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Avec sa critique sociale sans caricature et toujours d’actualité, une écriture ancrée dans le réel, des valeurs progressistes et un humanisme teinté de fantaisie et de poésie, L’École du micro d’argent d’IAM a marqué profondément plusieurs générations de rappeurs et de publics. Pour les 25 ans de l’album, une réédition en Dolby Atmos bourrée de bonus et d’inédits, propose une nouvelle vision de l’album le plus vendu du rap français. Rencontre avec Akhenaton et Shurik’n.
AKH : Les rééditions en Dolby Atmos peuvent être un peu “gadget” car de nombreux artistes repartent de leurs bandes stéréo pour donner une fausse Dolby. Avec ce projet, notre label est reparti de la bonne base, des masters multipistes et cela fait toute la différence à l’arrivée. C’est à la fois marrant et magnifique que ce soit un ancien album du groupe qui apporte cette ouverture vers une nouvelle manière d’écouter, vers le futur. Quand on repasse après à la stéréo, on a l’impression de retomber dans une sorte d’antiquité d’écoute.
SHURIK’N : Cela remet aussi en avant un travail que nous faisons habituellement en mastering qui consiste à placer chaque élément dans l’espace. Quand on écoute sur un support plus standard, nous n’avons pas ce rendu-là. Avec ces nouvelles versions, on est vraiment au milieu du son, ça arrive de tous les côtés !
AKH : On a presque envie de composer un album exprès pour ce mode de mixage ! C’est génial de voir des plateformes comme Tidal ou Apple Music proposer ce format et avec un casque décent, on peut arriver à vraiment en profiter. Vous connaissez mon aversion profonde pour les plateformes de streaming ! Peut-être que cela peut me permettre de me réconcilier un peu en partie avec elles (rires).
AKH : “Le tempo libère mon imagination”. Ce n’est pas un classique de l’album mais plutôt un second couteau qui d’un coup devient très cinématographique et immersif.
SHURIK’N : J’ai ressenti la même chose avec le titre “Dangereux”.
AKH : Oui, c’est comme si je vous demandais de ranger des éléments sur un tableau plat accroché au mur et qu’au final je vous donne la possibilité de les ranger dans une pièce. Forcément, au bout d’un moment la voix va pouvoir être située à un certain endroit où des fréquences qui d’habitude la parasitaient, ne viennent plus le faire.
AKH : Nous avions pour ambition à l’époque d’être reconnus en tant que beatmakers/producteurs. On voulait faire une version américaine et la sortir aux USA. Cela a plutôt bien fonctionné au départ parce que nous avons reçu le Prix de Producteurs aux Source Awards. Mais nous avons ensuite été pris dans une telle spirale de succès que nous n’arrivions plus à mettre un pied devant l’autre et on a gardé cette version américaine sous le coude. Malheureusement de changements de labels en déménagements, des contrats se sont égarés, on a perdu des contacts. On espère qu’un jour notre label arrive à la sortir.
AKH : Parce qu’il était temps. Sortir ces morceaux, 25 ans plus tard, ça passe. On a fait dix albums depuis. Le problème de la démo si tu la sors dans la foulée, c’est que le public peut penser que tu n’as pas grand-chose sous la pédale et que tu recycles un peu, que tu cherches à faire une tambouille dans une marmite où tu as déjà cuisiné.
SHURIK’N : Même si ce sont des démos pour nous il faut que ça reste quand même écoutable et ce n’est pas uniquement parce que les titres ne sont pas bons qu’ils ne sont pas sortis, cela peut être une question de timing, d’envie, de cohérence…
Alma Rota
Retrouvez cette interview d’IAM en intégralité dans Rolling Stone l’Hebdo n°102, disponible sur notre boutique en ligne.
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Interview de Jeff Beck initialement présente dans Rolling Stone n°87, paru en septembre 2016
En octobre 1966, le guitariste quitte soudainement le groupe anglais The Yardbirds au beau milieu d’une tournée aux États-Unis. “Nous parcourions près de 1000 kilomètres par jour dans un bus bondé, se souvient Jeff Beck, aujourd’hui âgé de 72 ans, avec un rire amer. Tout ça pour jouer trois morceaux. Je me suis dit qu’on nous pressait comme des citrons.” Le 10 août dernier, Jeff Beck, actuellement en tournée avec son blues hero Buddy Guy, a fêté cinquante ans de carrière solo avec un concert rétrospectif au Hollywood Bowl, accompagné d’un orchestre.
Il a célébré ce jubilé en publiant BECK01, un somptueux recueil abondamment illustré qui évoque ses deux passions, les guitares et la restauration de voitures d’époque, mais aussi avec un nouvel album politiquement chargé, Loud Hailer, sorti le 15 juillet et écrit avec de nouvelles collaboratrices : Carmen Vandenberg à la guitare et Rosie Bones pour les paroles. Beck rédige à l’heure actuelle une autobiographie qu’il espère voir adaptée en long métrage. “Je dois partager cela sur grand écran”, insiste le guitariste alors que nous en sommes presque à la fin de notre interview pour Rolling Stone, qui s’est tenue lors des répétitions à son domicile en pleine campagne, dans le Sussex : « J’aime l’idée qu’un tas de gens puissent rire de ce dont j’ai ri. Parce que ma vie est surréaliste, complètement cinglée », relève Beck… en riant, ce qu’il a souvent fait au cours de cette entrevue. « Je dois me pincer pour m’assurer que je suis encore en vie. »
Pour commencer, elles sont plus belles (rires)! J’ai rencontré Carmen à une fête d’anniversaire [celui du batteur de Queen, Roger Taylor]. Quelqu’un m’a dit qu’elle était guitariste. Je ne m’attendais pas à ce que j’ai entendu. Elle a dit : “Oh, j’aime bien Buddy Guy et Albert Collins.” J’ai pensé : “Ouah ! C’est sympa pour une nana de 23 ans (rires)!”
Non, mais elles savent créer une certaine atmosphère. C’est un mélange bien équilibré. N’oublions pas que les femmes aussi ont des opinions bien arrêtées sur les hommes. Tant que je suis le patron, je veille à ce que ça tourne ainsi: tu dois obéir ou partir (rires) !
C’est une chose récente. Un style de vie déjanté sur la route ne permet pas de se concentrer sur un sujet comme il se doit. J’ai donc défini un concept pour l’album, au point que c’est devenu une préoccupation quotidienne. Je me connectais sur mon ordi pour trouver un événement révoltant dans les actualités. J’ai ainsi alimenté Rosie en nouvelles, et elle les assimilait. J’allais sur YouTube, je repérais les mensonges et cherchais la vérité en visionnant des vidéos encore et encore. Ce qui me permettait d’analyser les expressions sur les visages. Lorsque vous examinez les mimiques de ces gens, hommes politiques et commentateurs, vous savez immédiatement s’ils mentent ou non. J’ai vraiment pris conscience de la facilité à mentir que peuvent avoir les gens. Je cherchais à montrer à Rosie ce que je voulais dire, et elle restait tranquillement à l’écart pour écrire. Elle ne m’a rien montré pendant les deux premiers jours, puis elle a mis une voix sur l’un des morceaux, et ça m’a impressionné: c’était exactement le résultat que j’attendais. On pourrait croire que nous avons passé pas mal de temps sur l’album, mais il s’est mis en place très rapidement. La construction des chansons a pris environ deux semaines, peut-être moins. Le reste du temps, on a parlé d’autre chose. Le noyau de l’album a été réalisé en trois ou quatre jours.

Il est basé sur les quatre accords de “Angel” de Hendrix (Beck en fredonne l’air, ndlr). Inutile de se le cacher. Je n’ai jamais autant aimé Hendrix qu’aujourd’hui. J’ai écouté d’excellents trucs dont je n’avais jamais entendu parler auparavant, un concert au Royal Albert Hall [en 1969], avec les mêmes morceaux que d’habitude, comme “Red House”, mais joués avec un brio incroyable. Depuis que j’ai appris à jouer “Little Wing”, personne ne peut plus me faire taire !
Probablement lors de l’un de ses premiers concerts [à Londres]. C’était dans un club minuscule, en rez-de-chaussée, à Queensgate. Un club à la mode, principalement pour les filles, entre 18 et 25 ans, toutes très pomponnées. Jimi n’était pas connu à l’époque. Il est venu, et je me suis dit: “Mon Dieu!” Il portait des vêtements militaires et avait les cheveux en bataille. Le concert a commencé avec une reprise de “Like a Rolling Stone” et j’ai pensé : “Eh bien! moi qui croyais être guitariste…”
Autant que je peux le connaître en l’ayant croisé de temps en temps. Souvent très brièvement, d’ailleurs. Lorsque le Jeff Beck Group a joué à The Scene [à New York en 1968], il était là la plupart des soirs. Quelle chance de le voir avec sa guitare, vous appreniez quelque chose de nouveau tous les jours. Un soir, il a joué sur ma guitare, il n’avait pas la sienne. J’ai fini par jouer de la basse. Il y a même une photo. Jimi est au centre, [le bassiste] Ron Wood est à l’arrière-plan. On ne me voit même pas dans l’image.
C’est ça. J’en avais marre d’être malade un jour sur deux. Avec tous ces changements climatiques [en tournée], ma gorge était au plus mal. Je souffrais d’une irritation permanente infernale, je ne pouvais plus déglutir et mes amygdales continuaient à s’ulcérer. Je me suis fait opérer à L.A., et ils ont continué avec Jimmy [Page]. En plus, nous avons été casés dans un spectacle ridicule. Si vous n’aviez pas un tube dans votre répertoire, vous deviez faire ce qu’on vous disait. Jimmy venait tout juste de nous rejoindre et, pour moi, ça a été un coup dur de devoir les quitter. Je suis retourné à L.A., et la fille avec qui j’étais s’est occupée de moi pendant un certain temps. Ma maman m’a dit : “Mais pourquoi restes-tu ?” Pour le soleil, tiens (rires)! Mais mon visa a expiré et j’ai reçu un télégramme du gouvernement américain me disant: “Rentre chez toi!”
Tout à coup, vous n’êtes plus personne. Vous n’êtes plus un Yardbird. Quelques journaux ont affirmé “Jeff Beck est parti”, mais comme le groupe a continué [avec Page], c’était presque comme si j’en avais été viré. Je devais retrouver Stewart, et c’est là que tout a recommencé.
C’est devenu un serpent de mer. Je voyais Woody à de nombreuses fêtes de Noël, notamment chez Mick Jagger et chez quelques amis communs. Je lui disais: “Il y a une grande possibilité en août prochain.” Il me répondait: “Ouah, je vais le dire à Rod.” Puis il revenait vers moi pour me dire: “Rod est ravi.” Les mois ont passé, ils ont même joué à Vegas (rires)! Rod voulait vraiment qu’on rejoue ensemble, mais je crois qu’il souhaitait juste faire un album rapide, enregistré sur un week-end. Moi, je voulais vraiment aller de l’avant dans le blues-rock, mais ça lui aurait pris trop de temps.
C’est vrai , j’ai dit un jour que tous les chanteurs, quels qu’ils soient, étaient pénibles. Bien sûr, ils ne le sont pas. Mais ils n’étaient pas au centre de la forme musicale que je cherchais à défendre. Je voulais jouer de la guitare. Quelqu’un m’a dit une fois : “Votre show n’est pas un concert de rock, mais un récital.” Cependant, j’ai toujours aimé avoir des chanteurs pour m’accompagner. Quelqu’un a dit que c’était comme une pièce d’Harold Pinter, tout ce qui se passe entre Rod et les guitares. C’est fascinant. Avec un chanteur, vous faites partie du concert, mais vous êtes aussi le public.
Non, surtout avec une Stratocaster. Il y a tellement de variations dans le son, notamment grâce au levier de vibrato. À l’origine, il était peut-être destiné à être utilisé sur le dernier accord d’une chanson (il en imite le son en riant, ndlr)! Fender ne se doutait pas de ce qui allait se produire. Ce levier monté sur ressorts est devenu une partie de moi. Il me permet de faire un nombre illimité de variations, un peu comme avec une pedal steel guitar. J’ai toujours aimé jouer de façon mélodique. Sinon, il n’y a rien, juste un son horrible. Écoutez les grands guitaristes des années 50: ils n’ont jamais utilisé la distorsion de façon industrielle. Ils jouaient les compositions musicales comme des solos, surtout Scotty Moore et Cliff Gallup, ou encore Django Reinhardt. Il n’y avait pas une seule fausse note dans leurs solos. J’ai bien écouté et j’ai suivi ces règles.
Ross Halfin
Je suis plus en danger dans une cuisine ! Un jour, je taillais une carotte, le couteau a ripé et je me suis coupé le doigt. Depuis, je n’ai plus le droit de tailler des carottes. Les meuleuses, en revanche, pas de problème. C’est pour moi une seconde nature. Un jour, j’ai saisi la mauvaise extrémité d’un fer à souder et je me suis sérieusement brûlé les mains. Mais j’ai quand même continué. Je fais cela depuis que j’ai 16 ans.
Mon oncle m’emmenait en balade le week-end dans une voiture de sport, une MG. C’est là que j’ai eu le grand frisson – un peu moins l’hiver, cela dit, parce que j’étais gelé, vu qu’il refusait de remonter la capote. Mais quand vous avez 6 ou 7 ans, vous avez besoin de vous aguerrir. Quand mon oncle s’occupait de réviser un moteur, il disait: “Tu vois, je suis en train d’appuyer sur ce ressort. Tu appuies sur un ressort, et le reste suit.” Lorsque j’ai acheté ma première voiture et qu’elle est tombée en panne, je savais tout de suite quoi faire. On commence à s’amuser lorsqu’on achète ses premiers outils. Là, on se constitue une collection d’ustensiles et on ressent alors un sentiment d’autonomie. ça permet aussi d’économiser de l’argent, et on passe un bon moment. Ensuite, je me suis lancé dans la découpe, dans le soudage, et ainsi de suite.
Quand je sais que la voiture fonctionne, ça me suffit. C’est un peu une triste fin, mais pour moi ça s’arrête là. Si une bagnole roule vraiment bien, je peux la conduire de temps en temps, mais le plaisir réside vraiment dans la mécanique.

Il s’agit d’une guitare fabriquée à partir d’un vieux bidon d’huile en métal. Je l’ai trouvée dans un vestiaire, à la fin d’un concert. Il n’y avait rien sauf un canapé, un bar roulant, des rafraîchissements et, au milieu de la pièce, cette guitare avec une caisse faite d’un vieux bidon. Je me suis approché : “Oh ! mon Dieu, c’est sûrement une blague de Billy Gibbons [de ZZ Top].” Effectivement, une note disait : “ à toi de jouer. Amicalement. BFG.” Je me suis demandé: “Est-ce que c’est jouable?” Je l’ai branchée, et je suis tombé sous le charme.
Le manche est renforcé de telle sorte que, lorsque vous tendez les cordes, il ne plie pas vers l’avant. Elle fonctionne très bien. Je l’ai accordée de façon ordinaire, et j’ai joué de manière normale. La chanson parle du pétrole au Texas – nous n’avons pas eu beaucoup à creuser (rires) !
Oui, je suis un amasseur, malheureusement. Et plus la maison est grande, plus on y entasse de trucs. Cette lettre, je voulais la garder. Je l’ai collée dans un album photo, c’est comme ça qu’elle a survécu. Mais il y a beaucoup d’autres trucs, des photos, des trésors qui ne signifient quelque chose que pour moi, que je range toujours quelque part. D’ailleurs, j’ai aussi une lettre de Barbra Streisand.
Je ne peux pas vous le dire (rires) !
C’est une très belle lettre. Très élogieuse, très agréable.
Je suis en pleine forme. Eric a un problème de nerfs, ça a l’air terrible. Ce serait triste si ça l’empêchait de jouer. Je me sui foulé le poignet en transportant quelque chose de lourd, et j’ai mal au dos. Je devrais me faire opérer. Tant que je m’allonge de temps en temps, ça va. Mais je continue à transporter des choses.
Ouais.
 
Par David Fricke
Traduit et adapté par Belkacem Bahlouli

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Il y a un an environ, Karen O. regardait Instagram lorsqu’elle est tombée sur une photo de la chanteuse de Japanese Breakfast, Michelle Zauner, qui l’a un peu inquiétée. On y voyait cette dernière prenant une pause dans son interminable tournée de deux ans et plus de 100 concerts et apparitions pour la promotion de Jubilee, troisième album, nominé aux Grammys, et de ses mémoires, Crying in H Mart. “Elle avait le regard vide”, a alors remarqué Karen O., qui a eu 44 ans en novembre. Fin août, à Los Angeles. Karen O. et Michelle Zauner sont assises dans un studio de l’Arts District et se rencontrent pour la première fois, revenant sur leurs échanges de messages au moment de ce “regard vide”.
“Elle m’a envoyé des messages très gentils, dit la seconde, 33 ans. C’était du typique Karen O.” Karen O. éclate de rire. En tant que frontwoman des Yeah Yeah Yeahs, le groupe de rock indé qu’elle a fondé en 2000, elle comprend. “Tourner peut être épuisant, assure-t-elle. La meilleure chose à faire dans cette situation est de casser du verre. Je l’ai fait avec une affiche de nous. J’ai passé le pied au travers. Ça calme.” Zauner a grandi en idolâtrant Karen O., une Coréo-Américaine comme elle, devenue célèbre pour sa présence magnétique sur scène – cracher de la bière sur le public était assez fréquent – et son esbroufe made in New York. Les Yeah Yeah Yeahs ont récemment sorti Cool It Down, leur premier album en neuf ans. Karen O. est ravie de donner des conseils : “Michelle, si jamais tu as besoin de râler sur quoi que ce soit, je suis là pour t’aider.”
Karen O. : Je me sens très proche de toi, c’est marrant. Tu ressens un peu ça pour moi ?
Michelle Zauner : Le sentiment est réciproque. Je pense qu’on a mené des vies assez similaires.
K.O. : Il y a beaucoup de parallèles. Mais ça n’explique pas vraiment… C’est simplement une alchimie, un lien naturel qu’on éprouve pour quelqu’un.
M.Z. : Je crois aussi qu’on parle vite et de façon heurtée avec beaucoup de mots de remplissage. Et ça me met très à l’aise. Je ne suis pas la seule à le faire !
K.O. : Et je sais que tu es quelqu’un de très authentique. Je suis pareille, à l’excès, même au point où j’aimerais être quelqu’un d’autre pour pouvoir être capable de charmer tout le monde. Mais, bon, je n’arrive qu’à être moi et j’ai l’impression que c’est ton cas aussi.
ROLLING STONE : Comment avez-vous découvert la musique l’une de l’autre ? Michelle, tu as évoqué dans Crying in H Mart ta découverte d’un DVD des Yeah Yeah Yeahs à l’adolescence.
K.O. : Et c’est un DVD bien délirant. Avec des morceaux obscurs.
M.Z. : Ouais. Je commençais une relation avec un mec. Le seul truc cool qu’il avait à offrir était…
K.O. : Ce DVD ?
M.Z. : Ce DVD. Et c’était un gros fan. Ça commence par “Y Control”, ça monte et puis tu arrives des coulisses en sautillant. Je n’avais jamais vu ce genre de jeu de scène en particulier. Pas simplement d’une femme – et pas d’une femme à moitié asiatique, ce que j’ignorais à l’époque – mais je n’avais jamais vu quelqu’un pouvant avoir un tel contrôle de ses mouvements tout en étant aussi chaotique. C’est plein d’audace, mais il y a beaucoup de joie aussi. Et puis, j’ai découvert ensuite que tu étais née à Busan…
K.O. : En fait, je suis née à Séoul.
M.Z. : Ta page Wikipedia disait Busan.
K.O. : C’est encore le cas ?
M.Z.  : Oui, c’est toujours écrit Busan
K.O. : On a fait une modification il y a deux ans. Je suppose qu’ils sont retournés en arrière…
M.Z.  : Busan veut vraiment que tu sois l’enfant du pays [rires]. Ça avait quelque chose de cosmique, que quelqu’un puisse avoir les mêmes origines que moi et, à l’époque, je ne connaissais pas d’autre humain qui avait eu la même expérience que moi.
Angie Martoccio
Retrouvez la suite de cette conversation entre Karen O. et Michelle Zauner dans notre numéro 148, disponible en kiosque et sur notre boutique en ligne.

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L’annonce du décès de Russell Banks a été faite par son éditeur Dan Halpern, auprès de l’agence Associated Press : l’auteur de De beaux lendemains et d’Affliction est mort ce samedi 7 janvier 2023, à l’âge de 82 ans ; Il avait publié Oh Canada l’an dernier et qui nous avait à cette occasion accordé une interview exclusive.
Russell Banks a publié près de vingt livres en 47 ans, depuis Family Life en 1975, dénonçant les violences sociales, familiales, matérielles ou symboliques, qui gangrènent son pays. Né en 1940 dans le New Hampshire, dans une famille aux revenus précaires avec laquelle il s’entend mal, il la quitte dès que possible. Entre Floride et Jamaïque, Russell Banks trace mille routes différentes, que l’on retrouve en filigrane dans ses romans, et résumées dans son récit autobiographique bien nommé, Voyager, en 2017.
Dès la fin des seventies, Russell Banks s’impose comme l’un des plus grands maîtres du roman américain postmoderne. D’une plume précise qui donne beaucoup à voir, il raconte les profondeurs de l’Amérique, ses distorsions sociales et raciales. Ainsi, De beaux lendemains et Affliction ont été respectivement portés à l’écran par Atom Egoyan et Paul Schrader… Huit ans après sa dernière fiction, Banks revient donc avec Oh, Canada (éditions Actes sud). De sa maison au cœur des montagnes de l’Upstate New York, Russell Banks conversera afin longuement autour des lettres, de la politique et de ses désirs d’écrivain. “J’essaie d’aller bien, confiait-il à notre journaliste Sophie Rosemont lors de l’interview exclusive qu’il lui avait accordée au mois d’août 2022. Je me demande où il faut se réfugier pour trouver du calme, de la sérénité, de la liberté, nécessaires à notre santé mentale… Il me semble qu’il n’y a plus d’échappatoire dans ce monde à bout de nerfs”.
Mon père et trois de mes grands-parents sont nés au Canada, j’ai la double nationalité canadienne-américaine, je me disais que cela devait suffire. Mais non ! Les États-Unis, ce n’est plus l’éléphant dans la chambre, c’est le mastodonte bestial, sorti tout droit d’une autre époque. S’il a évolué dans les années 1950, il a très vite régressé. Lorsqu’on voit les agissements de la Cour suprême et le déroulé de certaines présidentielles, on peut observer les mêmes principes qu’au XIXe siècle, les mêmes arguments, les mêmes jeux de pouvoir. Jamais je n’aurais pensé que ça arriverait un jour.
Oui, en 1964. À Chappell Hill, Caroline du Nord, l’université la plus ouverte d’esprit du Sud, encore sous le joug de la ségrégation et du puritanisme. Sous la houlette du Student Nonviolent Coordinating Committee nous formions quelques groupes d’étudiants très motivés à descendre dans la rue. J’ai fini derrière les barreaux. Impossible d’y échapper lorsqu’on militait pour les droits civiques. Dans le mouvement pacifiste, on retrouvait peu ou prou les mêmes personnes. Dans les années 1970, certains d’entre nous se sont dirigés vers le néo-marxisme. Cette transformation de la jeunesse, je l’ai racontée dans American Darling
russell banks oh canada
Oui, juste avant leur extraordinaire célébrité, des gamins qui boivent des coups et se racontent les histoires de leurs vies. Le lendemain, ils sont devenus des stars, mais ont su préserver leur existence personnelle. Cela enrichit le propos sur le contraste entre vie privée et image publique que je raconte dans le livre : les gens n’apprécient Fife que pour ce qu’il représente et, à au crépuscule de sa vie, il veut en finir avec cette mascarade.
En effet ! Fife est un être humain en échec, et pourtant, c’est un mâle blanc privilégié, cisgenre, il détient une position de pouvoir dans notre société, et il l’a exploitée sans le conscientiser. Il a été aimé par des femmes, des enfants, des amis, des parents, des étudiants… mais lui n’a rien donné en retour. À la fin, on se demande si on peut lui pardonner, à défaut de l’aimer, car il se confronte vraiment à lui-même, et à son passé. Il affronte ses responsabilités.
Il a passé beaucoup d’années à être raisonnablement connu pour son travail en tant qu’artiste. Sa réputation est celle d’un homme de gauche, qui prend la défense des opprimés, de la classe ouvrière, etc. Ce qui se rapproche de la mienne ! Lui aussi a abandonné la fac très vite, a voulu s’engager au côté de Fidel Castro. En commun, nous avons eu ces fuites, ce désir de territoires inconnus. Si ma jeunesse a influé mon parcours d’écrivain, j’ai toujours essayé d’éviter au maximum qu’elle ne contamine mon corpus, et quand c’était le cas, c’était à but autobiographique, notamment avec Voyager. Mais je n’aurais pas pu écrire ce livre avant d’arriver à un âge aussi avancé que 82 ans et d’être confronté à ma propre mortalité.
Dans les années 1960 et 1970, 60 000 Américains se sont exilés au Canada, qui ne les a pas expulsés, ni extradés, bien que le FBI ou les US Marshals aient voulu faire pression pour récupérer ces gamins et les coller en prison. Le Canada n’a pas cédé. Cependant, il s’agissait d’hommes blancs, éduqués, ils pouvaient s’assimiler rapidement tant du point de vue du langage que de la religion. Ils font désormais partie de l’infrastructure de la middle class canadienne. Comme quoi, la migration a plusieurs facettes et on ne réserve pas le même sort à tous…
Je voulais une figure, en effet, qui dise la vérité, car on ne peut faire confiance à personne dans le livre, et moins encore au témoignage de Fife. Renée est une infirmière d’une autre couleur de peau que celle des gens dont elle prend soin. C’est une vraie immigrante, contrairement à Fife. J’aime son intégrité, son honnêteté, son désir de faire son boulot, tout simplement, en dépit des obstacles dressés par ceux qui filment Fife, et Fife lui-même. Elle ne se laisse pas tourner la tête par les statuts sociaux des uns et des autres : elle a son mari, ses enfants, ses petits-enfants… Sa vie est ailleurs.
Figurez-vous que je viens d’avoir une arrière-petite-fille ! Quand elle aura 25 ans, sur quelle planète va-t-elle évoluer ? Les prévisions sont terrifiantes quand on y prête vraiment attention. Moi, je serai mort, mais cela me brise le cœur pour cette jeunesse à venir, et oui, j’ai peur. Ma génération a beaucoup à se faire pardonner – comme Fife. C’est par notre faute que la terre s’immole par le feu, et ne pourra que brûler les générations futures. C’est impardonnable. À la place de mes petits-enfants, je serais fou de rage. Le fait qu’ils soient plutôt pétris d’engagement et de conviction m’épate, même si je leur recommande, à l’un et à l’autre, pour des raisons différentes, d’être prudents.
Aucune idée, et c’est peut-être mieux ainsi ! Un écrivain ne doit jamais complètement savoir pourquoi il écrit. Ce qui m’importe le plus, c’est de ne pas me répéter. Certains auteurs de mon âge tournent en boucle en creusant le sillon qui leur a apporté le succès. Cela ne m’intéresse pas. Je viens de terminer un nouveau roman, The Magic Kingdom, qui sera publié l’année prochaine, qui traite de la fin du XXe siècle et des Everglades. Et trois nouvelles où les personnages, issus de la classe ouvrière, sont des électeurs de Trump. J’ai essayé de comprendre ce phénomène… J’espère que le lecteur ressentira de la sympathie pour eux, car ils ont voté, au final, contre leur propre intérêt.
Le titre d’origine était « Canada » ! Il me semblait à la fois sincère et ironique. Or, mon éditeur américain m’a rappelé que Richard Ford, qu’il publie également, avait écrit un livre baptisé Canada. C’était embêtant car Richard et moi sommes amis depuis plus de quarante ans, et il aurait été particulièrement remonté contre moi si j’avais copié son titre ! Je suis donc parti sur Foregone. Or, en discutant avec Pierre Furlan, mon traducteur, il m’a appris que ce mot était difficilement transposable en français… et m’a proposé Oh, Canada. Ce qui fonctionnait parfaitement en France sans le risque de froisser Richard.
Chase Twichell
Je suis heureux que vous l’ayez constaté. Ça a été inconscient pendant longtemps. Dans mon processus d’écriture, il faut que je puisse visualiser les vêtements des personnages, l’atmosphère, la lumière qui passe par la fenêtre, sinon, quelque chose ne va pas, je ne peux pas être totalement impliqué dans ma narration. Ou, pire, une émotion m’échappe. Alors je dois retourner sur mes pas, et ma page est terminée quand le lecteur voit ce que je vois.
Hemingway et Faulkner restent-ils vos figures de proue littéraires ? Pendant le confinement, je suis revenu à ces premières amours. Quand je les avais découverts, j’avais 20 ans et je n’avais pas la même réception qu’aujourd’hui… Je suis moins naïf mais leur souffle fictionnel me parvient toujours. L’hiver, je vis à Miami, non loin de la maison d’Ernest Hemingway, dont les romans sont impressionnants. Faulkner, lui, résiste bien au temps, tout comme Joseph Conrad, dans lequel je me suis replongé entièrement.
Plus jeune, je voulais écrire de la poésie, être un auteur maudit, signer dans des revues confidentielles… avant que je comprenne qu’il y avait une différence entre le travail et la carrière d’un écrivain. Du moins ce qu’on appelle carrière. Le succès ne m’a jamais excité. Heureusement, car si je contrôle mon travail de A à Z, je ne peux pas deviner ce que les gens penseront de mes livres. Cela fait plus de soixante ans que j’écris, je suis passé d’un siècle à un autre, et c’est une chance ! Mais je persiste à cultiver cette dualité entre l’acte d’écrire et la position d’homme public. Profiter encore de l’ombre, un peu comme les musiciens de jazz…
Sophie Rosemont
Retrouvez cette interview de Russell Banks dans notre numéro 145, disponible sur notre boutique officielle.

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Cette interview, extraite de notre Hebdo numéro 23, est publiée pour les 78 ans de Jimmy Page, né le 9 janvier 1944 à Heston dans la banlieue de Londres. 
Dix ans après son autobiographie, le guitariste publie Jimmy Page: The Anthology, un livre qui revient en détails sur sa carrière, depuis son travail de studio avec les Who, les Kinks et les Rolling Stones jusqu’à son passage chez les Yardbirds et, bien sûr, Led Zeppelin. Il y parle des musiques qui l’ont influencé, de ses guitares, de ses vêtements et de ses souvenirs de sessions d’enregistrement. Mais le plus intéressant, ce sont les passages où il détaille son processus de réflexion tout au long de cette aventure. Ce n’est pas un grand déballage d’anecdotes croustillantes sur tout ce qui se passait backstage, mais c’est un point d’entrée rare dans l’esprit de l’un des grands mystères du rock.
Jimmy Page : Il y a une illustration que j’ai faite quand j’étais à l’école, au stylo encre, d’un groupe de skiffle. J’ai commencé la guitare avec le skiffle. Ça faisait un peu chanson autour d’un feu de camp, mais c’est comme ça que je suis rentré dedans. Dans un groupe de skiffle, il y a une basse faite avec une grosse boîte en bois et un balai. Sur le dessin, il y en a un qui joue de cette basse, et puis il y a ceux qui jouent de la guitare et qui sautent en l’air, ce qu’on ne fait clairement pas dans le skiffle, qui se rapproche plus de la musique folk. C’est amusant de voir que ce groupe avait une tête de groupe de rock’n’roll, alors que je ne connaissais pas grand- chose au rock’n’roll, au-delà de quelques photos.
Jimmy Page : Les planning des sessions. C’est intéressant de voir que nos toutes premières sessions en tant que Led Zepp ont eu lieu autour de 10 ou 11 heures du soir. C’est l’heure creuse pour les studios. Parce qu’on n’était pas le Led Zeppelin qu’on était ne serait-ce qu’un an plus tard. C’est intéressant de voir à quel point ça a été fait de façon efficace. C’était en septembre (1968), et on a terminé l’album en octobre, en trente heures, enregistrement et mix compris. Ça sort la première semaine de janvier aux États-Unis, et on joue à L.A. puis à San Francisco ce mois-là.
L’album passait sur les radios underground, ça s’est répandu comme une trainée de poudre aux États-Unis. On est partis de la côte ouest pour aller vers l’est, et tous les clubs underground dans lesquels on a joué étaient pratiquement pleins, parce que les gens avaient écouté l’album. Ils avaient entendu parler de ce groupe qui avait ravagé San Francisco et voulaient voir ce que c’était. Et fin 1969, Led Zeppelin II est sorti. Après un premier album plein d’idées, il y a ce deuxième avec toute l’énergie de la tournée, parce qu’il est enregistré pendant qu’on tourne. C’était vraiment une bonne façon de lancer un groupe.
« J’ai toujours conservé mon amour pour le jeu acoustique et absolument tout ce qui avait été fait sur six cordes. »

Jimmy Page : J’avais des goûts éclectiques. Jeff Beck, que j’ai rencontré quand on avait 11 ou 12 ans, a dit à plusieurs occasions que j’avais une collection de disques très éclectique, différente de toutes celles des autres. J’avais de la musique indienne, arabe, classique, d’avant-garde, électronique… J’ai toujours conservé mon amour pour le jeu acoustique et absolument tout ce qui avait été fait sur six cordes. Folk, classique, blues. Je pouvais apprécier le jazz, sans nécessairement pouvoir en jouer. Ce qui était plus dans mes cordes, c’était la musique de Chicago dans les années 50, à base de riffs. Et bien sûr, j’ai commencé par le rockabilly avant d’écouter du blues. Et je n’ai rien abandonné de tout ça. Je voulais jouer tous ces différents styles. Quand j’ai eu l’opportunité de faire un album avec les Yardbirds, j’ai fait de l’acoustique comme de l’électrique. On faisait des blues comme “Drinking Muddy Water”, puis on passait à des choses avant-gardistes comme “Glimpses” ou “White Summer”.
Avoir joué avec les Yardbirds sur tout le circuit underground m’a permis de déterminer ce que je voulais faire, et quand le groupe s’est arrêté, j’avais déjà pas mal de matière. Étrangement, j’avais déjà “Tangerine”, mais je ne l’ai pas sortie avant le troisième album. J’avais vraiment une idée de la façon dont ces albums, si le premier avait du succès, allaient pouvoir se succéder. Ils seraient tous différents du précédent.
Jimmy Page : Quand on a monté Led Zeppelin, que cette merveilleuse section rythmique était en place, j’ai invité Robert (Plant) chez moi et on a discuté des choses qu’on voulait faire. Je lui ai joué quelques morceaux. L’un d’eux était “Babe, I’m Gonna Leave You”, parce que j’avais déjà trouvé ce que je voulais faire à la guitare. Je lui ai dit : “Je sais que c’est un peu abstrait, mais si tu peux chanter ça, en gardant la mélodie plaintive de Joan Baez, tu verras comment ça se combine”. Et c’est ce qu’il fait. C’était la rencontre de deux esprits. C’était merveilleux.
Quand on a commencé les répétitions, on a vraiment tout donné dès la première mesure, ça a été une expérience qui a changé nos vies.. Quand on a fini de jouer, on s’est tous regardés en souriant. On n’avait jamais senti ce genre d’alchimie avec d’autres musiciens. Et ça a perduré pendant toute la vie du groupe.

Après le premier album, on a fait une tournée aux États-Unis. Et je crois qu’on a commencé à enregistrer le deuxième en avril 1969, avec “Whole Lotta Love”, mais j’avais aussi “What Is and What Should Never Be” : une chanson basée sur un riff, et une autre qui est plus légère, mais qui emploie toujours la dynamique puissante de la batterie pour les refrains. C’est le côté pile de “Whole Lotta Love”, ça nous donnait une direction.
Et pour le troisième ? Les deux morceaux que j’ai présentés à Robert et John Bonham étaient “Immigrant Song” et “Friends”. Il y avait ce riff dur et hypnotique avec “Immigrant Song”, et John jouait des congas sur “Friends”. Alors ça a penché vers l’acoustique, ça a établi un son. Et quand on est partis en tournée, je travaillais sur les idées que j’allais mettre en avant pour l’album suivant. Rien de plus.
« J’étais sensible à la façon dont les musiciens indiens tiraient les cordes, car il y a la même chose à la guitare dans le blues et le rockabilly. »
On avait la BBC World Radio et BBC 4 ici. De temps en temps, ils passaient de la musique venue du monde entier. C’est là que j’ai entendu pour la première fois Ode to the Victims of Hiroshima, de Krzysztof Penderecki, qui est un morceau sacrément avant-gardiste. Je n’arrivais pas à croire ce que j’entendais. C’est aussi comme ça que j’ai entendu de la musique indienne et du sitar, et j’ai trouvé ça tellement beau. J’étais sensible à la façon dont les musiciens indiens tiraient les cordes, car il y a la même chose à la guitare dans le blues et le rockabilly. Ça semblait tellement raffiné, tout en restant vraiment passionné et en disant tant de choses. Dans la musique indienne, il y a une structure, une science. C’est mathématique. Je me suis dit que je pouvais essayer de faire ça à la guitare, mais qu’il serait plus judicieux de me trouver un instru- ment qui soit vraiment un sitar. Alors c’est ce que j’ai fait.
J’ai eu l’opportunité de rencontrer Ravi Shankar lors d’un concert à Londres. J’étais avec une fille qui avait un ami qui le connaissait. Je me souviens clairement qu’on était les deux plus jeunes dans le public. Il a été très généreux. Il m’a expliqué comment s’accordait le sitar, parce que je ne savais pas. Et après, je suis rentré, et je l’ai accordé. Et tout à coup, il chantait. C’était incroyable.

Oh non. Comme musicien de studio, j’ai aussi apporté la pédale de distorsion, d’overdrive. On appelait ça la fuzz box à l’époque. J’ai rencontré Roger Mayer (un ingénieur électronique) lors d’une session, et il m’a demandé : “Est-ce qu’il y a quelque chose dans la musique électronique qui serait un atout avec la guitare ?” J’ai répondu oui et je lui ai joué de la musique avec une guitare overdrive. Je crois que j’avais un magnétophone à l’époque : si on branchait la guitare directement dessus, on obtenait un son vraiment distordu. On pouvait jouer une note et avoir un sustain infini.
Il est revenu avec (cette fuzz box). Je mettais cette chose derrière mon amplificateur. C’était assez petit. Normalement, les producteurs me demandaient : “Tu as quelque chose pour cette chanson ?”, et je sortais des riffs. Cette fois, j’ai branché la fuzz box, et les visages des autres guitaristes, qui avaient bien 7 ans de plus que moi, ont viré au blanc, parce qu’ils se disaient : “Ce petit morveux sait déjà remplir tous les rôles à la guitare, et maintenant, il a ce truc”. Ça s’est immédiatement imposé.
Oui. On l’entend sur le premier album des Kinks. Je crois aussi sur la face B de “I Can’t Explain” des Who, “Bald Headed Woman”. Je crois qu’il y a quelques lignes de fuzz box dessus.

Retrouvez l’entretien complet dans l’Hebdo numéro 23, toujours disponible en achat à l’unité par ici.
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Propos recueillis par Kory Grow

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Dans deux heures environ, Billie Eilish et son frère, Finneas O’Connell, monteront sur scène à Brisbane, en Australie. Mais pour le moment, Finneas ne pense pas au concert. Il est en coulisses et télécharge Zoom afin de rencontrer un de ses héros. “J’ai le sentiment que ça fait un moment qu’on doit se rencontrer, lance Rick Rubin quand Finneas apparaît sur son écran. C’était dans l’air, et maintenant ça arrive en vrai. Ça fait plaisir.” Rubin est à Sienne, en Italie, où il travaille en studio sur un nouveau projet qu’il ne dévoile pas. “Je vois des arbres immenses qui se balancent et des feuilles qui tourbillonnent, remarque-t-il en observant l’orage qui se déchaîne derrière la fenêtre. C’est beau.” De son côté, Finneas déjeune chez Subway.
“C’est pareil que dans n’importe quel autre endroit au monde, assure-t-il. Leur contrôle de qualité est incroyable.” Les deux producteurs ont démarré leur carrière de façon peu traditionnelle. Rubin, 59 ans, a lancé Def Jam Records depuis son dortoir à l’université de New York, tandis que Finneas, 25 ans, a participé à la production du premier album d’Eilish, When We All Fall Asleep, Where Do We Go?, dans sa chambre d’enfant. Rubin a ensuite travaillé avec tout le monde, de Johnny Cash à Jay-Z ; Finneas a continué avec Eilish, collaboré avec des artistes comme Halsey et Kid Cudi, et sorti un album solo, Optimist, l’an dernier. Ils ont tous deux un profond respect pour le rock, la pop, le hip-hop et tout ce qu’on trouve entre les trois. “Je suis impatient de savoir comment tu en es arrivé là, lance Rubin, et d’apprendre comment tu travailles.”
Finneas O’Connell : J’ai découvert ton existence, vers 9 ans, dans les notes de pochette de Linkin Park. Puis je me suis penché sur ta discographie, et il y avait une foule d’albums que j’aimais sans savoir que tu les avais faits. Ça a été une vraie révélation, c’était excitant de voir que quelqu’un pouvait participer à tout ça.
Rick Rubin : Je t’ai découvert en entendant parler de Billie avant [que son premier album soit achevé, ndlr]. Il flottait dans l’air le sentiment qu’il se passait quelque chose de particulier. Ça arrive rarement, surtout dans ce monde post-streaming où tout existe tout le temps. À cette période, rêvais-tu d’un boulot qui ne soit pas dans la musique ?
F.O. : Je voulais être musicien professionnel à tout prix. Depuis mes 12 ans, je me disais : “Mon Dieu, si seulement je pouvais gagner ma vie avec la musique.” De 12 à 18 ans [au moment où Eilish a sorti “Ocean Eyes”, son premier hit, produit par Finneas], j’étais tout le temps stressé. J’ai une question très personnelle… En regardant l’étendue de ta carrière, je te vois comme un maître dans l’art de déléguer, de passer le volant aux autres en leur disant d’aller dans telle ou telle direction, tout en leur faisant confiance. C’est ça ?
R.R. : À mes débuts, je créais toute la musique moi-même et j’écrivais beaucoup, y compris les paroles. J’ai très vite compris que si je voulais travailler sur plein de projets, je ne pouvais pas tout composer. Les plus grands compositeurs au monde ne peuvent que signer un ou deux albums par an. Je me suis donc détourné de l’écriture pour me concentrer sur le son – l’arrangement de la chanson, la qualité des morceaux. Je peux partir à 18 heures, mais l’ingénieur du son et l’artiste continuent de travailler tard dans la nuit. Et le matin, quand j’arrive, il y a de nouvelles chansons à écouter.
F.O. : Tu arrives avec un recul que tu n’aurais pas eu en restant toute la nuit.
R.R. : Bien vu ! Quand on a écouté quelque chose cent fois d’une certaine façon, c’est difficile de l’écouter d’une façon différente et de faire en sorte que ça sonne comme on veut. Aujourd’hui, je n’emporte pas la musique hors du studio pour cette raison. Je veux rester frais, comme si j’entendais le morceau pour la première fois. C’est comme ça que l’auditeur va le recevoir.
Andy Greene
Retrouvez la suite de cette conversation entre Finneas O’Connell et Rick Rubin dans notre numéro 148, disponible en kiosque et sur notre boutique en ligne.

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