L’Internet des objets ne se limite pas à la maison connectée : notre décryptage
On en entend souvent parler, mais il est difficile de vraiment savoir à quoi le terme d’Internet des Objets correspond. Éléments de réponses.
Terme vaste, souvent utilisé dans le domaine de l’entreprise, l’Internet des objets (IdO) peut aussi faire l’objet de certains fantasmes. Rien de bien futuriste là-dedans ; à vrai dire, nous vivons dans une société de l’Internet des objets depuis plusieurs années maintenant. Certes, l’IdO n’a pas autant explosé qu’escompté, mais les prévisions de croissance sont toujours optimistes. Bienvenue dans le monde du tout connecté.
La définition la plus simple à donner à ce terme d’Internet des objets est la suivante : il désigne la mise en réseau, par Internet, d’objets physiques qui, de ce fait, collectent et partagent des données.
Le mot « objet » peut prêter à confusion, puisque le grand public aurait tendance à n’y associer que ce qu’on désigne comme les objets connectés, avec une vision d’objets du quotidien, comme les bracelets connectés, les montres intelligentes, les lumières intelligentes, etc. On pourrait lui préférer le terme, plus répandu dans le monde, d’Internet of Things (IoT) ou Internet des choses.
Les « choses » peuvent être une personne, un bâtiment ou un objet, qui va se retrouver connecté à un vaste réseau par Internet. Projeter cette notion d’IoT sur les objets connectés du quotidien que l’on connaît n’est pas une erreur en soi. C’est principalement dans ce segment que l’IoT grand public se déploie, d’ailleurs. Mais il prend son envol et trouve une utilité très importante dans les branches professionnelles, comme les usines ou les hôpitaux.
Dans son rapport de 2021 sur l’économie numérique dans le monde, la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced) a distingué l’Internet des objets parmi les 11 technologies de rupture, c’est-à-dire les technologies qui viennent en remplacer une autre sur le marché, rendant la précédente obsolète. On compte actuellement parmi ces technologies de rupture l’intelligence artificielle, la 5G, la blockchain ou les drones.
Le principe d’Internet des objets existe depuis longtemps maintenant, mais a véritablement pris son essor il y a une dizaine d’années. Des travaux importants ont été menés sur le sujet à l’époque, prédisant une explosion de l’usage des objets connectés dans le monde. Par exemple, une étude de 2015 menée par l’Institut fédéral de technologie de Zurich prévoyait la présence dans le monde de 150 milliards d’objets qui pourraient être connectés entre eux d’ici à 2025. D’autres prévoyaient 500 milliards.
La réalité est cependant bien plus nuancée. Il est très difficile de quantifier précisément le nombre d’objets connectés entre eux dans le monde. Selon les sources, il est possible d’établir une large fourchette – entre 12,2 et 78 milliards d’objets connectés – actuellement. L’Agence de la transition écologique (Ademe) et l’Autorité de régulation des communications électroniques (Arcep) estiment leur nombre à 1,8 milliard en Europe, dont 244 millions pour la France, selon un rapport paru en 2022 et commandé par l’État. Pas encore l’explosion espérée, mais, avec les nouveaux protocoles et les évolutions technologiques, les prédiction de croissance restent très optimistes, malgré une baisse de celle-ci due aux pénuries de composants.
Pour bien se rendre compte de ce dont on parle lorsque l’on évoque le terme Internet des objets, il convient de revenir plus en détails sur des cas concrets.
Comme nous le disions, l’IoT est une galaxie d’objets mis en connexion, permettant de récolter et partager des quantités énormes de données. L’Internet des objets nous entoure chaque jour. Le plus évident, oui, est bien l’utilisation qu’on en fait dans la maison. Régler son chauffage à distance ou le programmer pour qu’il s’allume à une certaine heure est une utilisation de l’Internet des objets. Le compteur Linky en fait également partie, puisqu’il collecte les données de consommation électrique et les partage à la fois au consommateur et aux régulateurs.
Dans le sport, l’Internet des objets a pris une place importante. Les sports les plus professionnalisés ont vu se multiplier la présence de capteurs divers et variés. Puces GPS dans le maillot pour voir les données de déplacement d’un joueur ou d’une joueuse, capteur de puissance pour mesurer la force encaissée lors d’un impact, etc. Les Formule 1, par exemple, ne peuvent plus fonctionner sans la batterie d’objets connectés intégrés au véhicule.
C’est toutefois l’industrie qui tire le plus parti de l’Internet des Objets. On parle d’ailleurs d’IIoT, pour Industrial Internet of Things. Le terme d’Industrie 4.0 semble cependant lui voler la vedette depuis son apparition dans la bouche de l’ex-chancelière allemande Angela Merkel, en 2011.
L’IoT dans l’industrie permet une quantité astronomique de nouvelles pratiques et a grandement amélioré le travail et la précision dans les usines. Les machines peuvent s’autosurveiller et prévenir des problèmes. Les stocks peuvent être gérés grâce à des capteurs : si un article est sur le point d’être épuisé, le système peut commander automatiquement de nouvelles pièces. On pourra noter sa présence dans le secteur de la santé également, avec des appareils capables de monitorer les patients à distance.
Si Renault et Google peuvent concevoir un jumeau numérique de nos voitures dans un futur proche, c’est grâce à l’Internet des objets industriel. Le système sera donc capable d’analyser le comportement du jumeau, de prévoir ce qu’il pourra faire et d’apporter une solution en amont du problème. Ce procédé est possible grâce aux dizaines de capteurs intelligents qui équipent nos voitures et qui rassemblent des milliers de données.
Un des grands freins de l’IoT dans le monde est probablement le surnombre de protocoles distincts qui régissent les interconnexions. On peut comparer les protocoles, ces listes de règles qui permettent une communication efficace entre des objets dans un réseau, à des langues. Comme dans le monde, les objets connectés ne parlent pas tous la même langue. Il peut alors être difficile, dans certains cas, de faire se comprendre entre eux des objets que l’on souhaite connecter. L’alliance de dizaines de grandes entreprises mondiales permet cependant un espoir. Google, Apple, Amazon, Samsung ou Nanoleaf ont commencé à déployer le nouveau protocole Matter, censé rendre interopérables plus simplement les objets connectés.
Le cas du traitement des données est un sujet de discussion. Le Washington Post a publié une longue enquête en octobre dernier, soulignant que les objets connectés d’Amazon étaient capables de collecter de gigantesques paquets de données. En théorie, les grandes entreprises présentes sur le marché des objets connectés ont les capacités de tout savoir de nous. Le concept même de vie privée est menacé par ces nouveaux objets, et nous a par ailleurs amené à nous questionner sur la surveillance au sein de son propre foyer.
La sécurité est prise à bras le corps par les gouvernements : de nombreuses législations œuvrent à la renforcer pour prévenir les risques de piratages. L’Union européenne a récemment mis en place un travail autour de son Cyber Resilience Act, qui devrait obliger les fabriquant à garantir une sécurité suffisante sur leurs objets.
Enfin, la croissance de l’Internet des objets dans le monde pose évidemment des questions environnementales et énergétiques. Le rapport Le Monde de l’Internet des objets : des dynamiques à maîtriser paru cette année et commandé par le gouvernement français, se pose effectivement cette question épineuse. « Dans quelle mesure les bénéfices environnementaux de l’[Internet des objets] pourront-ils compenser voire dépasser les coûts liés à la production des objets, à leur consommation énergétique et au traitement des déchets qu’il occasionnera ? »
C’est un cercle vicieux. L’Internet des objet se démocratise, la demande d’objets connectés augmente, des milliards de ces objets sont produits et mis sur le marché, les plus anciens objets sont jetés et remplacés par de nouveaux, et ainsi de suite. Les grandes instances et entreprises de ce monde devront donc, si elles souhaitent voir se poursuivre la croissance et l’amélioration de l’Internet des objets, être amenées à équilibrer leurs propositions.

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