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C’est partout la saison des enchères. Avec l’habituelle impression que l’argent ne compte pas. Ou plus. Sept millions de francs pour des bracelets en diamants ayant appartenu à Marie-Antoinette obtenus à Genève. Quarante millions de dollars contre un Basquiat à New York (1). Près de quatre-vingts millions d’euros chez Sotheby’s à Paris grâce à un ensemble de quatre-vingt-une sculptures aimablement décoratives des époux Claude et François-Xavier Lalanne. J’en passe et des meilleures…
Un chiffre m’a cependant titillé davantage que les autres. Il est issu d’une des ventes tenues au Rockefeller Center de New York. Un endroit où Christie’s tenait ses premières vacations en «présentiel» depuis vingt mois. L’illustre maison avait bien fait les choses. Cent vingt «hôtes» seulement, puisqu’il semble difficile à ce degré de parler d’acheteurs potentiels. Un trio de jazz pour les accueillir. Des macarons de Ladurée à la sortie. Notez que, si chers que soient ces derniers, cela ne représentait rien par rapport aux sommes espérées. Ce pactole ne s’est cependant pas vraiment matérialisé. La vente d’art contemporain avec public a totalisé 220 millions pour quarante numéros, alors que celle de l’année dernière en avait rapporté 340. Confié par un certain José Maria Cano, le Basquiat n’a par exemple atteint, en dépit de ses quarante millions, que l’estimation basse. Pour tout dire, le vendeur en espérait le double. Et Peter Doig a fait presque aussi bien avec 39,9 millions. Ah j’oubliais! Il y avait bien sûr le NFT de service tout neuf de Beegle. Ce gadget tridimensionnel a culminé à 28,9 millions.
«C’est un honneur que de donner une œuvre pour assurer la pérennité du Memorial contre le sida»
Mais assez parlé. Venons-en au fait du jour. Le 9 novembre, Christie’s proposait aussi une vente de bienfaisance. Destiné au New York City Aids Memorial, une association en faveur du sida, l’«Unquestioning Love» comprenait dix-neuf numéros confiés par de riches amateurs ou les artistes eux-mêmes. Au menu se trouvaient ainsi Sam Gilliam, Jenny Holzer ou le Suisse Ugo Rondinone. Ce n’est pas de lui que je vais vous parler, mais à nouveau de Nicolas Party. Le Lausannois avait offert un paysage de cette année, exécuté spécialement pour l’occasion. Un mètre de haut environ. Rien d’énorme. Son auteur était tout fier. «C’est un honneur que de donner une œuvre pour assurer la pérennité du Memorial». Il faut dire que se voir prié ici de le faire tient de la promotion artistique et sociale. Le but de l’entreprise est de faire des sous. Beaucoup de sous. Autrement dit, cette dernière ne s’adresse qu’à des stars.
Le pastel de Party était prisé entre 300 000 et 500 000 dollars. Un peu en dessous du prix demandé en temps ordinaire pour le poulain de la galerie Hauser & Wirth, dont l’exposition à Lugano dure jusqu’au 9 janvier prochain (www.masilugano.ch). Il fallait inciter les gens (il y avait aussi par écran des enchérisseurs «live» à Londres ou à Hong Kong) à miser. Eh bien là, la bataille s’est révélée rude! Beaucoup d’amateurs. Une atmosphère électrique. Le tableau a terminé son ascension à 3 270 000 dollars. Dix fois l’estimation basse. Et le tout sans que la presse spécialisée s’émeuve. C’est comme si ce prix énorme se situait dans l’ordre (ou le désordre) des choses.
Qu’est-ce que cela veut pourtant dire en clair? La chose signifie que le Lausannois de 41 ans, qui battait ce soir-là Cindy Sherman ou Christopher Wool, est entré d’un coup dans le minuscule club des noms hypercher. Il vaut depuis le 9 novembre (du moins potentiellement) quatre fois plus que la veille. Le marché a parlé. L’homme plaît décidément aux super riches. Et cela même si les puristes de l’art contemporain, critiques et directeurs de musée, font la fine bouche devant ses réalisations colorées et décoratives. On a connu naguère le même phénomène avec Fernando Botero, qualifié lui aussi d’illustrateur. Moralité, il n’y a pas aujourd’hui qu’un marché à deux vitesses. Il en existe un autre séparant ce qui est muséal ou non. Le chic et le cher. C’est ce que l’on appelle aussi, avec un certain dédain, «le goût des autres».
(1) «The Guilt of Gold Teeth» de 1982.
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