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par Ludovic Béot
Publié le 29 novembre 2022 à 13h27
Mis à jour le 29 novembre 2022 à 15h58
“Annie Colère”_Zita Hanrot_Laure Calamy_Rosemary Standley © Aurora Films/Local Films
Intelligente étude de personnages autant que film généreusement engagé, une reconstitution réussie sur la lutte du MLAC dans les années 1970 pour la légalisation de l’avortement.
Si l’Évènement d’Audrey Diwan, film âpre et choc sur l’avortement captait, en caméra portée, un corps en résistance dans un écrin viscéral nous faisant ressentir toutes les violentes commotions de son personnage, Annie Colère en serait la face inversée. Sans jamais évacuer ou minimiser la douleur de son récit (autant celle ne pas être entendue que de se sentir dépossédée de son corps), le film de Blandine Lenoir, le revitalise et le réenchante par la force du groupe et de son instinct militant.
Annie (Laure Calamy, encore impériale), ouvrière et mère de deux enfants, vient de découvrir qu’elle est enceinte d’un troisième enfant. Envisageant désormais son corps comme un espace politique, elle assiste d’abord timidement à une réunion clandestine du MLAC (Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception) à la suite duquel elle pratique un avortement réussi et surtout indolore. Happée par la compassion et l’immense courage des femmes du groupe, puis se nourrissant des nouvelles théories féministes notamment sur la réappropriation du corps féminin, Annie devient une membre actif de l’organe clandestin, menant la lutte jusqu’à la promulgation de la loi Veil en 1975 légalisant l’interruption volontaire de grossesse.

Portrait généreux et captivant sur la naissance et la sédimentation d’un corps politique, autant sur le plan individuel que collectif, Annie Colère assume pleinement sa démarche pédagogique. Même au sein d’une forme purement didactique, ce portrait que l’on imagine en grande partie adressé à la génération #Metoo qui méconnaitrait la fascinante histoire du MLAC, réussit autant son étude de personnage qu’à saisir et transcender les grands enjeux politique de l’époque pour les faire résonner avec ceux d’aujourd’hui.
Mené par un scénario habilement pensé (co-écrit avec Axelle Ropert), le film façonne une galerie de personnages profonds et complexes qui feront vite passer outre son décorum seventies fabriqué entre une cocotte orange Le Creuset et un cendrier jaune Ricard. Saillant et intelligent politiquement, là où beaucoup de fictions auraient montré la promulgation de la loi Veil comme l’acmé et le symbole de la victoire de la lutte, Annie Colère prend judicieusement le contre-pied. Aucune euphorie tant attendue mais un souffle qui retombe, comme une pénible gueule de bois qui ne passe pas et qui soulève une question : faut-il continuer les avortements clandestins alors que l’hôpital et donc l’État en obtient le monopole ? C’est là que le film émet un constat final aussi passionnant que vertigineux politiquement : comment l’État, par sa façon même de légiférer, confisque et dépossède une lutte.
Annie Colère de Blandine Lenoir. Sortie le 30 novembre 2022.
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