Nos mains sont libres, tout peut désormais être commandé à la voix. Envoyer un email en conduisant, demander son chemin, connaître son agenda au réveil ou la météo, prendre des rendez-vous… Tout est simplifié et centralisé grâce à internet et les objets connectés.
Google a lancé son Google Home, un assistant vocal qui télécommande la maison. Il permet aussi d’écouter de la musique, de diffuser des photos et des vidéos, consulter l’actualité, contrôler sa télévision… Sa sortie en France est prévue pour cet été, mais cette enceinte offre moins de possibilités que l’Echo d’Amazon, qui a remporté le prix CES 2017 de Las Vegas.
Depuis 2015, Amazon commercialise aux Etats-Unis une petite enceinte noire, Echo. Dotée d’une intelligence artificielle (IA) baptisée “Alexa”, elle répond quand elle entend son nom. Alexa a depuis noué des partenariats avec des entreprises et des marques souhaitant doter leurs produits d’une interface intelligente connectée. Huawai prévoit la sortie d’un téléphone équipé d’Alexa, tandis que Whirlpool propose une machine à laver connectée qui se lance d’une simple commande vocale. LG va sortir un réfrigérateur qui affiche les recettes ou permet de faire vos courses. Même Ford a annoncé que ses voitures électriques et hybrides seraient bientôt dotées de l’assistant intelligent d’Amazon, afin de permettre à ses clients de commander leurs véhicules à distance, ou d’accéder à des informations sur le niveau de carburant ou de batterie.

“Avec le deep learning, la machine apprend à le faire elle-même. Et elle le fait beaucoup mieux que les ingénieurs, c’est presque humiliant !” s’amuse le chercheur Yann LeCun dans Le Monde. Le deep learning, – apprentissage en profondeur – permet aux intelligences artificielles de se développer sans recevoir d’ordre du développeur. Elle fonctionne de manière prédictive. Un système doté d’une intelligence artificielle et du deep learning est donc capable d’apprendre de ses erreurs, faire des choix sans pré-programmation.
C’est le système proposé par Viv de Samsung. Il révolutionne le milieu, notamment en comprenant le “langage naturel”. Dans sa vidéo de présentation, le PDG Dag Kittlaus le prouve avec des questions comme “Quel temps fait-il à la maison aujourd’hui ?”, ou “Pleuvait-il à Seattle il y a trois jeudis de ça ?”. Viv dépasse largement les capacités de Siri, qui ne comprend pas les questions si elles ne sont pas formulées selon ses critères. “Une fois qu’il a compris l’intention de l’utilisateur, il génère un programme pour la réaliser”, explique le PDG. Le logiciel se génère lui-même, en 10 millisecondes.
Facebook s’inspire de Viv et d’Amazon. Il teste en ce moment M qui sera disponible sur l’application Messenger. Il sera interactif et fonctionnera comme un bot, à cela près qu’il sera géré par de vraies personnes les “M trainers”. Les réponses seront donc plus humanisées, jusqu’à ce que le service recueille assez de demandes d’utilisateurs pour pouvoir laisser place à une intelligence artificielle.
L’IA Watson développé par IBM analyse des milliers de données : informations financières, articles de presse, tweets… Tout le monde peut désormais se renseigner et se spécialiser dans le milieu qui l’intéresse. Pour Roland Garros, IBM a même conçu un assistant avec lequel les fans peuvent discuter sur l’application de l’événement.
En médecine, l’IA permet d’améliorer la précision des diagnostics. Elle analyse et étudie toutes les données rassemblées autour d’un même patient : symptômes, rendez-vous médicaux, précédents familiaux… Elle apprend des milliers d’études publiées chaque année en cancérologie puis discute ensuite avec le médecin pour établir le meilleur diagnostic. Ses capacités analytiques permettent de détecter des anomalies non perceptibles par l’oeil humain sur une IRM.
MedWhat est une application développée par des médecins de l’université californienne de Standfort. Sur le même principe que Siri, elle répond via un robot conversationnel à toutes les questions liées à la santé.
Le clavier ne peut pas être entièrement remplacé par la commande vocale. La parole chez l’Homme fonctionne mieux avec des demandes formulées simplement, mais les algorithmes ont encore du mal à traiter ces demandes. Quand par chance, Siri ne répond pas à une question par “Désolé je n’ai pas compris ce que vous avez dit”, les ratés peuvent être tout aussi amusants qu’agaçants…
Il semble évident que certains lieux – transports en commun, travail – ne se prêtent pas à l’exercice de la commande vocale : finie la confidentialité ! En faisant vos courses à haute voix dans la rue, tout le monde saura que vous avez terminé votre dernier rouleau de papier toilette la veille…
Pour pouvoir envoyer un message via une commande vocale, il faut être connecté via internet aux serveurs de grands groupes américains. L’utilisateur devient alors une cible pour les annonceurs. L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) s’alarme : ces objets connectés sont des dangers pour la neutralité du web. «Nous allons évoluer de plus en plus dans un monde où les terminaux vont faire les choix à notre place», explique le président Sébastien Soriano dans une interview accordée aux Échos. C’est l’objet qui décide sur quel site nous sommes renvoyés.
La condition pour que le deep learning fonctionne, c’est que les requêtes soient enregistrées. À la manière du cerveau humain, l’IA assimile les informations et apprend, devient donc plus précise. Echo, l’assistant d’Amazon est en écoute permanente, comme s’il était en veille. Les conversations qu’il entend ne sont enregistrées que quelques secondes si le mot “Alexa” n’est pas prononcé. Mais Amazon est le seul à être si transparent. Il propose aux utilisateurs de réécouter leurs enregistrements via l’application et de les effacer si besoin. Pour les autres systèmes, les questions formulées, recherches et activités passent par le web et se perdent donc dans les méandres d’internet.

Aujourd’hui, les grands groupes de l’internet sont soumis à des lois très strictes. Ils ont interdiction totale de dévoiler les données des utilisateurs. Leur cryptage protège de la cybercriminalité. Mais ces initiatives ne garantissent en rien aux utilisateurs la maîtrise de leurs informations personnelles. Jusqu’où la vie privée doit et peut-elle être protégée ? Quelles sont les limites que doivent se fixer les entreprises qui collectent ces données ?
Cette question éthique a déjà fait débat lors des attentats de San Bernardino aux Etats-Unis. Le FBI avait demandé à Apple de lui fournir des renseignements sur l’un des terroristes. Le groupe avait refusé sous prétexte que les données des messages sont désormais chiffrées. Dans la lutte antiterroriste, c’est une réelle barrière. Aux Etat-Unis encore, Echo a déjà été appelé à témoigner dans un procès. Amazon a refusé.
En 2017 il y aura plus d’objets connectés que d’humains sur terre : 8.4 milliards selon le cabinet d’études Gartner. En 2020, le cabinet en prévoit 20.4 milliards. Les Français sont de plus en plus nombreux à posséder des objets connectés : 52% contre 35% en 2016 d’après une étude d’Opinion Way. Parallèlement, les risques de piratage se multiplient. Le cabinet de conseil Wavestone rapporte la performance d’Anthony Rose, chercheur en cybersécurité, qui a réussi à ouvrir en direct 12 des 16 serrures connectées lors de la conférence Def Con de Las Vegas.
Pour les hackers, l’assistant personnel est un accès direct à notre vie privée et facilite son exploitation à des fins néfastes.
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