Laurent Sagalovitsch
Temps de lecture: 3 min
Le monde s’est comme figé. Chacun y est allé de son petit couplet, de sa petite anecdote. De partout, les hommages ont plu. Encore un peu et on assistait à une séance de suicide collectif. La reine d’Angleterre était morte. Mais qu’est-ce que la reine d’Angleterre ou de toute autre contrée, si ce n’est une potiche placée sur son trône par les simples circonstances de sa naissance, une relique poussiéreuse aussi utile à la marche du monde qu’une maison vouée à une démolition prochaine?
Ce que représentait la reine Elizabeth II, c’est avant tout l’empire du vide, le néant de la pensée érigée par certains comme une délicatesse de l’esprit. Jamais on n’aura autant pleuré un être à la vacuité si manifeste. Passe encore que les Britanniques s’en trouvent tout émus –après tout, chaque pays a ses tocades destinées à demeurer une énigme absolue pour le reste de la planète– mais que le monde entier en vienne à pleurer sa disparition comme si une lumière s’était éteinte, une pure intelligence, une bienfaitrice de l’humanité, voilà qui ne manquera pas d’étonner.
On aura beau chercher, on ne trouvera rien dans sa vie qui puisse mériter pareil éloge. Elle aura vécu longtemps, nous dit-on. Rendez-vous compte, elle a serré la main de Charles de Gaulle. À la mort de Jean-Marie Le Pen, aujourd’hui âgé de 94 ans, devra-t-on aussi se livrer à ces exercices de génuflexions? Après tout, à défaut de lui serrer la main –et encore en est-on bien sûr?– il aura été député sous la présidence de Charles de Gaulle.
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Elle était gentille et souriante, nous dit-on également, avenante au possible. Ma grand-mère aussi. Pourtant à son enterrement, il n’y avait personne hormis la famille proche et quelques-unes de ses amies. Il est vrai que ma grand-mère n’était pas assise sur un tas d’or, ni ne vivait dans des châteaux entretenus à grands frais par d’honnêtes contribuables assez fous pour accepter que leur argent serve à payer des domestiques chargés de récurer les chiottes de sa Majesté.
Qu’une monarchie puisse exercer encore de nos jours une quelconque admiration est un rappel de l’infini besoin des êtres humains d’adorer des idoles destinées à servir d’intermédiaire entre eux et les prétendues puissances célestes à l’origine du mouvement des planètes. C’est un gâtisme de l’âme, une faiblesse de l’esprit, une peur infantile d’assumer seul toute l’étrangeté de la destinée humaine. Une formidable régression permettant à des individus parfaitement insignifiants d’être considérés comme des figures de leur temps.
Qui a deux sous de jugeote et trois d’esprit, à la simple vue du nouveau roi d’Angleterre, Charles III –il faut l’écrire pour le croire– n’attendra même pas ses premiers discours pour le juger comme le plus grand des empotés et le plus vaniteux des hommes. Se prétendre roi, à une époque où l’idée même de Dieu a disparu des consciences européennes depuis plus d’un siècle, revient à plonger l’humanité en enfance quand elle s’imaginait encore qu’une fois arrivé au bout de la Terre, on risquait de tomber dans le vide.
Tout prétendant au trône devrait abdiquer, et avec lui sa flopée de descendants.
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Les monarchies de droit divin sont ce qu’est l’homéopathie à la médecine, une vaste escroquerie, un abus de la crédulité des hommes. Un moyen trouvé par une caste bien particulière pour traverser les époques sans jamais travailler tout en s’engraissant de la plus éhontée des manières. En quoi la reine Elizabeth II, le roi Charles III –dites-moi que je rêve!– le prince William –que Dieu tout-puissant nous préserve de celui-là– sont-ils remarquables si ce n’est d’être le fruit d’une copulation royale? Ce sont des spermatozoïdes élus et rien de plus.
Mamie Nova était tellement humble qu’elle s’est offert des funérailles de dix jours. Dix jours! Ah, si seulement elle avait demandé à être incinérée avant d’être jetée dans la mare aux canards ou servir d’engrais à un champ de patates, quel formidable service elle aurait rendu à son pays. À la place de quoi, on trimballe sa dépouille d’une ville à l’autre comme un mausolée érigé à sa propre gloire. Elle qui ne fut rien hormis un excentrique porte-chapeaux, on la révère comme si l’humanité venait de perdre l’un de ses enfants les plus précieux, de ces grands inventeurs ou penseurs qui par la seule force de leur esprit permirent au genre humain d’accomplir mille prouesses.
C’est sur du vide que nous pleurons.
Enfin moi je ne pleure ni me réjouis.
Simplement, je m’en fous.
Royalement.
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Laurent Sagalovitsch
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