Finir paisiblement ses jours dans une résidence pour personnes âgées a-t-il déjà été un choix de vie idéal ? Deux ans de COVID ont certainement convaincu bien des gens que non et qu’il valait mieux vivre chez soi de façon autonome le plus longtemps possible. Voilà un filon incroyable pour le secteur technologique, qui voit son prochain grand vecteur de croissance dans ce désir expriméà l’échelle mondiale.
Détection des chutes par l’IA, psychothérapie en réalité virtuelle, montages financiers pour une retraite plus longue que prévu… Tout est sur la table — et parfois même en dessous. Des tests d’urine pour la maison à glisser dans la cuvette de la toilette font aussi partie de ce portrait…
En 2023, on peut dire que la maison connectée sera multigénérationnelle ou ne sera pas. Ceux qui trouvent qu’il y a déjà trop de capteurs sur leur voiture vont sauter au plafond quand ils verront tous les capteurs qu’on souhaite installer dans le logement de nos aînés ces prochaines années. L’industrie a compris le besoin de toute une population de se tenir le plus loin possible des résidences pour personnes âgées et autres habitations pour les gens qui ont passé l’âge de la retraite.
Partout sur la planète, l’âge moyen de la population augmente. D’ici 2050, on comptera deux fois plus de gens âgés de 60 ans ou plus sur Terre, avec 2,1 milliards de têtes — argentées, pour la plupart, puisque le nombre d’octogénaires va tripler, pour compter 426 millions de membres, calcule l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Tous ces gens ont un désir prononcé d’autonomie prolongée. Ils représentent une clientèle fort séduisante pour les technologies de demain.
On a déjà un nom pour ce mouvement : « agetech ». Les technologies de l’âge d’or. Le potentiel commercial est gigantesque et s’exprime simplement : la hausse exponentielle des frais liés aux soins de santé peut être ralentie grâce à un habile mélange de gadgets électroniques, de logiciels et d’intelligence artificielle.
Les technologies de l’âge d’or portent bien leur nom, deux fois plutôt qu’une. Certaines seront effectivement vendues à prix d’or. Car les enjeux liés au vieillissement touchent tous les portefeuilles : celui du gouvernement et ceux des entreprises et des particuliers.
Ces technologies vont bien au-delà des gadgets : télémédecine, finances personnelles, formation, recrutement et… métavers. Du côté médical, on voit des applications prometteuses de réalité virtuelle pour aider à combattre l’isolement ou à minimiser les effets de certains troubles mentaux.
Au fait de ces innovations, les ministères fédéraux de la Santé et de l’Innovation, Science et Développement économique ont annoncé le mois dernier un investissement de 47 millions dans un réseau pancanadien d’entreprises et de centres de recherches piloté par deux consortiums spécialisés, MEDTEQ+ et Age-Well.
Le ministre de la Santé, Jean-Yves Duclos, a dit, en annonçant cet investissement, souhaiter que les Canadiens vieillissent à la maison le plus longtemps possible. « Ils auront besoin de soins de qualité. Des projets comme celui de MEDTEQ+ utilisent la technologie pour aider les Canadiens à mieux vieillir à la maison. Ils rehaussent aussi la qualité des services de santé offerts à notre population vieillissante grâce aux données en santé et aux applications de santé numérique. »
Quoi que dise le ministre, le Canada est à la traîne dans ce courant technologique. Mais ça fait l’affaire de gens d’affaires d’ici, qui espèrent faire éclore chez nous un écosystème d’entreprises spécialisées.
Pascale Audette, Lyne Landry et Alan MacIntosh sont trois vétérans de l’investissement et des technologies qui ont mis sur pied à Montréal cet été le fonds d’investissement AgeTech Capital. Leur objectif : lever 250 millions $US (environ 330 millions de dollars canadiens) pour soutenir des entreprises au moment où elles amorcent leur croissance commerciale, sous forme d’investissement de série A, comme on dit dans le jargon.
« Les aînés sont en train de devenir le plus grand groupe démographique au Canada, et c’est aussi le plus mal desservi par la technologie », dit Alan MacIntosh. « Il y a aussi un élan postpandémique vers ces technologies », ajoute Pascale Audette. « C’est une superbe occasion d’affaires, car on parle du vieillissement depuis longtemps, mais il n’existait pas encore au Canada de fonds d’envergure comme le nôtre pour stimuler la croissance. »
Il existerait déjà au moins 140 entreprises dans ce secteur au Canada, dont une quarantaine au Québec, dit AgeTech Capital. Elles touchent à tout, des solutions pour vivre plus longtemps de façon autonome, au soutien aux fournisseurs de soins de santé, en passant par le mieux-être et l’aspect financier d’une vie active souvent plus longue que prévu.
Le secteur du capital-risque est déprimé par le contexte économique actuel, mais demeure très attiré par les agetechs, assure Lyne Landry. « Ça cadre bien dans le “S” des critères ESG [environnement, société, gouvernance], et ça, ça intéresse beaucoup les grandes institutions », dit-elle.
Le vieillissement de la population commence à sérieusement inquiéter toute la planète. L’OMS craint notamment que, si rien n’est fait, les blessures subies par les gens âgés de 65 ans ou plus coûteront bientôt à l’économie mondiale 320 milliards de dollars annuellement.
Sans surprise, prévenir des accidents comme des chutes est soudainement devenu la priorité de nombreuses jeunes pousses. Le fabricant belge Nobi en fait partie. Début janvier, il a présenté une lampe de salon connectée dotée de caméras qui suivent les gestes des gens présents dans la pièce. Si un corps tombe au sol, une voix demande alors s’il faut appeler de l’aide.
Des capteurs décèlent une respiration irrégulière annonciatrice d’un trouble cardiaque. D’autres analysent plus de 300 indicateurs de santé contenus dans l’urine, et ce, à même la cuvette de la maison. La clé du succès de ces gadgets : intervenir le plus tôt possible pour sauver des vies.
« Une personne âgée entre à l’hôpital toutes les 11 secondes à la suite d’un accident. Une personne âgée meurt toutes les 19 minutes en lien avec une telle chute. Ce risque ne fait que s’accroître avec l’âge », résume le cofondateur de Nobi, Roeland Pelgrims. Sa lampe connectée ne sera pas donnée, toutefois : équiper un logement « moyen » coûtera soit 3000 dollars, soit 160 dollars par mois. Ce n’est pas une vulgaire lampe IKEA…
Comme on dit, la santé, ça n’a pas de prix… Mais vivre vieux et en santé, ça, ça vaut de l’or !
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