Richard Arzt
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Outre une vingtaine de bâtiments fonctionnels et sans grand caractère, le vaste parc arboré de Diaoyutai, à l’ouest de Pékin, contient une grande maison traditionnelle chinoise grise et rouge. Le 25 mai, à 18 heures, c’est là que François Hollande arrive tout sourire. Il répond à l’invitation de Xi Jinping, président de la République populaire de Chine et secrétaire général du Parti communiste chinois. L’entretien et le dîner qui va suivre vont durer une heure et demie. L’ancien chef de l’État français est accompagné par Michel Sapin. Côté chinois, se trouve notamment Wang Yi, le ministre des Affaires étrangères.
Dans ce genre de rencontres, Xi Jinping montre en général un visage aimablement neutre. Cette fois-ci, il affiche une évidente bonne humeur. Et, une fois que chacun est assis, il commence par dire à son hôte: «C’est un grand plaisir pour moi de vous revoir à Pékin. Nous sommes amis de longue date et je suis très content que vous effectuiez cette nouvelle visite en Chine». Il ajoute que durant le mandat de François Hollande, les relations sino-françaises ont connu «un très bon développement». En prenant soin de ne pas oublier d’indiquer que «sur cette bonne vague», le président Macron a (en janvier) «effectué en Chine une visite réussie».
Ce à quoi François Hollande, après avoir déclaré qu’il retrouve «avec grand plaisir» le président Xi Jinping, répond qu’il est «heureux de savoir que, avec le voyage d’Emmanuel Macron, il y a non seulement poursuite mais amplification de la qualité de la relation franco-chinoise».
La plupart du temps, dans ce genre d’échanges entre le président Xi et un hôte étranger, la presse n’assiste qu’à trois minutes d’entretien –traductions comprises. Le 25 mai, les journalistes français et chinois présents ont été autorisés à rester pendant sept minutes avant qu’on leur demande de sortir. Signe d’une bienveillance officielle à l’égard de François Hollande qui, ainsi, a pu faire savoir publiquement qu’il exprimait «sa gratitude» à Xi Jinping pour son rôle lors de la conférence sur le climat. «S’il n’y avait eu l’implication forte de la Chine, il n’y aurait pas eu l’accord sur le climat», estime l’ancien président français. Pendant son séjour, il déclarera également: «J’ai noué avec Xi Jinping des relations privilégiées au moment de cet accord. Il y a vraiment un lien très fort qui s’est tissé».
Une des racines de cette bonne entente affichée entre le numéro un chinois et l’ex-président français se trouve donc dans l’accord sur le climat de Paris, signé par 196 nations en décembre 2015. Certes, pendant le dîner, Xi Jinping rappellera combien la signature de Barack Obama n’avait pas été facile à obtenir. Il est plus discret, en revanche, sur les suites qu’offre aujourd’hui le retrait américain annoncé par Donald Trump: un champ considérable et mondial s’ouvre en faveur des entreprises chinoises qui travaillent dans le domaine de l’environnement. Elles ont d’ailleurs commencé à racheter certaines de leurs rivales européennes. En tout cas, Xi Jinping n’oublie visiblement pas ce que son pays doit à la présidence française qui a fait en sorte que la négociation de Paris réussisse.
Côté chinois, ce traitement ouvertement amical accordé à un chef d’État qui n’est plus en fonction n’est pas courant. Il y a eu bien sûr le cas de Jacques Chirac, grand connaisseur de plusieurs phases de l’histoire chinoise. En particulier du règne de Qin Shi Huangdi (247-221 avant J.-C.). Il a pendant des années –y compris quand il était à l’Élysée– commenté les photos de découvertes que lui envoyaient les archéologues travaillant sur les fouilles du site de Xi’an où est enterré l’Empereur. En 2010, quand, en tant qu’ancien président, il est revenu en Chine, le chef de l’État d’alors, Hu Jintao, l’avait reçu très chaleureusement, et avait accueilli «un grand ami de la Chine».
François Hollande ne partage cependant pas cette connaissance chiraquienne de la civilisation chinoise et la conférence climat ne suffit pas à expliquer l’accueil qui lui est réservé à Pékin. Peut-être faut il se souvenir que début 2012, on estimait à Pékin et à l’ambassade de Chine à Paris que la réélection de Nicolas Sarkozy était acquise. En février, quand Laurent Fabius fait, au nom du candidat François Hollande, une tournée des capitales, il ne trouve à Pékin aucun dirigeant pour le recevoir. Au point qu’il écourte son séjour et part en avance au Japon. En Chine, Xi Jinping est devenu président de la République en mars 2012. En mai, il n’a pu que le constater: celui qui est élu en France n’est pas celui que pronostiquaient les experts et diplomates chinois.
À Pékin, on sait corriger ce genre d’erreurs. En juillet 2012, lors de son premier voyage en Chine en tant que ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius a droit à des rencontres au plus haut niveau. Et en avril 2013, quand François Hollande effectue son premier voyage en Chine, il a plusieurs entretiens avec Xi Jinping et aurait sans doute eu droit à d’autres égards si son séjour avait duré plus d’un jour et demi. Le résultat de cet épisode est que les dirigeants considèrent désormais que François Hollande doit être particulièrement bien reçu.

Poignée de main entre Xi Jinping et François Hollande à son arrivée à la COP21, le 30 novembre 2015 au Bourget. | Loïc Venance / POOL / AFP
D’autant qu’un courant de sympathie s’est visiblement installé entre Xi Jinping et l’ex-président. D’une part, vu de Pékin, il est prudent de garder de bons rapports avec quelqu’un dont on ne sait pas s’il sera amené un jour à rejouer un rôle en France. Et, d’autre part, l’actualité internationale a permis de montrer que les points de vue de François Hollande peuvent être partagés en Chine.
Après les annonces de Donald Trump, l’ancien président français et le numéro un chinois sont conscients du risque que l’Iran sorte de l’accord sur le nucléaire. Et considèrent qu’il faut trouver comment garantir que le pays ne se dotera pas de l’arme atomique. Il a aussi été question de la montée des populismes en Europe, illustrée récemment par les élections en Italie. François Hollande déclare face à un Xi Jinping attentif: «La Chine, qui veut être une puissance globale, qui veut participer aux règlements des crises, doit prendre conscience aussi de ce qui doit être sa responsabilité par rapport à la régulation de l’économie, à l’ouverture des marchés et au partage des bienfaits de ce que l’on appelle la mondialisation».
Dans ces conditions favorables au dialogue sur tous les sujets, le récent voyage en Chine de François Hollande s’est fort bien passé. Le 24 mai, alors qu’il visitait l’usine Airbus, située dans la zone industrielle de Tianjin à quatre-vingt kilomètres de Pékin, il a expliqué aux journalistes français qui l’accompagnaient qu’il était «admiratif de la vision longue qu’ont les dirigeants chinois». L’ex-président estime qu’en France, «nous devons avoir des projets qui soient durables. Et éviter les à-coups, les idées qui voudraient que rien n’ait existé avant». Et il ajoute: «Chaque président doit partir de ce qui a été fait par ses prédécesseurs. On travaille toujours pour son successeur».
L’allusion vise probablement Emmanuel Macron. Mais elle est moins adaptée à Xi Jinping qui, en mars dernier, a fait adopter un amendement qui peut lui permettre, s’il le souhaite, de rester président de la République à vie. Mais rien n’indique que François Hollande ait questionné Xi Jinping à ce sujet.
L’important dans ce voyage est le rapport d’amitié qu’a manifesté le leader de la deuxième économie mondiale. Cela peut évidemment être un atout pour la réputation internationale de François Hollande. Il y a une quarantaine d’année, Alain Peyrefitte, propulsé dans le dialogue franco-chinois par le succès de son livre Quand la Chine s’éveillera, avait un contact privilégié avec les dirigeants chinois qu’il rencontrait régulièrement. Cela contribuait à faire de lui un spécialiste des affaires chinoises. Aujourd’hui, l’ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin est le Français le plus introduit dans les allées du pouvoir chinois. Nombre d’entreprises françaises font appel à ses services. François Hollande pourrait-il s’inscrire dans cette même proximité? Rien n’indique, au terme du voyage qu’il vient d’accomplir, que tel est son souhait.
Au moins, François Hollande a pu vérifier à Pékin qu’il n’est pas oublié. Il a mené un exercice pratique de politique étrangère qui ne peut être ignoré. Et que les dirigeants chinois, en tout cas, vont garder en mémoire. Mais de pareilles rencontres, aussi positives soient-elles, ne peuvent sans doute pas suffire à renforcer d’éventuelles ambitions politiques en France.
Richard Arzt
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