Le 28 juin dernier, Alliance Residential, réseau immobilier américain, a annoncé le déploiement d’un pack « maison intelligente », comprenant notamment l’enceinte Google Home et le thermostat connecté Nest, dans 25 000 appartements haut de gamme. Plus tôt dans le mois, Amazon lançait, en partenariat avec le constructeur Lennar, l’ouverture d’appartements-témoins où le public pourra tester les différentes fonctionnalités de la maison connectée. Deux exemples qui montrent que le marché de la maison intelligente connaît un essor spectaculaire. En France, il est estimé entre 1 et 1,5 milliard d’euros, tandis qu’entre 10 et 15% des ménages français envisagent à terme l’acquisition d’une solution d’habitat connecté.
Maison autonome + maison connectée = maison intelligente
La maison autonome doit permettre à chaque foyer de satisfaire ses besoins énergétiques, grâce à la production d’énergie solaire et à son stockage à des fins d’autoconsommation. Le marché est tiré par la baisse du prix des panneaux solaires, qui rendent le photovoltaïque accessible au grand public. Différentes solutions, telles que la batterie Tesla, permettent ensuite de stocker sa propre énergie, pour satisfaire ses besoins, voire, dans un futur proche, revendre le surplus à son voisin. La France compte aujourd’hui 40 000 ménages qui autoproduisent et autoconsomment, mais ce chiffre devrait atteindre les quatre millions d’ici 2030 !
La maison devient également connectée, s’appuyant sur l’internet des objets pour rendre nos habitats plus confortables. Il peut s’agir de thermostats intelligents, permettant de contrôler facilement la température de son intérieur, tels ceux proposés par Nest ou Ecobee. Mais aussi de lumières qui se déclenchent automatiquement, de serrures intelligentes et autres volets roulants et compteurs connectés pour mieux contrôler sa consommation, ou encore d’appareils analysant la qualité de l’air. La logique de la maison connectée consiste, en outre, à recouvrir ces différents objets d’une couche d’intelligence artificielle, qui leur permet de répondre à nos moindres désirs. Celle-ci prend notamment la forme des assistants vocaux, dont les plus célèbres sont Alexa (Amazon) et Google Home (Google), qui permettent de contrôler les objets connectés à l’aide de la voix.
La bonne stratégie dans un environnement réglementaire complexe
On ne peut aujourd’hui se contenter de l’une de ces deux logiques : il s’agit de les combiner dans une optique de maison intelligente. Pour atteindre son rythme de croisière, ce marché porteur doit toutefois composer avec des freins. D’abord, dans une époque rythmée par les affaires autour de l’exploitation des données personnelles, les objets connectés inquiètent et cristallisent nombre de peurs autour de l’intrusion et de l’espionnage. Les enceintes intelligentes écoutent-elles nos conversations ? Les données récoltées par les appareils connectés demeurent-elles confidentielles ? Autant de questions qui doivent être adressées pour répondre aux réticences du public.
Les coûts associés posent également question. Ainsi, un foyer français est en moyenne prêt à débourser entre 200 et 300 euros pour s’offrir une solution maison connectée, là où l’investissement se situe plutôt entre 500 et 1000 euros. D’où l’importance de proposer des solutions globales, intégrant à la fois l’autoconsommation et l’habitat connecté, pour obtenir des formules rentables à moyen terme pour l’utilisateur. Se pose enfin la question du cadre législatif. En France, l’autoconsommation est encadrée par des règles strictes. En Allemagne et en Italie, où la loi est bien plus souple et où l’on bénéficie de davantage de subventions, on compte respectivement trois et un millions de foyers pratiquant l’autoconsommation.
Qui va tirer son épingle du jeu ?
Le marché de la maison intelligente est aussi dynamique que concurrentiel : nombreux sont les acteurs à vouloir obtenir leur part du gâteau. On compte d’une part un certain nombre de grands groupes, parmi lesquels des acteurs historiques de la domotique, tels que Delta Dore et Somfy, et de l’électroménager (Bosch, qui s’est doté d’une filiale smart home), des grands noms des communications (Orange), des énergéticiens (EDF, avec le thermostat intelligent Sowee), des équipementiers (Legrand, Philips), et enfin de grands assureurs, qui voient l’habitat comme un relais de croissance et proposent un certain nombre de services autour de la sécurité de l’environnement domestique, exploitant les données recueillies par les objets connectés.
D’autre part, le marché attire bien sûr un grand nombre de jeunes pousses. En France, la startup Ween propose un thermostat connecté et autonome qui fonctionne avec Alexa (rival des américains Nest et Ecobee), tandis que Luko offre un service d’assurance assorti de solutions de protection pour prévenir incendies et dégâts des eaux. Sans oublier les GAFA – Amazon, Google et Microsoft (Cortana) qui souhaitent que leurs assistants vocaux soient l’interface privilégiée de la maison intelligente. En collectant et analysant un maximum de données sur leurs utilisateurs, tout en s’assurant, par une stratégie d’alliances et de partenariats, que leurs assistants vocaux sont présents dans un maximum d’objets connectés, ils entendent devenir l’épine dorsale de la maison intelligente.
Ne pas laisser ce marché aux géants américains
Pour s’imposer, les entreprises opérant sur ce marché, notamment françaises, doivent donc constituer leurs propres réseaux de partenaires, afin de créer un écosystème harmonieux permettant de simplifier la vie de l’utilisateur et de diminuer son empreinte énergétique.
Les gagnants seront ceux qui, plutôt que d’empiler les applications et fonctionnalités, sauront proposer une formule globale, avec un bouquet de services jouant à la fois la carte de l’énergie, de l’équipement et de la sécurité, le tout via une plateforme simple d’utilisation et commercialisée à un prix correct.
Les acteurs l’ont bien compris. Plusieurs enseignes de la grande distribution française, dont Auchan, Leroy Merlin et Boulanger se sont ainsi associés pour développer l’écosystème Enki, qui offre un centre de contrôle pour objets connectés. Le fabricant Velux s’est quant à lui associé au fabricant d’objets connectés Netatmo pour proposer une solution de fenêtres intelligentes susceptibles de réduire la consommation d’énergie. Développer des synergies entre grands groupes et startup est une autre clef de la réussite, tant ce jeune marché implique une capacité à expérimenter et une grande réactivité, souplesse dont manquent souvent les grandes entreprises. Combiner moyens financiers des grands groupes et agilité des startup pourrait donc constituer la formule gagnante.
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