Une projection 3D du film "Avatar" de James Cameron en Chine en 2009AFP
En 2009, lorsque James Cameron sort Avatar, une épopée de science-fiction tournée en 3D et peaufinée pendant une décennie, le réalisateur canadien annonce une nouvelle ère pour le 7e Art: celle du cinéma 3D, qui propose une fluidité d’images sans précédent et une immersion dans un monde virtuel jusqu’alors inédite.
La promesse avait alors séduit le public, et le film récolté plus de 2 milliards de dollars au box-office mondial. En France, 15 millions de spectateurs s’étaient rués dans les salles. “J’avais hâte de voir un film en 3D sur grand écran”, se souvient Guillaume, un fan de la première heure. “C’était un fantasme. C’était la promesse de nouveaux horizons.”
Treize ans plus tard, les salles ont accéléré leur mutation vers le numérique, mais la révolution annoncée n’a pas eu lieu. Passé la surprise Avatar, et le succès de grands spectacles comme L’Odyssée de Pi (2012) et Gravity (2013), l’intérêt du public s’est très rapidement émoussé.
En 2011, alors que Hollywood convertit en 3D toutes ses superproductions, un sondage réalisé pour Le Film français révèle que 80% des spectateurs sont insatisfaits du relief. En cause, des lunettes 3D assez inconfortables, qui provoquent des migraines chez certains spectateurs.
Il y a aussi une incompréhension d’une part du public face à une technologie qui ressemble plus à un gadget qu’à une réelle avancée technologique. Pour beaucoup, “l’expérience 3D la plus impressionnante de leur vie reste la pub Haribo”, plaisante Marc Moquin, directeur de la rédaction de Revus & Corrigés, dont le dernier numéro revient sur la révolution numérique des années 2000.
Lorsque James Cameron popularise la 3D, cette technologie en est à son troisième comeback. Une première mode est lancée dans les années 1950 (avec notamment Le Crime était presque parfait d’Alfred Hitchcock), suivie d’une deuxième dans les années 1980 (avec Les Dents de la mer 3D). L’histoire du cinéma a toujours été liée aux progrès technologiques.
Entre 2009 et 2014, le relief vit un âge d’or. “Jamais le relief n’avait connu une telle exploitation”, s’enthousiasme ce spécialiste de James Cameron. Mais les conditions de projection n’étaient pas toujours parfaites: “On s’échangeait les tuyaux pour savoir quelles étaient les meilleures salles en projection 3D, parce que les exploitants ne boostaient pas suffisamment la luminosité de l’écran et celui-ci était trop sombre.”
Le succès d’Avatar devait donner lieu à de nombreuses opportunités pour construire des images nouvelles au cinéma. L’inverse s’est produit: la 3D s’est bel et bien généralisée, mais pour des raisons principalement commerciales. “Alice au pays des merveilles (2010) de Tim Burton a été converti dans la foulée d’Avatar pour augmenter le prix en caisse”, rappelle Marc Moquin.
“Rien ne remplace le tournage en relief”, ajoute Julien Dupuy, encore sous le choc de The Walk (2015) de Robert Zemeckis, “un des grands films en relief”. La conversion 3D était aussi en enjeu commercial en Chine, où le public est friand d’images de synthèse et de 3D. Luc Besson a ainsi fait convertir Lucy (2014) en 3D pour le marché chinois, et a rencontré un grand succès.Venom (2018) a connu le même destin.
Sans pour autant rencontrer de succès fracassant au box-office, quelques films ont su exploiter au maximum les possibilités de la 3D. “C’est comme la couleur et le son, ça permet de rajouter des figures de style et un peu plus de vocabulaire à la linguistique cinématographique”, résume Julien Dupuy.
Paradoxalement, c’est sous l’impulsion de vieux briscards que la 3D a été la mieux utilisées à l’écran. Steven Spielberg (Tintin, 2011), Ridley Scott (Prometheus, 2012), Francis Coppola (Twixt, 2012) et même Jean-Luc Godard (Adieu au langage, 2014) ont su proposer des films uniques en leur genre. Idem pour Werner Herzog (La Grotte des rêves perdus, 2010), Wim Wenders (Pina, 2011) et Martin Scorsese (Hugo Cabret, 2011).
Certains blockbusters cultes (La Menace Fantôme, Jurassic Park, Top Gun) ont eu droit à leur conversion 3D, avec des résultats inégaux. Seule la version en relief de Titanic (1997), supervisée par Cameron lui-même, a séduit un large public. Sortie en 2012, pour le centenaire du naufrage, Titanic 3D a récolté plus de 341 millions de dollars de recettes. “C’était génial”, se remémore Julien Dupuy.
À l’exception d’Alfonso Cuaron (Gravity), aucun réalisateur de la nouvelle génération ne s’est emparé de la 3D. Tous rêvent au contraire de pellicule et d’effets pratiques. “Ils rêvent d’un cinéma plus ancien. Avec l’arrivée du numérique, ça a éveillé chez eux une nostalgie de quelque chose qui disparaîtrait, d’une esthétique qu’on n’aurait plus”, explique Alexandre Mathis.
“On arrive à un point d’absurdité aujourd’hui où des réalisateurs vont assurer qu’ils n’utilisent pas d’effet numériques, alors que leur film en est rempli!”, se moque Julien Dupuy. Le problème est aussi économique, analyse Marc Moquin: “Un tournage en 3D native coûte très cher. Peu de metteurs en scène à Hollywood peuvent se le permettre. L’un des seuls serait Christopher Nolan, mais il n’a pas envie.”
Le vrai défi porte désormais non pas sur la 3D, mais sur le HFR (“​​High Frame Rate”, soit “haute fréquence”). Le film n’est plus projeté à 24 images par seconde, mais à 48, offrant une image plus fluide. “Le HFR limite l’effet stroboscopique que l’on peut expérimenter lors d’une projection 3D. Le but est de rendre les scènes d’action plus lisibles”, précise Alexandre Mathis.
Mais ce rendu trop réaliste, testé par Peter Jackson dans Le Hobbit (2012-2014) et par Ang Lee dans Un jour dans la vie de Billy Lynn (2016) et Gemini Man (2019), n’a pas convaincu le public. “Le HFR n’est utile que pour la 3D”, raconte Marc Moquin. “Jusqu’à présent, personne n’a prouvé qu’il servait à quelque chose pour les films en 2D.” Le procédé reste très coûteux.
Pour l’heure, tous les cinémas ne sont pas équipés pour l’accueillir. En France, il faudra se rendre dans les salles UGC pour découvrir Avatar – La Voie de l’eau en HFR. “Avatar 2 aura du succès, mais sous quel format?”, s’interroge ainsi Alexandre Matthis. “Ce qui a fait l’immense succès de Cameron, c’est aussi que c’était des films familiaux. Est-ce que les familles iront voir Avatar en 3D à une époque d’inflation?”
D’autant que l’IMAX s’est récemment imposé comme le format premium phare pour découvrir au cinéma ce type de grand spectacle. Reste à savoir si la superproduction permettra de relancer le relief. “Il y aura une nouvelle mode de la 3D”, assure Marc Moquin. “Après la question reste: combien de temps durera cette mode?”
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