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La Chine a construit dans la province du Xinjiang un État policier d’une effrayante modernité. En 2018, un journaliste a pu s’y rendre et témoigner, dans un récit puisant directement dans le quotidien des Ouïghours, de la mise en place d’un système de surveillance et de répression omniprésent basé sur l’utilisation des nouvelles technologies.
Novastan reprend et traduit ici un article publié par le média russe Meduza le 18 septembre 2018.
Le 9 septembre 2018, l’ONG Human Rights Watch a publié un rapport sur la chape de plomb technologique consciencieusement abattue sur la vie des millions de Ouïghours de la province du Xinjiang, dans le nord-ouest de la Chine. L’auteur de ce récit, journaliste et voyageur russophone, a réussi à pénétrer dans la province durant l’été 2018. Il délivre sous anonymat un témoignage des pratiques de surveillance, de ségrégation et d’internement installées par l’État chinois à l’encontre de ses citoyens Ouïghours.
Il analyse la mise en place récente de ce système, après avoir rappelé le contexte politique et historique profond de la région et transmis les impressions ressenties lors de son premier séjour quinze ans plus tôt.
Ce récit a été publié en septembre 2018. Depuis ce moment, le sort des Ouighours a fait l’objet d’une couverture médiatique intense, de la part de la presse française notamment (Libération, Le Monde) ou encore de la presse internationale.

Depuis ce récit, les Etats-Unis se sont engagés frontalement à l’encontre de la Chine sur ce dossier, avec des sanctions du fait du travail forcé dans les champs de coton. Le Royaume-Uni et le Canada ont également interdit les importations venant du Xinjiang le 15 janvier 2021.
J’ai pour la première fois atterri dans le col d’Erkech-Tam, qui sépare le Kirghizstan de la Chine, il y a quinze ans. Je voyageais en autostop et étais l’unique touriste de tout le point de passage, un long baraquement clôturé de barbelés en piteux état. Un comptoir le partageait en deux, derrière lequel était assis un soldat kirghiz ensommeillé. Il était difficile de respirer en raison de l’altitude, et également de parler : les bourrasques qui balayaient la frontière avalaient chaque mot. Planté au bord de la deux-voies cabossée qui descendait vers le Xinjiang, en pleine région montagneuse voisine du plus grand désert de sable d’Asie, le Taklamakan, ce vaste espace envahi par le fil barbelé était un endroit particulièrement inhospitalier. De l’autre côté de ce comptoir commençait un nouveau pays, là, tout de suite.
Des deux côtés de la barrière se tenaient des colonnes entières de camions. Quittant la Chine pour l’Asie centrale puis la Russie, ils transportaient de la camelote Made in China. Dans l’autre sens, depuis le Tadjikistan et le Kirghizstan, ils convoyaient du métal et des machines à scier venant tout droit des dernières usines soviétiques en fonctionnement. On voyait déjà qui se développait le plus vite, même si les traces du progrès côté chinois étaient encore infimes ; leurs fils barbelés étaient moins miteux et leurs soldats étaient assis dans des cabines neuves, avec des portes en verre et des toits en tuiles.
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En 1935, le correspondant politique de l’édition britannique du Times, Peter Fleming (frère aîné de Ian, qui s’en est vraisemblablement inspiré pour écrire James Bond) publia un merveilleux livre de son voyage dans la région, Courrier de Tartarie (News from Tartary). Difficile de trouver titre plus sarcastique : la plus grande région autonome de Chine, soit un sixième de sa surface, était toujours connue au temps de Peter Fleming comme la Tartarie, nom donné au XIXème siècle à toute la zone s’étendant de la mer Caspienne à l’Inde. Un territoire lointain, presque inaccessible, et mystérieux. Ils furent peu nombreux à y accéder, et les moindres nouvelles mettaient des mois à parvenir au reste du monde si jamais elles y parvenaient.
« Nouvelle frontière »
« Xinjiang » signifie en chinois « nouvelle frontière » ou « nouveau protectorat ». Conquise par la Chine pour la première fois au XVIIIème siècle, cette région est historiquement peuplée de Ouïghours, peuple turcique dont la langue et l’habillement rappellent davantage l’Asie centrale que la Chine. Contournant le désert, les routes de la Soie ont semé derrière elles une kyrielle de villes-oasis, que des journées entières sur les routes caravanières séparent les unes des autres. Leur éloignement permettait aux peuples les ayant habitées – Ouïghours, Kirghiz, Kazakhs, Tibétains et Russes – une coexistence relativement pacifique, tandis que la proximité avec cette route commerciale leur garantissait des liens culturels avec l’Occident, l’Inde, La Chine et la Perse. Regroupées sous le nom générique de « Turkestan oriental », ces régions ont combattu contre Pékin pendant des siècles, laquelle essayait de les soumettre à sa loi, et parfois contre d’autres voisins.
De temps en temps, des insurrections et des guerres intestines éclataient, transformant la région en un bain de sang. Les intérêts de grandes puissances s’y trouvaient aussi régulièrement confrontés. Le Turkestan faisait alors les gros titres, comme ce fut le cas à l’époque du « Grand Jeu », à la fin du XIXème siècle, lorsque la Chine, la Russie et l’Angleterre se sont retrouvées au coude à coude au Pamir. Ou encore dans les années 1980, lorsque la Chine soutenait la lutte des moudjahidines afghans contre l’URSS. Mais depuis son occupation par la Chine en 1949, le Turkestan oriental a passé la majeure partie de son existence dans l’oubli.
La ville chinoise la plus proche de la frontière kirghize, Kachgar, donnait l’image en 2003 d’un trou perdu au milieu de nulle part. Les rares touristes séjournaient dans l’un des deux hôtels de la ville, bâtis à l’endroit où se tenaient les ambassades russes et anglaises avant leur fermeture, en 1949. Entre les nouvelles barres d’habitations communistes et les bâtiments officiels pompeux, la ville s’était étendue autour de ce centre historique. Au cœur de la place centrale s’élevait une statue de Mao – alors une des plus hautes de Chine – érigée en 1968, au plus fort d’une énième émeute ouïghoure. Dans son dos, des excavateurs réduisaient en poussière une immense digue de terre.
Il m’avait fallu deux jours pour comprendre que ce n’était pas une digue mais un des anciens murs de la ville, derrière lequel Kachgar abritait encore une autre cité. Différentes temporalités se mêlaient selon les traditions et les horaires de travail de chacun : tandis que les Chinois travaillant à l’heure de Pékin allaient se coucher, dans le centre de la vieille ville ouïghoure, on passait à peine à table. La foule s’écoulait lentement depuis la mosquée principale, se dispersant dans les ruelles sinueuses qui longeaient la place.
Un mode de vie traditionnel
Sans se presser, les gens s’installaient aux tables qui bordaient la rue ou bien se rendaient au marché nocturne, d’où s’échappaient la fumée des braseros et d’appétissantes odeurs de lepiochka, petit pain rond et plat typique de la région (appelé tandyr nan ou autres proches variantes dans les langues centrasiatiques). On y portait des tuniques et de longues barbes, des bottes montant jusqu’aux genoux, tandis qu’aux imposants chapeaux étaient cousues une frange de fourrure. Les sourcils des femmes étaient teints au henné et à la ceinture des hommes brillaient des couteaux, de remarquables bichaqs, couteaux traditionnels d’Asie centrale fabriqués dans la ville voisine de Yengisar.
Des siècles durant, des lames y furent vendues aux caravanes empruntant les routes de la Soie. Sur le gigantesque marché, on pouvait acheter des tapis, des moutons, des lézards séchés ainsi que des serpents. Dans les rues, les barbiers faisaient leur office tandis que des palefreniers ferraient les sabots des chevaux grâce aux productions du forgeron d’à côté. Cet endroit bouillonnait de vie, de cette vie que décrivait Peter Flemming et avant lui les grands voyageurs de la fin du XIXème siècle et du début du XXème siècle.
Se rendre à Kachgar dans les années 2000 était comme se retrouver d’un coup dans les Mille et une Nuits. Mais une nouvelle vie concurrente émergeait de toute part, et le quartier chinois, autrefois cantonné aux marges de la ville, encerclait désormais implacablement le cœur historique. En flânant sous ces nuits sans lune mais éclairées des centaines de croissants ornant les mosquées, je compris soudain que je voyais tout cela pour la dernière fois. Je m’étonnais de la patience avec laquelle les Ouïghours accueillaient ces changements. À la même époque, l’État chinois transformait la vie des Tibétains voisins à coups de matraque.
Le tournant de 2009
Néanmoins, les protestations ne se firent pas attendre. En 2009, la police tente de disperser la foule indignée qui s’était rassemblée à Urumqi, la capitale du Xinjiang, suite aux meurtres de travailleurs ouïghours dans le sud du pays. Les manifestations deviennent des pogroms et 197 personnes sont tuées, pour l’essentiel des Chinois. Les autorités arrêtèrent un millier de manifestants, dont au moins trente sont condamnés à mort. En réponse, des Ouïghours passent au terrorisme. Des attentats primaires, mal organisés mais des attentats tout de même, et réguliers.
En 2010, un homme et une femme lancent des explosifs sur la foule à Aksou ; cinq des sept victimes étaient des policiers. Un an plus tard, une quinzaine de jeunes hommes armés de couteaux prennent d’assaut un poste de police à Hotan pour protester contre l’interdiction du port de la parandja, un voile similaire à la burqa, autrefois porté par les femmes en Asie centrale et faisant l’objet d’interdictions dans la région depuis la dissolution de l’URSS, notamment au Kirghizstan et au Tadjikistan. Tous les attaquants ainsi que deux autres collaborateurs sont tués. En juillet 2011, une série d’attentats à Kachgar fait perdre la vie à une dizaine de personnes. Trente-trois autres encore périrent lors d’une attaque au couteau à la gare de Kunming en 2014. Deux ans plus tard, l’ambassade de Chine au Kirghizstan a également été visée.
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À cette époque, la répression au Xinjiang a atteint de telles proportions que les Ouïghours commencent à se rapprocher des groupes terroristes internationaux. Dans une rare interview pour Associated Press, des combattants ouïghours détenus en Turquie après avoir participé à la guerre civile en Syrie racontent que ce n’était pas le djihad qui les intéressait, mais l’expérience des armes et du terrain afin de poursuivre leur propre lutte dans leur pays. À l’insu de leurs camarades de lutte de l’État islamique, ils ont étudié les efforts accomplis par les sionistes, espérant mettre en pratique au Xinjiang l’expérience israélienne de construction de son propre État. Quoi qu’il en soit, le « Mouvement islamique du Turkestan oriental », qui a recruté et envoyé en Syrie pas moins de mille combattants, est considéré par la plupart des pays occidentaux comme une organisation terroriste.
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Pour Pékin, qui depuis 2014 a rejoint la « guerre internationale contre le terrorisme », cette évolution de la lutte ouïghoure a représenté une excellente opportunité de justification de la répression.
Durant toutes ces années, les informations depuis Kachgar ne nous sont parvenues qu’au compte-gouttes. Après les évènements d’Urumqi, Internet a été coupé dans tout le Xinjiang pendant un an. Les autorités chinoises ont réussi à bloquer toutes les communications concernant les attentats d’Aksou sur l’ensemble du territoire. Comme par le passé, le Xinjiang est resté déserté par les touristes. Tout au plus, quelques aventuriers essayant d’accéder par le nord à un Tibet interdit aux étrangers, ou des sportifs traversant le désert à vélo ou franchissant les tumultueuses eaux des rivières de la région. Essayant désespérément d’obtenir des informations sur ce qui se passait, j’ai correspondu avec nombre d’entre eux.
En 2003, l’un deux m’a raconté l’histoire d’un Kirghiz qu’il avait rencontré à Yining, et qui jurait avoir été témoin d’une fusillade de masse à Kachgar. Cet homme a décrit en détail les corps transportés par des blindés militaires, dont « le sang gouttait sur la route », et a même désigné le lieu du crime. Quelques années plus tard, c’est un autre habitant de Kachgar qui a raconté la même histoire à un autre groupe. Plus tard, dans un village local, le groupe a fait la connaissance de policiers ouïghours ; lorsqu‘ils sont revenus un an plus tard, on leur a annoncé que leurs connaissances avaient été massacrées par des djihadistes abattus à leur tour par les autorités.
En 2007, on a pour la première et dernière fois du siècle parlé du Xinjiang à la télévision russe : quatre touristes russes ont trouvé la mort dans la rivière Yurungkach. L’évènement a fait beaucoup de bruit, évidemment, et une enquête a été ouverte. Le guide ayant mis le groupe sur cet itinéraire, comme tous les autres guides ouïghours, a répondu régulièrement aux sollicitations jusqu’à 2015. Après cette date, silence radio.
À peu près à la même époque, le Congrès mondial des Ouïghours, une organisation de défense des droits de l’Homme basée à Munich et fondée en 2004, a commencé à publier des informations effroyables concernant les disparus au Xinjiang. D’après eux, il était désormais interdit aux Ouïghours de contacter quiconque résidant au-delà des frontières de la province, même leurs proches. Les uns après les autres, ils ont cessé de répondre au téléphone. Les Ouïghours chinois ont retiré leurs amis vivant à l’étranger de leurs listes de contacts sur WeChat, l’application de messagerie la plus populaire de Chine. WhatsApp et Facebook étaient déjà bloquées depuis longtemps, mais leur utilisation était désormais passible de prison.
« Enterrer les corps des terroristes dans la mer infinie de la guerre civile »
Tant que le contrôle n’a concerné que les communications vocales et les tchats, certains parents ont continué de communiquer avec leurs enfants étudiant à l’étranger par vidéos, où les paroles échangées contrastaient fortement avec les messages écrits sur les feuilles de papier qu’ils affichaient simultanément. Quelqu’un a même réussi à établir une communication à partir d’un tchat de jeux vidéo. Ensuite, le silence est devenu total. Mon ami cycliste allemand, qui a voyagé au Xinjiang à l’automne 2016, m’a raconté avoir vu la ville de Hotan « entièrement recouverte de fils barbelés ». Le discours officiel aussi avait changé : à Pékin, on ne soutenait plus qu’il n’y avait dans l’opposition que de rares extrémistes. « On ne peut pas arracher les mauvaises herbes une par une. Il nous faut des produits chimiques afin de tout enlever en même temps », a déclaré un fonctionnaire du parti à Kachgar.
Quelques années auparavant, des caméras chinoises sont apparues au Tibet, capables de signaler à la centrale les foules suspectes. Elles ressemblent à des globes mobiles, de la taille d’une tête humaine et équipées de deux « yeux » ; mes amis tibétains estimaient que la ressemblance avec un visage était faite exprès pour les effrayer. Mais, lorsqu’en 2016, Chen Quanguo, le « pacificateur du Tibet » a été nommé secrétaire général du parti au Xinjiang, les mesures policières se sont révélées terribles, même en regard de l’expérience tibétaine.
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Au cours de l’un de ses premiers discours, le nouveau dirigeant a promis d’« enterrer les corps des terroristes dans la mer infinie de la guerre civile ». Trois mois plus tard, les arrestations ont commencé, ajoutant à partir d’avril 2017 aux motifs de répression les signes de religiosité superflue, le port de la parandja, de la barbe, de vêtements trop traditionnels, l’exégèse en public de versets coraniques, et même le fait de donner à ses enfants un prénom arabe. Les policiers ont reçu des consignes concernant le nombre d’arrestations à atteindre, et dans certaines zones les chiffres ont atteint 40 % de la population. Ceux qui étaient en désaccord ont été envoyés dans des « camps de rééducation » dont les portails blindés, les murs épais et recouverts de fil de fer barbelé, le tout renforcé par de très nombreuses sentinelles, semblaient sortis de nulle part, en pleine steppe désertique. Lorsque des sources ouïghoures ont commencé à révéler que dans ces camps étaient retenus prisonniers des centaines de milliers de gens, j’ai décidé d’enfin retourner dans le Xinjiang.
Cette fois-ci, je voyage avec ma propre voiture, mais se rendre en Chine est devenu beaucoup plus difficile que quinze ans auparavant. Il m’a fallu six mois pour obtenir l’autorisation d’entrer sur le territoire, que seule une agence de tourisme chinoise agréée peut donner. Nous devons rencontrer notre guide à la frontière, dont j’ai reçu le numéro de téléphone à l’avance. Appeler un guide ouïghour depuis un numéro étranger est tout simplement interdit au vu de la situation actuelle. Mais la sévérité des lois chinoises reste compensée par la volonté de les transgresser ; aussi, l’agence m’a-t-elle conseillé de tout simplement emprunter un portable aux gardes-frontières.
La majeure partie du gaz et du pétrole chinois provient du Xinjiang, et c’est par cette région que le carburant de Russie arrive en Chine. Mais il a surtout été décidé de faire de cette province autonome la plaque tournante des Nouvelles routes de la Soie, l’initiative chinoise finançant quantité d’infrastructures dans le but de relier les marchés chinois, moyen-orientaux et européens. Pour cette raison, cette région longtemps arriérée s’est vue brusquement inondée de moyens. Afin d’élever son réseau automobile au niveau des standards européens, la Chine a commencé à subventionner des constructions chez ses voisins. Ainsi, une voie ferrée reliant le Xinjiang au Kirghizstan et à l’Ouzbékistan est en développement. Si pour l’instant les trains n’y roulent pas encore, on peut remarquer que la chaussée que j’empruntais à l’époque s’est quant à elle parée d’un asphalte flambant neuf.
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Le baraquement miteux a disparu. Au nouveau poste de frontière kirghiz, un détachement entièrement équipé avec des armes modernes a remplacé le soldat somnolant. En 2014, un accrochage a eu lieu près de la frontière, au cours duquel onze Ouïghours qui avaient traversé la ligne de démarcation ont péri ainsi qu’un garde-forestier kirghiz. Ces clandestins ne possédaient pas d’armes à feu, seulement, chacun avait sur lui un coran, une boussole, un couteau, une corde ainsi qu’un linceul. Le gouvernement kirghiz et la commission chinoise ont considéré que ces objets témoignaient de l’appartenance des défunts à des groupuscules terroristes. C’est ainsi que le contrôle aux frontières a été renforcé.
Côté chinois, il n’y a de nouveau que la barrière, derrière laquelle des soldats au visage fermé montent la garde et photographient nos visages avant d’entrer nos numéros de passeport sur l’ordinateur. Une cinquantaine de mètres plus loin, à une deuxième barrière, cinq militaires inspectent soigneusement notre voiture. Puis, à nouveau, ils inspectent nos passeports et nous prennent en photo. Au cours des vingt minutes suivantes, nous passons par encore trois points de contrôle et pas moins de dix caméras. À la dernière barrière, une sentinelle portant des gants blancs nous dirige d’un geste de sa matraque vers un imposant bâtiment neuf, équipé de grilles automatiques. Il est plein à craquer de scanners et portiques de sécurité, tout neufs et brillants, semblables à du matériel médical.
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Notre guide, un Ouïghour corpulent en survêtement, nous attend ici. Il nous explique avec un sourire coupable que ces vérifications n’étaient en fait qu’un échauffement. Nous devons subir en tout trois phases de contrôle, chacune d’entre elles comportant deux à quatre étapes. Au début, les gardes-frontières examinent tous les téléphones confisqués au préalable, supprimant les photos précédentes prises par leurs collègues. C’est ensuite au tour des bagages de passer sous les rayons X. Livres et notes sont examinés séparément, et un gros volume sur la partition de l’Inde et du Pakistan, intitulé Freedom at Midnight, attire de très forts soupçons. Il leur faut s’entretenir avec les autorités compétentes par talkie-walkies interposés pour en arriver à la conclusion que le terme « liberté » n’est pas un motif suffisant de confiscation.
Contrôle douanier et militaire
Nous devons ensuite mettre la voiture dans le box afin qu’elle passe elle aussi aux rayons X. L’analyse des images n’étant cependant pas conduite sur place mais au département d’analyse à Urumqi, soit à 1 500 kilomètres de là, il faut attendre une heure avant de recevoir la réponse. Les radiographies sont floues, il faut s’y reprendre à trois fois. Systématiquement, un signal d’alerte dû au danger des radiations s’allume en raison de la puissance des rayons X, et une sirène lancinante retentit, mais personne ne semble y prêter attention.
Après le contrôle douanier, reste encore le contrôle militaire. Des individus en uniforme branchent à tous les ordinateurs un appareil spécial scannant tous les fichiers vidéo, photos, listes de contacts ainsi que tous les messages échangés. Il cherche les cartes, les visages et les prénoms. L’inscription « Mobile Hunter », en anglais dans le texte et gravée dans son épais caoutchouc, s’étale sur le flanc du gadget utilisé pour la vérification. Mais il n’arrive pas à se connecter à mon vieil ordinateur portable, aussi, mes photographies sont listées à la main. La présence de portraits de vieilles connaissances ouïghoures m’inquiète, mais les soldats malhabiles ne parviennent pas à les trouver, pas plus que mes archives contenant des photographies du Tibet. Frayeur soudaine. Durant toutes ces années passées à vadrouiller en Chine, je n’ai jamais rien eu de tel à subir.
Une application moucharde installée de force
Les militaires installent aux touristes qu’ils contrôlent à côté de nous l’application mobile JingWang Weishi, utilisée spécialement au Xinjiang pour le traçage des musulmans. L’application transmet à la police le numéro de série ainsi que le modèle de l’appareil et le numéro de son propriétaire. En conséquence de quoi elle surveille toutes les informations qui y passent, désignant à l’utilisateur les contenus considérés comme dangereux du point de vue officiel. J’avais déjà lu quelque chose au sujet de cette application, mais j’avais pris cela pour de simples rumeurs. En à peine cinq heures passées de l’autre côté de la frontière, j’ai déjà appris qu’elle est récemment devenue obligatoire pour tous les Ouïghours du Xinjiang. Je parviens à cacher mon portable.
Après les vérifications militaires, il nous reste encore à faire contrôler nos passeports, à 140 km de là, à l’intérieur des terres.
La route est méconnaissable : une chaussée magnifique serpente entre les dunes de sable, plongeant éventuellement dans un tunnel, traversant des rivières sur des ponts jamais vus auparavant en Asie. Étrangement, personne d’autre que nous ne semble l’emprunter, exception faite de chameaux qui encerclent soudain la voiture. Les descendants de ces mêmes camélidés sur les deux bosses desquels reposait toute la route de la Soie. Ils sont immenses, dépassant de loin la voiture, tels des robots tout droit sortis de Star Wars, et après avoir quelque peu galopé sur la chaussée, ils franchissent d’un bond, sans difficulté, les grandes glissières métalliques entourant la route, avant de disparaitre au loin dans le désert.
Une surveillance de tous les instants
Là où ils se dirigent, le Xinjiang ne semble pas avoir changé d’un iota. Il est toujours ce désert immense, infini, une mer faite de dunes de sable, de lacs mouvants, de pics enneigés dominants l’horizon, de rivières tumultueuses cachées au plus profond d’étroits canyons. Comme par le passé, chaque écart de la route est la promesse d’une aventure telle qu’une irrésistible envie m’étreint d’envoyer au diable le tampon sur le passeport et de foncer me perdre au détour des dunes de sable.
Mais tout cela n’est plus possible car désormais chaque mouvement est épié et enregistré par des caméras placées à intervalles réguliers tout au long de la route. Elles ne possèdent qu’un œil, mais sont cependant souvent par groupe de trois à cinq. Outre la plaque d’immatriculation, elles enregistrent également le visage du conducteur. À la nuit tombée, un projecteur s’allume au-dessus de chacune d’elles, largement plus aveuglant que n’importe quels feux de route. Traversant un énième point de contrôle, j’essaye tant bien que mal de protéger mes yeux de l’éblouissement afin de pouvoir continuer à regarder la route. Ce geste anodin ne passe pas inaperçu : les quatre caméras se mettent en même temps à clignoter violemment, comme un stroboscope.
Des barrages ponctuent la route tous les 20 à 30 kilomètres. S’y côtoient de lourdes barrières en acier et des hérissons tchèques capables d’arrêter des tanks. Les passagers des autobus ouïghours s’accumulent, formant de longues files au niveau des tourniquets menant aux cabines où se trouve le scanner de reconnaissance faciale. Il mène lui-même à un guichet à travers lequel ils reçoivent le résultat du scanner apposé à leur carte d’identification plastifiée. De nombreuses personnes sont sommées de brancher leur téléphone à un Mobile Hunter, ou parfois tout simplement de donner leur mot de passe puis leur portable aux policiers. La foule s’amasse, habituée mais abattue. Au plafond de chacun de ces postes de contrôle, les mêmes caméras aux flashs éblouissants épient les moindres gestes. Je remarque que désormais, seuls les vieillards portent la barbe.
Il y a trois ans, les autorités chinoises ont révélé leur projet de fusionner les systèmes de vidéosurveillance à reconnaissance faciale publics et privés afin de former une base de données commune capable de couvrir l’ensemble de la population d’ici à 2020.
La région avait déjà abrité les premiers essais nucléaires chinois à l’époque, et c’est donc encore le Xinjiang qui a été choisi comme cobaye pour le programme de vidéosurveillance : on y trouve la majeure partie des 20 millions de caméras en service dans tout le pays. Bien qu’elles ne soient pas toutes équipées d’« yeux », leur nombre suffit à effrayer. Un sentiment que les sources officielles viennent renforcer : en 2016, les dépenses chinoises pour la sécurité intérieure ont dépassé de 13 % celles pour la défense. Entre 2014 et 2016, la région du Xinjiang a dépensé deux fois plus que les autres régions en vidéosurveillance ; et en 2017, trois fois plus.
Aujourd’hui, il ne faut pas plus de sept minutes à la police chinoise pour repérer dans une foule puis faire arrêter n’importe quel individu « suspect » dont les traits correspondent aux données entreposées dans la gigantesque base.
Des technologies de surveillance exportées
Ayant introduit avec succès la vidéosurveillance au Xinjiang, la Chine a exporté sa technologie. En 2016, une filiale de CEIEC, la compagnie étatique chinoise chargée de développer les infrastructures de vidéosurveillance, a ouvert en Équateur. Plus grand importateur de pétrole équatorien, la Chine lui a accordé un prêt de plusieurs millions afin de réaliser un projet dans le cadre duquel des caméras ont été installées dans une vingtaine de provinces équatoriennes. L’agence de presse Xinhua a déclaré en janvier 2018 que, grâce à cette initiative, la criminalité dans le pays avait baissé de 11,8 %. Dans le cadre d’un nouvel accord entre le CEIEC et l’Équateur, l’entreprise chinoise va lancer un système de géolocalisation permettant de tracer les portables des habitants.
D’autres filiales ont ouvert à Cuba, au Brésil, en Bolivie et au Pérou, tandis que la compagnie a déjà travaillé sur un système de censure Internet pour le compte du gouvernement ougandais et essaye de s’étendre sur le continent africain. Dans l’onglet « Europe » sur le site du CEIEC, on ne trouve pour l’instant qu’un seul bureau d’ouvert : il se trouve à Moscou.
Au Xinjiang, le nouvel ordre de surveillance ne se limite pas à la vidéosurveillance. Au cours de sa première année de mandat, Chen Quanguo a renforcé les forces de police d’une dizaine de milliers de nouvelles recrues, et leurs effectifs continuent de croître. Les fonctions les plus basses sont souvent remplies par des Ouïghours eux-mêmes. J’ai pu assister, au loin, à leurs entraînements sur l’un de leurs postes à l’entrée de la ville de Kachgar. En manœuvre sur leur terrain de parade, une vingtaine d’hommes et de femmes couraient en tous sens, tentant à l’évidence d’encercler une foule invisible. Si les nouvelles recrues ne semblent pour l’instant pas très menaçantes, on ne peut pas en dire autant de leur équipement.
Des policiers armés de lances
Seuls les commandants chinois possèdent des armes automatiques. Les recrues ouïghoures sont armées de lances au manche en caoutchouc avec une pointe en acier, de longues matraques qu’il faut tenir à deux mains ainsi que d’autres sortes de fourches à deux branches, destinées à enserrer le coup de l’ennemi.
J’avais vu ces mêmes instruments au Tibet, où ils étaient vraisemblablement utilisés dans le but de neutraliser les moines sur le point de s’immoler par le feu. Les policiers pouvaient ainsi immobiliser ces lamas, en refermant la partie circulaire sur leur cou, tout en les maintenant à distance. Un autre modèle circule au Xinjiang, où la partie en bois du manche a été remplacée par du caoutchouc ou du plastique. On peut également voir briller sur le cercle en métal des électrodes, les mêmes que sur les boucliers dont les policiers ne se séparent jamais. Le bas de chaque bouclier est désormais fendu en une sorte de gueule effrayante dressé de pics, qui semble avoir été conçue pour s’abattre sur le cou de l’adversaire.
Le lendemain matin seulement, j’ai enfin réussi à faire tamponner mon passeport et à faire définitivement valider ma voiture au contrôle douanier. En tout et pour tout, traverser la frontière m’aura pris vingt-six heures. Cette après-midi-là, j’ai enfin pu entrer dans Kachgar. Ou plutôt devrais-je dire dans la nouvelle ville bâtie sur une capitale ancienne à l’apparence magique, où je rêvais de retourner depuis de longues années.
Kachgar défigurée
Les fondamentaux de l’urbanisme chinois n’ont pas changé depuis le VIIème siècle : il s’agit généralement d’un réseau de quartiers symétriques et perpendiculaires, du nord au sud. Le chaos bouillonnant de l’enchevêtrement de ruelles étroites de la vieille ville ouïghoure était incompatible avec ce modèle. Les urbanistes chinois sont restés aux prises avec l’ancienne Kachgar des années durant, mais j’étais loin de m’imaginer ce en quoi ils comptaient la transformer. Les allées qui serpentent, les murs façonnés à la chaux, les mosquées en brique de sable, tout cela n’existe plus. Mais, au lieu des immeubles chinois auxquels on pourrait s’attendre, c’est une espèce de Disneyland à grande échelle qui les a recouverts.
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Ils ont transformé l’ancienne oasis en ville nouvelle et pratique, en s’efforçant de la faire ressembler à l’ancienne. Les ruelles étroites sont devenues de larges allées que peuvent emprunter sans difficultés camions de pompiers ou blindés. Chaque maison a l’eau courante et est intégrée au réseau des canalisations. Mais on en a retiré toute once d’âme, un peu comme a disparu l’odeur qui s’échappait des cuisines enfumées après que les arrivées de gaz ont été faites. Des maisons elles-mêmes, seules ont demeuré les portes sculptées, comme gage d’authenticité. 
Les nouvelles constructions se veulent fidèles à l’architecture ouïghoure, mais les murs à la chaux semblent en toc. Les ouvertures à la perceuse n’ont rien à voir avec les petites fenêtres de l’époque, au même titre que les dallages ne peuvent remplacer les pavés anciens.
La plus grande perte reste celle de la vitalité de la rue. C’en est fini des forgerons et des crieurs de rue, des menuisiers qui sculptent des jarres en écorce de citrouille, des marchands à la sauvette, et des ânes attelés faisant office de taxis. Les vieillards coiffés d’une traditionnelle tubeteïka continuent à boire dignement leur thé dans des pialas au milieu des allées bordées de fleurs, mais leur mine est hagarde. Les touristes chinois qui les photographient à longueur de journée les surpassent désormais largement en nombre.
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Dans les marchés qui ont subsisté sur la place centrale, des commerçants vendent toujours des nouilles et de la tête de mouton, mais les clients sont désormais exclusivement chinois, tandis que les marchands ouïghours portent un brassard rouge orné d’un idéogramme doré, qui atteste qu’ils ont reçu la licence d’État pour exercer.
Un poste de police par rue
J’ai essayé de retrouver des connaissances, en vain. Je n’ai même pas réussi à reconnaître là où elles habitaient. Chaque rue comprend désormais un poste de police entouré de barbelé. On trouve des caméras de surveillance partout, sur le toit des immeubles, sur des supports vissés aux murs, sur les lampadaires, voire sur des poutrelles métalliques traversant les rues, prévues spécialement à cet effet.
La ville est divisée en quartiers, et pour les traverser, chaque Ouïghour doit présenter sa carte d’identité plastifiée, faire passer son sac par un portique de sécurité, scanner sa pupille, et dans certains cas, remettre au policier son téléphone pour qu’il soit vérifié. La même procédure les attend à la banque, à l’hôpital, au supermarché et dans les passages souterrains. Les rues sont quadrillées par des blindés, les forces spéciales ainsi que des brigades composées d’équipes de volontaires ouïghours, qui arrêtent périodiquement des passants pour un contrôle d’identité. Après avoir remarqué que j’avais photographié un policer, trois d’entre eux m’ont fait supprimer les clichés et nous ont ouvertement suivi pour le reste de la soirée.
Quelques mosquées survivantes mais fermées
Quand enfin je parviens à trouver les quelques mosquées survivantes, leurs portes ouvragées étaient sous scellés. Près de la madrassa (également fermée), au carrefour, un homme en costume traditionnel (un fourreur visiblement) est assis, rapiéçant une coiffe ouïghoure. Mais l’homme comme la coiffe sont en fait en bronze. On vend de vrais chapeaux de fourrures dans des échoppes à souvenirs, mais impossible de mettre la main sur un véritable artisan.
Aux ceintures comme dans les anciens points de vente, les incroyables couteaux traditionnels ont disparu. Au son du mot bichaq, le malaise devient palpable parmi les vendeurs. Seul un antiquaire m’a sorti de dessous son comptoir une lourde boîte où reposaient de magnifiques manches richement  décorés, dont les lames avaient visiblement été grossièrement arrachées à la disqueuse. Actuellement, même pour acheter de simples couteaux de cuisine, les Ouïghours sont obligés de faire graver au laser un QR code sur la lame permettant d’en identifier le propriétaire. À Aksou, dans les restaurants, on fixe les couteaux aux murs des cuisines avec des chaînes.
À deux pas de ce magasin faisant commerce des vestiges du passé se tenait à l’époque un tandoor où cuisaient les meilleures lepiochkas de la ville. J’arrive à reconnaître le lieu, bien qu’il ait lui aussi été agrémenté d’un massif monument de bronze, représentant grandeur nature le pain et le boulanger. Des touristes se prennent en photo à côté.
À Kachgar, on a exterminé non seulement des monuments culturels millénaires mais aussi l’histoire elle-même. Quelques jours plus tard, j’entame une conversation avec un jeune homme, qui au bout de deux-trois questions, me demande de changer de siège d’un geste presque imperceptible, afin que les caméras ne nous enregistrent pas. Je souhaite savoir quelle mémoire de la première république du Turkestan oriental a perduré ici et quel rôle les troupes venues d’URSS avaient pu jouer dans son écrasement. Mes questions semblent avoir éveillé un enthousiasme inattendu de la part d’Ehmet : il se trouve qu’il est justement étudiant en histoire.
Poussant de côté sa tasse de thé vert, que l’on continue à servir partout et gratuitement dans tout Kachgar, Ehmet chuchote soudain : « On conserve encore chez moi de vieux manuels scolaires où l’on parle de ces gens-là ».
Alors que j’essayais de me figurer comment consulter d’anciens manuels sans mettre en danger la sécurité de leur propriétaire, j’apprends que le plus ancien d’entre eux n’a en réalité qu’un peu plus de dix ans seulement. « Tous les livres imprimés avant 2009 ont été confisqués il y a un peu plus d’un an », m’a-t-il expliqué. « Ils ont juste été de maison en maison pour récupérer ce que nous n’avions pas réussi à brûler nous-mêmes », décrit Ehmet. Il a réussi à sauver deux livres avec lesquels on étudiait à l’université mais il a vraiment fallu détruire les plus anciens, la peine en cas de contrôle pouvant monter jusqu’à sept ans de camp.
Des visites impromptues
Les brigades de citoyens actifs, qui se composent généralement de policiers, de membres du parti et d’au moins un Ouïghour, sont une des nouveautés venues bousculer le quotidien au Xinjiang. Ils passent régulièrement chez les familles ouïghoures pour poser, selon l’expression employée par mon interlocuteur, « des questions étranges » et vérifier si elles ne conservent pas d’objets illicites, ou de livres interdits. De telles visites de courtoisie peuvent se poursuivre pendant des heures, voire des jours entiers. « Ils viennent quand ça les arrange, à n’importe quel moment. Mais il y a environ un an, ils ont commencé à nous parler de plus en plus souvent d’islam, à nous demander si nous lisions le coran », décrit Ehmet. « Et à la même période, il y a donc à peu près un an, quand ils sont venus récupérer les livres et que des connaissances à nous ont commencé à disparaître, on a compris que tout ça était lié aux notes. »
Officiellement connu sous le nom de « système de crédits sociaux », la distribution de points de loyauté a été annoncée en Chine il y a quatre ans. Comment précisément marche le système, nul ne le sait, mais il est un fait avéré que les notes s’appuient sur toutes les informations que le gouvernement peut réunir sur chaque citoyen. La solvabilité bancaire, les amendes au volant, l’adoption de comportements répréhensibles sur Internet (incluant le « mauvais » shopping) ainsi que fumer dans des lieux publics sont connus pour entrer dans les critères de notation. Porter des lunettes peut faire gagner des points, de même qu’avoir donné son sang, avoir participé à projet caritatif ou encore écrit une ode au parti communiste chinois. 
Mais en perdre est également très facile : il suffit de trop jouer aux jeux vidéos, ou bien d’aller trop souvent à la mosquée. Effectuer des voyages dans des régions instables rentre également en ligne de compte, ainsi qu’avoir une conversation (enregistrée par une caméra de vidéosurveillance) avec des indésirables.
Une bonne note permet de réserver un hôtel sans avoir à fournir de caution, à bénéficier de réductions sur les services publics ou à négocier un meilleur taux de remboursement de son crédit. Lorsque l’on n’a pas beaucoup de points, il devient plus difficile de trouver du travail ou de louer un appartement. Quand votre note dégringole encore plus bas, les problèmes empirent. Vous perdez de votre liberté de mouvement, on vous refuse l’accès aux bons magasins, voire même l’inscription sur des sites de rencontres. On entend comme ça souvent parler d’enfants refusés dans une bonne école en raison de la note insuffisante de leurs parents. Le système est encore à l’état d’expérimentation, mais déjà l’on refuse des millions de Chinois à bord de vols internes en raison de leur note sociale.
Une dystopie sanglante
Au Xinjiang, où chaque habitant est déjà presque constamment sous surveillance, ce cauchemar futuriste a pris les traits d’une dystopie sanglante. Une intelligence artificielle en charge d’analyser ces données divise ensuite la population en plusieurs catégories de citoyens : « inoffensifs », « normaux » et « dangereux ». L’âge, la confession, le casier judiciaire éventuel ainsi que les contacts avec des étrangers entrent dans le calcul. Il est de plus en plus probable qu’à l’avenir des échantillons d’ADN pèseront dans la balance.
En septembre 2016, un premier appel à candidatures a été lancé sur les réseaux sociaux par les services de police qui recherchaient des volontaires acceptant de laisser prélever leur ADN. Human Rights Watch a révélé deux mois plus tard que cette procédure était devenue obligatoire au Xinjiang pour retirer son passeport. Presque tous ceux qui ont fui le pays évoquent les menaces qui pèsent sur la famille, la collecte à grande échelle de matériel génétique ouvrant la voie à un élargissement des persécutions à l’encontre des membres de la famille.
Mon interlocuteur est fermement convaincu que n’importe quel Ouïghour perd dès le départ une dizaine de points de par son ethnicité, justement impossible à cacher avec les tests ADN (sujet à propos duquel on a pu s’informer dans les médias occidentaux). Lui-même a, comme des millions d’autres, laissé prélever sa salive et son sang au cours d’une visite médicale gratuite organisée par le gouvernement.
« Tout a vraiment commencé cette année »
« Vous ne pouvez pas comprendre », me répète-t-il systématiquement avec force. « Tout a vraiment commencé cette année. Tu roules à moto sans casque ? Tu perds des points. Tu mets deux passagers à la place d’un seul ? Pareil. Tu passes souvent dans une rue où vivent des « extrémistes » ? Ta note chute, et tu finis en prison. On t’a filmé à côté de la mauvaise personne ? Sois prêt à répondre à beaucoup, beaucoup de questions. Pourquoi tu as appelé ce numéro ? Pourquoi on te voit sur la vidéo en compagnie d’untel ? Il faut toujours avoir une bonne explication », décrit Ehmet. 
Pendant que nous discutions, un groupe de femmes s’est progressivement constitué sur la place voisine, portant toutes la même chemise blanche, comme un uniforme. Elles ont pris place sur des tabourets disposés plus tôt devant un grand tableau recouvert de longues lignes de caractères. La leçon obligatoire de chinois vient de commencer. Des leçons de ce type sont organisées dans toute la province autonome, et y assister fait partie des critères de notation. Quelques individus portant un brassard rouge semblent veiller au bon déroulement de la leçon. À leur arrivée, Ehmet a tout de suite changé de sujet.
En nous séparant, je lui propose de prendre mes coordonnées ; il est clair qu’il ne servirait à rien d’écrire le premier.
« Merci, c’est inutile ; [si on les trouvait] ce serait un prétexte à encore plus de questions : qui est cette personne ? De quoi vous avez parlé ? Un jour, tout ça s’arrêtera et alors nous nous reverrons, et sans coordonnées cette fois », a-t-il répondu. Je n’ai pas senti de conviction dans ses mots.
Me laissant seul sur le banc, Ehmet s’est dirigé vers le passage souterrain. Au coin de la rue, on l’interpelle : comme tous les Ouïghours, il doit se faire enregistrer dès qu’il sort d’un quartier.
En février 2018, Foreign Policy a réussi à interviewer Iman, un étudiant ouïghour poursuivant son cursus aux États-Unis. Il a raconté qu’après s’être rendu en Chine l’année dernière pour les vacances, on l’y avait arrêté dès son arrivée à Pékin, alors qu’il était encore dans l’avion. Un interrogatoire de neuf jours dans une prison pékinoise s’en est suivi avant qu’il ne soit décidé de l’envoyer au Xinjiang, menottes aux poignets, à destination d’un « camp de rééducation ».
La rééducation d’Iman s’est déroulée dans la cellule qu’il partageait avec dix-neuf autres détenus ouïghours. Ils défilaient, scandant des slogans du type : « À entraînement assidu, apprentissage minutieux ! » et regardaient pendant des heures des films de propagande. Il était autorisé de s’asseoir sur les couchettes lors de la pause d’après déjeuner, avant de défiler une nouvelle fois et que le visionnage de films de propagande ne se répète jusqu’au dîner. Iman s’est lié d’amitié avec un de ses codétenus, âgé d’une soixantaine d’années, condamné pour avoir interprété le Coran dans des messages échangés avec sa fille sur Messenger. Il a été condamné à sept ans de camp. Iman a eu plus de chance : on l’a laissé sortir au bout de dix-sept jours. Mais les caméras reconnaissent son visage désormais, et on a commencé à lui refuser l’accès aux transports en commun, puis aux supermarchés. Il a finalement pu obtenir une autorisation de poursuivre ses études aux États-Unis, mais les policiers l’ont prévenu : il ferait mieux de garder pour lui ce qu’il a vu : « Tes proches restent ici, et nous aussi ».
Plus de dix ans de répression
Cela fait dix ans qu’on écrit sur les arrestations et les condamnations d’Ouïghours chinois. En 2009, deux journalistes ont pris treize ans pour « atteinte à la sécurité d’État ». La même année, Gulmira Imin a été accusée d’appel à manifester illégalement et de violation du secret d’État, après avoir publié sur Internet des vers en langue ouïghoure. Elle a été condamnée à perpétuité. En 2010, un nouveau journaliste écope de quinze ans. En 2014, un écrivain a été condamné à huit années de camp tandis qu’un des intellectuels ouïghours les plus connus, Ilham Tohti, a été condamné à perpétuité pour « appel au séparatisme ». Sept étudiants ont été arrêtés en même temps que lui.
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En 2015, le linguiste Abduweli Ayoup, qui enseignait l’ouïghour à l’école, ce qui est désormais interdit, a été arrêté à un poste de contrôle qu’il emprunte deux fois par jour pour aller au travail et en revenir. Un essai a été trouvé dans son ordinateur, écrit il y a quelques années, alors qu’il étudiait au Kansas. Après un interrogatoire de plusieurs heures, ils l’ont finalement relâché. Abduweli Ayoup a réussi à s’enfuir à Ankara, et c’est d’ailleurs la seule raison pour laquelle on connaît son histoire.
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En 2016, des blogueurs ainsi que des administrateurs de forums ouïghours ont été arrêtés. En 2017, deux personnalités ont disparu sans laisser de traces : un universitaire renommé dans tout le pays, Heymurat Gopour, ancien président du département d’agro-alimentaire du Xinjiang ; et un chanteur célèbre, autrefois acclamé par les autorités, Abdurehim Heyit, dont les chansons n’avaient jusqu’alors jamais été soumises à la censure. La même année, c’est un jeune footballeur de dix-neuf ans, qui avait joué par le passé pour les Jeunesses chinoises, qui a été arrêté au marché. Le chef d’accusation était d’avoir visité d’autres pays en participant à des matchs internationaux.
À l’automne 2017, Kaïrat Samarkhan, un Kazakh ayant émigré il y a peu au Kazakhstan, comme bon nombre de ses compatriotes, est revenu dans son Xinjiang natal afin de vendre sa maison et son terrain. Une fois de retour dans sa région, il a été soumis à un interrogatoire. Comme il l’a raconté à Radio Liberty, on lui a demandé ce qu’il faisait au Kazakhstan et s’il « avait fait ses cinq prières ». L’interrogatoire a duré trois jours entiers pendant lesquels on l’a empêché de dormir.
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Kaïrat Samarkhan a été condamné à neuf mois de « rééducation ». Il y a rencontré trois catégories de détenus : les incarcérés pour religiosité superflue, ceux pour violation de l’ordre public et enfin ceux qui avaient séjourné à l’étranger. D’après ses calculs, il y avait environ 5 700 prisonniers dans le camp, dont 3 000 Kazakhs, 2 000 Ouïghours et 200 Dounganes, ethniquement chinois et musulmans. Ils y ont étudié tous les documents liés au dix-neuvième congrès du Parti communiste chinois, qui s’est tenu en 2017, et ont également suivi des cours durant lesquels on leur a inculqué de respecter le secret d’État, de ne pas être musulman mais aussi de ne pas discriminer les gens sur des critères ethniques. Tous mourraient de faim. Kaïrat Samarkhan a lui-même expliqué avoir été libéré après une tentative de suicide, mais il n’a finalement pu rejoindre sa famille au Kazakhstan qu’après que le ministre des Affaires étrangères kazakh s’en est mêlé.
En janvier 2018, Muhammad Salikh Khadjim, premier traducteur du coran en langue ouïghoure, est décédé en détention à 82 ans, quarante jours après son arrestation. Comment, personne ne le sait encore. Ses proches et sa fille, arrêtés avec lui, sont toujours en détention. Des informations nous sont également parvenues en mai concernant les quatre individus les plus riches de Kachgar. Ils ont été condamnés, si l’on additionne leurs peines, à quarante-deux ans de prison pour « extrémisme religieux ». L’anthropologue de renommée internationale Rahil Davut avait été arrêtée peu auparavant, à 52 ans. Jusqu’ici, ses recherches étaient soutenues par le pouvoir central. Ses proches ont gardé le secret sur son arrestation pendant huit mois, espérant la faire libérer, en vain : on n’a jamais plus entendu parler d’elle.
En rentrant du marché nocturne de Kachgar, on doit systématiquement passer par un checkpoint, chose aisée pour un Chinois ou un Européen, mais pas pour les Ouïghours qui doivent faire tamponner leur carte et faire scanner leur pupille. Le checkpoint est bruyant car trois policiers, flanqués de leurs éternels boucliers-tasers et matraques, viennent tout juste d’arrêter un groupe de jeunes. Ils les accompagnent au poste de police le plus proche. Les prévenus marchent en file indienne, les mains sur la nuque, entourés de policiers.
Lorsque le premier de la file, de toute évidence dépourvu d’instructions, fait mine d’entrer dans le poste de police, on le fait brutalement asseoir au sol. Les autres s’accroupissent immédiatement, face au mur, on ne les a pas autorisés à baisser les mains. En une minute, trois camions débarquent tous gyrophares dehors, on y fait monter les jeunes gens et le cortège disparaît aussi vite qu’il est apparu. Il n’y a personne à qui demander ce qui s’est passé, et à quoi bon. Ils peuvent aussi bien être relâchés après un interrogatoire et une leçon de morale qu’être envoyés au tribunal ou directement dans un camp.
Des camps de rééducation pour Pékin
Bien que Pékin nie l’existence même de ces camps de rééducation, ils ont pour la première fois été évoqués dans le rapport du parti communiste chinois de 2015. Il y est écrit que dans le « centre de formation pédagogique » de Hotan sont internées trois mille personnes « aveuglées par le fanatisme religieux ». Deux ans plus tard, le lapsus d’un fonctionnaire de Kachgar ne laisse plus de place au doute. Alors en train de raconter que dans la seule ville de Kachgar se trouvent quatre de ces centres, dont le plus grand se trouve dans un ancien collège, il a laissé échapper que 120 000 personnes y étaient détenues. Il est malheureusement plus que probable que ce chiffre soit encore grandement sous-estimé.
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La rééducation n’est pas considérée comme une condamnation pénale en Chine. De plus, les accusations n’étant pas présentées formellement, aucune statistique ne peut être enregistrée. Néanmoins, l’envergure de la répression devient visible même à l’étranger : les camps sont visibles par image satellite. Les enfilades de baraquement barricadés d’une double clôture et flanqués de miradors essaiment partout, tandis que ceux qui existent déjà ne cessent de s’agrandir.
Chercheur à l’École européenne de la culture et de la théologie, Adrian Zenz a analysé les contrats d’État chinois dans le secteur du bâtiment et découvert que 73 projets étaient en fait des chantiers de centres de rééducation. D’après les données du chercheur allemand, l’État construit un nouveau camp dans presque chaque recoin du Xinjiang, et d’avril à septembre 2018, 108 millions de dollars (90,7 millions d’euros) ont été consacrés à leur construction. Certains appels d’offre révèlent des constructions sur une surface de presque dix hectares, avec des bâtiments séparés pour les gardes. De nombreuses annonces de recrutement de personnel ont été recensées par les chercheurs. On attend des candidats qu’ils aient « des connaissances en psychologie criminelle », « une expérience préalable dans les forces de l’ordre » et enfin de « n’avoir peur de rien ».
À Genève, en 2018, Gay McDougall, membre du comité onusien de lutte contre les discriminations raciales, a littéralement décrit le Xinjiang comme un « gigantesque camp de concentration », supposant qu’un million de personnes étaient internées dans « ces centres de transformation ». À la même occasion, Dolkun Isa, le président du Congrès mondial des Ouïghours, a estimé qu’en réalité le chiffre serait d’environ trois millions d’internés, soit près d’un tiers de la population ouïghoure totale.
La réponse de la délégation chinoise n’est arrivée qu’au bout de trois jours, un gradé du parti expliquant que « toutes les ethnies présentes sur le territoire chinois vivent en paix et en harmonie, jouissant de la liberté de conscience », sans « aucun camp de rééducation ». Global Times, journal d’État chinois publié en anglais, avait réagi plus tôt, titrant : « La paix et la stabilité avant tout », qu’il faut atteindre « en prenant toutes les mesures qu’il faudra ».
Nous avions prévu de faire une excursion au désert du Taklamakan, dans l’espoir de visiter les ruines des villes bouddhistes, perdues dans les mémoires et les vestiges de sable des civilisations antéislamiques. Seulement, le dernier jour, le guide avec lequel nous avons convenu de faire cette excursion se voit refuser l’autorisation de quitter la ville : son autorisation d’entrée dans une zone fermée s’avère insuffisante, un accord du comité autonome de la région étant nécessaire. Le guide, ne comprenant pas ce refus, est encore plus nerveux que d’habitude. L’agence propose de le remplacer, mais l’atmosphère a déjà commencé à me peser sérieusement sur le moral, aussi nous décidons de partir plus tôt que prévu pour le Pakistan.
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Je suis alors très inquiet concernant les photos que j’ai cachées et, surtout, l’enregistrement de ma conversation avec Ehmet. On ne peut pas appeler d’amis, on nous surveille depuis le premier jour, de nos appels téléphoniques jusqu’à nos moindres mouvements. Il nous est impossible de sortir de la ville sans être accompagnés. La paranoïa a fini par me gagner : j’ai l’impression que des agents me suivent en permanence, j’ai un mouvement de recul quand quiconque m’approche, un peu comme ceux des marchands lorsque je cherchais des bichaqs. Il y a à peine dix ans, je m’étais rendu au Xinjiang pour voir de mes propres yeux cette vie millénaire ou presque ; mais ici, aujourd’hui, c’est l’avenir que l’on entrevoit, un avenir qui semble tout droit sorti des pires cauchemars de George Orwell ou d’Ievgueni Zamiatine.
Nous nous retrouvons à Tachkourgan pour la dernière matinée, une autre ville de la branche sud de la route de la Soie. Faire le plein au bord de la route n’est pas facile. Au Xinjiang, les barrières encadrant les stations-service saturées de barbelés ne s’ouvrent qu’à condition de scanner sa carte d’identification ; chaque litre de carburant acheté est enregistré dans le système. Seulement, je n’ai pas de carte. Après une attente interminable, les soldats gardant l’accès à la pompe à essence nous autorisent l’accès grâce à mon permis de conduire temporaire chinois. En face, quelques dizaines d’Ouïghours s’étalent le long du bâtiment, en rang, raides, au garde-à-vous, entourés par des policiers formant un périmètre de sécurité. Ils ne sont pourtant pas en état d’arrestation : ils écoutent tout simplement le sermon politique avant d’aller au travail.
Une fois le plein effectué, je sors et commence à remonter doucement par la route du Karakorum. Des chameaux sont en train de paître entre les yourtes kirghizes éparses sur les collines. À mesure que nous montons, ils cèdent la place à des yacks au pelage majestueux, traversant paisiblement la route sous l’œil des caméras. En bas, le périmètre de sécurité a disparu ; après avoir salué le drapeau chinois, les Ouïghours peuvent partir, chacun de leur côté, avant de devoir se réunir à nouveau au même endroit la semaine suivante.
Journaliste anonyme pour Meduza
Traduit du russe par Élizabeth Lallier
Édité par Baptiste Longère
Relu par Anne Marvau
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elallier@live.fr
Quel récit! Merci de nous l’avoir traduit et partagé!
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