Entre les 8 et 29 mai, le château d’Allègre a servi de cadre à un tournage de cinéma piloté par une équipe mixte anglo-canado-française. Un film d’auteur qui devrait pénétrer les cinémas d’art et d’essai dès l’année prochaine, sous le titre King baby.
Dans le vaste espace central du château stationnent encore une baignoire, une table de salle à manger et une estrade qui a due supporter un trône. Le tournage est en passe d’être achevé au château d’Allègre, ce vendredi 27 mai, trois semaines après avoir débuté. “Le film est écrit pour ce château et pour être “tournable” en peu de temps”, précise son producteur exécutif français, Franck Priot, de la société Ghost city films. Peu de temps ne rimant pas avec travail bâclé, loin de là.
Le film tire son jus de la collaboration de deux jeunes réalisateurs, le Britannique Kit Redstone – qui a écrit la pièce originale et se charge plus particulièrement de la direction d’acteurs – et le Canadien Arran Shearing, qui s’intéresse en premier lieu à la mise en scène. Devant la caméra, deux acteurs anglais de la troupe de théâtre de l’auteur, Graham Dickson et Neil Chinneck. “La plus grosse partie de l’équipe vient de Vancouver”, explique Pascal Salafa, le premier assistant réalisateur français, soit cette ville de l’ouest canadien qui sert de base arrière à Hollywood et vit “une forte activité cinématographique”.
“L’équipe française s’est greffée là-dessus, poursuit Pascal Salafa. En tant que 1er assistant réalisateur, j’ai fait le plan de travail. L’association pour la sauvegarde du château d’Allègre a mis en place le décor. On n’aurait pas pu faire le film sans eux.” Il y a pourtant quelque chose d’improbable à voir une équipe de l’ouest canadien débarquer dans un château en ruine du Sud de la France. Qui n’est d’ailleurs pas le plus connu…
Hasard de la vie, des rencontres et des coups de coeur, l’actrice Sophie Duez en porte une grande responsabilité. Elle qui possède une maison “depuis 30 ans” en Uzège connaît Arran Shearing “depuis cinq ans. L’idée est venue d’une petite église en ruine de mon village, qu’Arran avait vue, rembobine l’actrice française. En octobre 2020, Arran m’envoie un mail avec comme objet : “une idée me traverse la tête“. Il avait élaboré un scénario avec Kit et repensé à cette église. Ça partait dans l’idée que le film soit tourné dans le Gard.“
“J’ai eu un flash total”
Une église en ruine… Un peu court pour un film complet. “J’ai commencé à regarder d’autres décors, en demandant aux gens de mon village.” Mais la pépite ne sort pas. “J’ai finalement regardé les alentours sur Google earth. Je cherchais des pierres entourées d’arbres“, se souvient Sophie Duez. Elle tombe alors sur les ruines du château d’Allègre et se rend sur place. “Je suis sensible aux lieux. J’ai eu un flash total. J’ai envoyé un message rapidement à Arran, alors qu’il faisait nuit chez lui, puis on a tremblé en se demandant si on allait pouvoir tourner ici. C’est comme ça que j’ai rencontré Bernard.“
Bernard, c’est Bernard Mathieu, heureux président de l’Association pour la sauvegarde du château d’Allègre. Et sa réaction à l’énoncé du projet a achevé de convaincre les artistes du bien-fondé de leur intuition. “Alors que je craignais que l’association ait des exigences, Bernard nous a tout de suite demandé : “qu’est-ce qu’on peut faire pour vous ?“, poursuit Sophie Duez. Arran et Rose (la fille de Sophie Duez, scripte sur le film, NDLR) sont venus repérer les lieux.“
Un repérage hivernal et glacial, bien loin des conditions, certes venteuses mais très ensoleillées, des trois dernières semaines. Mais le réalisateur tombe sous le charme. “Avec un décor comme ça, ça devient très organique. Hier (jeudi, NDLR), c’était le dernier plan filmé avec le décor. On a applaudi le château. C’est quelque chose qui a coopté ces énergies, avec des personnes qui ne se seraient peut-être jamais rencontrées dans la vie“, constate Sophie Duez.
L'”esprit troupe” qui a dominé le tournage prend aussi sa source dans la collaboration entre les réalisateurs. Car l’idée qui “traverse la tête” d’Arran ne suffit plus. “Ils sont repartis tous les deux en écriture et ont rédigé le scénario à partir de photos du lieu, qui a guidé l’histoire“, se souvient l’actrice française. Le confinement, particulièrement long au Canada, retarde le projet mais permet d’avoir du temps pour peaufiner sa copie.
Pendant ce temps, Sophie Duez cherche à compléter la production. “C’est alors que je tombe sur Franck Priot, qui a travaillé pendant dix ans pour Film France et prenait en charge les tournages étrangers.” Entre-temps, il a créé la société Chost City films, implantée à Toulouse et des bureaux à Paris et Pékin grâce à son associée Shu Ye. “Il a adoré le scénario.” Et s’embarque dans l’aventure onirique proposée par les auteurs.
Des lectures pour prolonger cette belle histoire
Dans ce décor de ruines vivent un roi et son serviteur. “C’est un film sur la masculinité, sur les rapports de pouvoir où chacun est dans un jeu de rôle. King baby, c’est l’enfant roi, gâté, capricieux. Dans un royaume dystopique, c’est un conte noir et drôle.“
“C’est un manifeste militant sur la démocratie, précise Pascal Salafa, et la soumission, illustré de façon onirique.” Une reine au destin incertain surgit entre ces deux protagonistes. “Ce n’est pas un film grand public ou mainstream“, reprend Pascal Salafa. “Je suis contre ranger un film dans une case avant que ne commence son histoire“, nuance Sophie Duez.
Une fois la post-production et le montage assurés au Canada, le film commencera sa vie commerciale. “Le but pour ce genre de films d’art et d’essai, c’est d’être sélectionné dans l’un des quatre festivals majeurs – Locarneau, Cannes, Venise, Berlin – et que des acheteurs se manifestent“, explique Franck Priot. L’oeuvre est plutôt destinée à un public d’Europe de l’Ouest, Amérique du Nord, Japon ou Corée du Sud.
“La carrière de ce type de film est inséparable du nom du réalisateur. On s’est décidé très vite à être coproducteur et à assurer la production exécutive. Le script était très fort, le concept bon et les deux réalisateurs dégageaient quelque chose de séduisant. Ils sont doués et intelligents“, tranche Franck Priot. Un succès, même d’estime, pour King Baby leur faciliterait aussi un projet que Kit Redstone et Arran Shearing souhaitent porter à Los Angeles.
Quant au château d’Allègre, sa vie se poursuivra “à travers les images. Le film fait désormais partie de l’histoire du lieu“, en sourit Sophie Duez. Qui s’inscrit à son tour dans cette histoire : sans doute cet été, un peu avant ou un peu après, l’actrice française viendra faire deux lectures au milieu des pierres du château d’Allègre. Histoire de conserver un lien, amical et organique, avec ce site majestueux.
François Desmeures
francois.desmeures@objectifgard.com
https://www.kingbabymovie.com
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