper encore, il n’y a personne qui l’a remplacé. »
« Serge, c’était quelqu’un qui était pour l’amplification du sens, pas pour le rabougrir, poursuit Mark Fortier. Donc la richesse sémantique des mots était précieuse pour lui. »
Jean-Philippe Pleau se souvient qu’ils utilisaient souvent, lui et Serge, une expression de Mathieu Bélisle, « le terminus de la pensée ». « Pour Serge, il n’y avait pas de terminus de la pensée, il n’était jamais arrivé quelque part, jamais satisfait. » Mark Fortier pense plutôt que « chaque satisfaction appelait quelque chose d’autre chez lui. Il savait qu’il y avait toujours quelque chose à créer. Il aimait créer du sens. »
Ce qui est manifeste dans Ils étaient l’Amérique, dont la forme s’inspire du superbe Mémoire du feu d’Eduardo Galeano. En une succession de courts textes qui ouvrent sur de larges perspectives, on découvre ce que l’Amérique aurait pu être, selon Serge Bouchard, qui adopte le point de vue de la plage et des arbres qui ont vu arriver les Cartier, Champlain et Colomb…
PHOTO MARTIN TREMBLAY, LA PRESSE
Mark Fortier
Si j’ai voulu réunir Jean-Philippe Pleau et Mark Fortier, ce n’est pas seulement pour parler de ces deux livres qui paraissent presque en même temps, mais surtout parce qu’ils ont bien connu l’homme des dernières années, plus particulièrement Jean-Philippe, qui était un fils spirituel pour Serge Bouchard. Ils ont plein d’anecdotes à raconter sur lui. Par exemple, son obsession pour la malbouffe très canadienne-française de son enfance (le Mae West en particulier). « Tu ne peux pas sortir le gars de Pointe-aux-Trembles », lance Jean-Philippe, qui rappelle les origines modestes de Bouchard.
Sur le fait qu’il aimait arrêter le temps, en se stationnant devant la maison de Jean-Philippe qui allait le rejoindre avec un café dans la voiture, juste pour jaser. « Et il disait immanquablement que ce n’était pas aussi bon qu’un café de truck stop. » Son génie des titres, comme « La solitude de la cerise à l’intérieur de la Cherry Blossom ». Son côté groupie de Vladimir Jankélévitch, qu’il citait tout le temps, un philosophe que je n’aurais probablement jamais lu sans Serge Bouchard.
Il avait aussi ce beau travers des grands, qui était de douter de son talent d’écrivain, peu importe sa longue expérience de la plume.
« Ce doute faisait qu’il écrivait vraiment, croit Jean-Philippe Pleau. Jusqu’à la toute fin, il n’a jamais tenu ça pour acquis. Il m’envoyait les copies des éditoriaux qu’il jetait, pour me prouver qu’ils n’étaient pas bons, ce que je ne pensais jamais. C’était toujours bien Serge Bouchard, il aurait pu rouler sur sa réputation, mais il ne faisait pas ça. »
Côtoyer quelqu’un comme Serge Bouchard doit forcément nous transformer. Quel est son legs intellectuel le plus important, pour eux, intimement ? « Il courait après la beauté des choses, dit Mark Fortier. Ce n’était pas un maniérisme chez lui. Ce n’était pas forcé, et tout l’art se retrouve là-dedans, car ce n’est pas une méthode qu’il appliquait mécaniquement, c’était sa manière de voir le monde et de le créer. Il avait une façon d’être du côté de l’intelligence et de la compréhension intelligente de ce que nous sommes et de ce qu’est l’histoire, qui ne devait jamais servir à nous désunir, selon lui. Une façon de faire qui est accessible, agréable et créative, ce qui est pour moi une voie à suivre. »
« Il m’a appris que tout le monde a une histoire à raconter, renchérit Jean-Philippe Pleau. Que toutes les histoires, petites ou grandes, peuvent dire quelque chose sur le monde. Pendant longtemps, j’ai pensé que les histoires racontées au “je” n’avaient pas de valeur. Au contraire, pendant toute sa carrière, Serge est parti du particulier pour aller vers l’universel. Quand il raconte son amour des Mae West, il parle aussi de la culture de la bouffe industrialisée, et de la modernité. J’ai longtemps eu honte de mes origines et Serge me disait : “Fais juste changer ton regard là-dessus, essaie de voir la beauté et la richesse du monde qu’il y a là-dedans.” »
« Puisque l’histoire est un mensonge, rappelle Mark Fortier, autant choisir les plus belles fables. » Alors en lisant Ils étaient l’Amérique et La prière de l’épinette noire, j’ai choisi de croire que le père Noël était passé à l’avance cette année. Et il avait la tête de Serge Bouchard.
Ils étaient l’Amérique : de remarquables oubliés, tome 3
Serge Bouchard et Marie-Christine Lévesque
Lux
276 pages
En librairie
La prière de l’épinette noire
Serge Bouchard
Boréal
224 pages
En librairie
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